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États-Unis: Uber pourra être poursuivi en cas de plainte contre un chauffeur

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- - SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

La société américaine a supprimé une clause qui empêchait ses clients de la poursuivre en cas de plainte pour agression sexuelle contre un chauffeur.

Uber tente de redorer une image ternie par les scandales. La société américaine a promis mardi plus de "transparence" face aux agressions sexuelles, un exemple immédiatement suivi par son principal concurrent aux États-Unis, Lyft.

Uber a en effet supprimé une clause controversée qui empêchait les victimes de poursuivre l'entreprise. Jusqu'ici seuls les chauffeurs ou personnes directement accusées pouvaient être poursuivies devant les tribunaux.

"Les 18 derniers mois ont révélé une épidémie silencieuse d'agressions et de harcèlement sexuels qui hante tous les secteurs (...). Uber n'est pas épargné par ce problème profondément enraciné et nous pensons que nous devons faire partie de la solution", a écrit sur le site d'Uber son directeur juridique Tony West, faisant allusion au mouvement #MeToo, qui a suivi le scandale retentissant autour du magnat d'Hollywood Harvey Weinstein.

Poursuites possibles contre l'entreprise

Parmi les mesures promises par le service de VTC, "nous n'exigerons plus l'obligation de recourir à un arbitrage pour les allégations individuelles d'agressions ou de harcèlement sexuels", que ce soit concernant des clients, des chauffeurs ou des employés, poursuit Tony West. Cela ouvre la voie à de possibles poursuites contre l'entreprise elle-même -parfois accusée d'avoir insuffisamment contrôlé les antécédents de ses chauffeurs par exemple- et non plus seulement contre la personne accusée d'agression.

L'arbitrage est une forme de médiation, destiné à trancher un contentieux de façon bien plus discrète qu'un procès au tribunal. L'annonce d'Uber intervient alors qu'une enquête de la chaîne américaine CNN affirmait qu'au moins 100 chauffeurs ont été accusés d'agressions ou de harcèlement au cours de ces quatre dernières années aux États-Unis. Le document, diffusé fin avril, s'appuyait sur des chiffres policiers et judiciaires.

Cette clause controversée, qui n'est pas l'apanage des services de voitures de transport avec chauffeur, figure dans les conditions d'utilisation d'Uber, que chaque utilisateur doit cocher pour accéder à la plateforme. Dans le texte qui régit ces conditions aux États-Unis, disponible sur le site de l'entreprise, il est stipulé que l'usager doit résoudre toute plainte contre Uber via une procédure d'arbitrage et "non devant un tribunal".

Le concurrent Lyft suit le mouvement

Lyft, son principal concurrent aux États-Unis qui revendique 35% du marché américain, a annoncé dans la foulée lui aussi renoncer à cette clause. Interrogé par l'AFP, Uber a précisé que la modification ne concernait pour l'instant que les États-Unis mais que le groupe "réfléchissait" à l'étendre. L'arbitrage est également mentionné dans les conditions de service d'Uber BV (Pays-Bas) qui s'appliquent aux usagers de "tout pays du monde" (à l'exclusion des États-Unis et de la Chine).

En outre, le changement ne concernent que les actions individuelles et non d'éventuelles poursuites en nom collectif ("class-actions"). Autres mesures promises par le groupe: en cas de règlement à l'amiable avec Uber, les victimes n'auront plus à signer un accord de confidentialité les empêchant de parler publiquement de leur histoire. Lyft a aussi abandonné cette disposition.Uber avait annoncé récemment qu'il renforçait le contrôle de ses chauffeurs, notamment leur casier judiciaire.

Rapport de transparence

Enfin, l'entreprise publiera désormais un rapport de transparence "incluant des données sur les agressions sexuelles et les autres incidents" survenant sur sa plateforme.

"Nous avons franchi aujourd'hui une étape importante dans notre engagement pour la sécurité et la transparence", a affirmé sur Twitter le patron Dara Khosrowshahi, arrivé l'an dernier avec pour mission de redorer l'image de la société.

Début 2017, une ex-ingénieure, Susan Fowler, avait accusé Uber de n'avoir pris aucune mesure contre le harcèlement et le sexisme dont elle se disait victime en interne. Ces révélations avaient contribué à ternir gravement l'image d'Uber et à pousser vers la sortie son patron-fondateur, le tumultueux Travis Kalanick. Susan Fowler, qui a avait demandé plusieurs fois la suppression de la clause sur l'arbitrage, a estimé mardi sur Twitter que le groupe avait "fait ce qu'il fallait".

Le 26 avril dernier, 14 femmes se disant victimes de chauffeurs Uber avaient écrit une lettre ouverte au conseil d'administration de l'entreprise pour lui demander de les "libérer" de cette clause, de façon à pouvoir porter leurs cas "devant un tribunal, plutôt qu'au travers d'un arbitrage confidentiel". Uber revendique 900.000 chauffeurs aux Etats-Unis, travaillant pour la plateforme à temps partiel ou complet. Ce sont des travailleurs indépendants.

P.L avec AFP