BFM Business
Entreprises

Des entreprises françaises... de moins en moins françaises

-

- - -

Dans le cadre des négociations entre l’entreprise chinoise Dongfeng et Peugeot sur une entrée possible des Chinois dans le capital de l’entreprise française, les Chinois ont fait savoir qu’il souhaitait changer les dirigeants de l’entreprise. Cela paraît normal : qui paie décide.

Au fur et à mesure que la mondialisation se développe, il devient de plus en plus difficile de définir ce qu’est la nationalité d’une entreprise. Il y a deux extrêmes : les entreprises familiales, dont le capital appartient exclusivement à une famille. En France, on cite souvent le cas d’Auchan qui appartient aux descendants des fondateurs. Ces entreprises sont marquées par les valeurs et les objectifs de la famille en question, sachant que comme le disait Gide « Famille je vous hais ! » ; c'est-à-dire qu’il y a parfois des conflits violents entre parents. Le capitalisme familial est présent dans tous les pays. Il est assez puissant en Allemagne, en France, en Italie, au Japon. Il l’est moins dans le monde anglo-saxon.

A l’opposé, on trouve un capitalisme d’actionnariat anonyme, où des fonds d’investissement contrôlent le capital des entreprises. Ces fonds sont de plus en plus multinationaux ; ils ont une approche moins sentimentale que des actionnaires familiaux ou des fonds de placement très axés sur un pays. Quand on en parle, on fait souvent allusion à des fonds de pension, c'est-à-dire des fonds chargés de gérer des retraites. Ces fonds de pension mobilisent des masses considérables d’épargne et les utilisent à devenir propriétaires d’entreprises partout dans le monde.

Il se trouve qu’en France, malgré nos problèmes à venir de financement des retraites, nous nous refusons à créer des fonds de pension. Pendant longtemps, il y avait en France beaucoup d’entreprises publiques, ce qui fait que leur nationalité était évidente. Lorsque les privatisations ont commencé, la gauche s’est rallié à leur principe en imaginant créer des amorces de fonds de pension avec notamment la création du Fonds de réserve de retraite sous Jospin. Mais Sarkozy l’a vidé et il n’y a pas de véritable lieu de mobilisation d’une épargne longue à l’exception notable et très politique de la Caisse des dépôts.

Quelle est la conséquence ?

De plus en plus de secteurs historiques de notre industrie sont passés sous le contrôle de capitaux étrangers : on l’a vu avec la sidérurgie qui est entre les mains de M. Mittal. On va bientôt le voir avec l’automobile qui sera sous contrôle chinois, la seule proposition pour éviter cela étant une nationalisation partielle. On le voit moins, mais la part des capitaux étrangers à la Bourse de Paris est désormais majoritaire. En 1995, cette part était de 35%.

Il faut dire qu’il n’y a que 4 millions de Français qui ont des actions. Le principal détenteur d’actions à la bourse de Paris est le fonds souverain norvégien, c'est-à-dire le fonds de retraite public norvégien. Et les fonds de pension privés détiennent 25% du CAC40. Cela peut paraître anodin, mais cela signifie d’abord que les dirigeants des entreprises dites françaises seront de moins en moins des Français. Et que nous travaillons de plus en plus pour payer les retraites des Américains, des Japonais et des Allemands… !

Jean-Marc Daniel