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Vie de bureau

Et si les managers devaient (un peu) s’inspirer de Donald Trump?

"Le candidat américain à la primaire républicaine a beau être un trublion en politique, ses défauts, dans les affaires, ont parfois assuré sa réussite et la pérennisation de son empire immobilier."

Donald Trump vous fait peut-être rire (ou pleurer) quand il fait de la politique. Mais laissons de côté les frasques qui ponctuent sa campagne pour les primaires républicaines pour nous concentrer sur l’homme d’affaires. Parce que côté business, son cynisme lui réussit plutôt bien. Et il a peut-être même des choses à apprendre aux managers.

Donald Trump pèse des milliards. Son équipe de campagne dit 10 milliards de dollars. Forbes estime que le chiffre de 4 milliards est plus proche de la réalité. Une fortune quoi qu’il en soit, qui provient principalement de ses immeubles et ses casinos. Loin d’être un self-made man, il a reçu l’aide de son père, qui avait réussi dans l’immobilier avant lui. Trump senior lui a mis le pied à l’étrier: il lui a donné 1 million de dollars pour se lancer, et lui a fait profiter de son réseau. Mais sur ces solides fondations, le fils a bâti un empire.

Le roi du bluff s'aide de Lady Di pour vendre

Comment? Grâce à quelques compétences qu’il faut bien lui reconnaître. La première: son génie du bluff. Barbara Res a travaillé pour lui pendant 20 ans. Dans les années 80, à une époque où aucune femme n’officiait dans le BTP, il l’embauche pour superviser la construction de la Trump Tower, sa tour super luxueuse à Manhattan. Dans un livre qu’elle a écrit à ce sujet ("Toute seule au 68e étage: comment une femme a changé le visage de la construction"), elle raconte une anecdote révélatrice.

Au moment de l’inauguration de la tour, en 1983, Donald Trump déjeune avec des journalistes. Comme une confidence, il leur assure que la princesse Diana va acheter un appartement dans sa tour. C’est totalement faux. Mais un des reporters appelle le palais royal pour vérifier. Le chargé des médias répond de la même façon qu’il répond tout le temps: “Pas de commentaire”. Le journaliste l’écrit, la rumeur est lancée, les acheteurs se bousculent!

Le succès de son nom le sauve de la banqueroute

Deuxième atout maître de Donald Trump il se bat comme un lion quand il est en difficultés. Quatre entreprises Trump ont été placées en faillite entre les années 90 et aujourd’hui. Mais aucune n’a fermé. L’avocat d’un des créanciers raconte dans la presse américaine comment le milliardaire a réussi à mettre les banques dans sa poche avec un argument massue: le succès de son patronyme! Toutes ses propriétés portent le nom Trump, tous ses hôtels, ses casinos, et même son avion privé. Face aux banques qui réclament d’être remboursées au plus vite, il répond au contraire qu’elles sont obligées de continuer à lui verser du cash. Parce que maintenir l’illusion de la grandeur de l’empire Trump, c’est le seul moyen de valoriser les biens qu’elles vont lui saisir. Elles ont suivi. Il a évité la banqueroute.

Troisième talent: il sait exploiter les qualités de ses employés. Même s’il a une vision très personnelle -et même choquante- de ce qu’est une qualité. Barbara Res raconte dans le Daily News qu’à l’époque de leur collaboration, il n’autorisait que les secrétaires les plus belles à servir le café à ses clients. Mais loin d’elle l’idée de le qualifier de sexiste. En fait, l’Américaine explique qu’il voit la beauté comme une compétence, et donc qu'il l’utilise comme telle.

Brutal avec ses employés

Ceci dit, Barbara Res admet aussi que Donald Trump peut être un très mauvais manager. Elle l’a vu plusieurs fois être brutal avec ses employés. Il leur rejette la faute dessus quand il se trompe. Il se met dans des rages incroyables. Elle affirme aussi qu’il a changé après le succès de The Apprentice, son émission de téléréalité où il fait s'affronter des candidats à un poste dans son groupe. Avec la célébrité, celui qui était un dénicheur de talents a commencé à s’entourer de médiocres, des béni oui-oui, parce qu’il voulait être dorloté. Elle rapportr même que celui qui s’est fait connaître en criant "you’re fired" au candidat éliminé à la fin de chaque show est en réalité incapable de virer qui que ce soit dans son groupe. Il délègue la charge à d’autres, et réintègre le même employé trois fois.

Alors, est-ce que les entreprises ont besoin de managers comme Trump, ou doivent-elles éviter à tout prix les provocateurs dans son genre? Jeffrey Pfeffer, un expert en management à la Stanford Business School, estime dans The Economist qu’un leader excessif peut apporter quelque chose en termes de puissance. Qu’il faut accepter son côté sombre, mais à condition de mettre des garde-fous. Par exemple, embaucher une autre forte tête, une sorte de Maverick. C’est-à-dire un contre-pouvoir, quelqu’un qui discuterait toutes les décisions du patron. Reste que trouver un candidat pour le job risque d’être un vrai défi.

Nina Godart