BFM Business
Culture loisirs

Exclusif - Le CSA revendique plus de pouvoirs

Le CSA (préside par Olivier Schrameck) propose de sanctionner ses propres membres trop bavards

Le CSA (préside par Olivier Schrameck) propose de sanctionner ses propres membres trop bavards - -

Le gendarme de l'audiovisuel voudrait faire adopter une dizaine d'amendements à la future loi audiovisuelle afin de renforcer ses pouvoirs. Il propose notamment de ne plus plafonner le nombre d'auditeurs couverts par un groupe de radio.

La boîte de Pandore est ouverte. Tous les lobbys s’agitent autour de la future loi audiovisuelle afin d’y faire voter des amendements en leur faveur.

Explication: ce texte est la première loi sur l’audiovisuel depuis plusieurs années. Et il risque d’être le seul avant longtemps. Certes, la ministre de la culture Aurélie Filippetti a bien promis une autre loi pour l’automne, pour mettre en œuvre le rapport Lescure. Mais on peut douter que ce calendrier soit tenu, vu l’encombrement législatif. 

En raison de ces amendements tous azimuts, cette loi sera finalement plus copieuse que prévu. Initialement, elle se limitait à la nomination du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) et des patrons de l’audiovisuel public.

Petite loi deviendra grande

Néanmoins, l’extension du domaine de la loi a ses limites. En effet, les débats consacrés à la loi ne dureront qu’une demi-journée, le 24 juillet à partir de 15h. Et le gouvernement veut éviter que le débat parte dans tous les sens.

Il faudra donc faire des choix parmi tous les amendements suggérés aux députés. Mais certains pèsent plus que d’autres, comme ceux rédigés par le CSA lui-même. En effet, le gendarme de l’audiovisuel a fait passer à des députés –notamment le rapporteur de la loi Marcel Rogemont (PS)- une dizaine d’amendements cléfs en main (disponibles ici).

La plupart de ces amendements reprennent les propositions déjà faites dans le rapport d’activité du CSA. Certains auront un impact important sur le PAF (paysage audiovisuel français). Ainsi, un amendement instaurera une régulation économique a priori de Canal Plus. Et un autre permettra au CSA d’autoriser le passage en clair de chaînes TNT payantes, ce qui permettra par exemple à LCI ou Paris Première d’accéder à la TNT gratuite.

Mais le CSA a aussi sorti de son chapeau plusieurs surprises du chef, qui auront aussi un fort impact.

1-le nombre d'auditeurs des groupes de radio déplafonné

La proposition la plus spectaculaire concerne la radio. Le CSA propose de supprimer le nombre maximal d’auditeurs couverts par un groupe de radio. Ce plafond avait été fixé à 150 millions d’habitants par groupe de radio. Les principaux groupes privés (NRJ, Lagardère et RTL) tutoient ce plafond, et donc militent pour son relèvement. En face, les radios indépendantes tiennent à conserver ce plafond, ne voulant pas ouvrir la porte au rachat des 'petits' par les 'gros'.

Jusqu’à présent, l'idée avancée par plusieurs parlementaires était de relever le plafond à 180 ou 200 millions d’habitants. La suppression de tout plafond proposée par le CSA est donc une solution radicale. Le plafond de 150 millions est "figé, largement obsolète et son efficacité reste limitée", argue le gendarme de l’audiovisuel dans l’exposé des motifs. Il propose deux garde fous assez légers en contrepartie. D’une part, il publiera chaque année "un rapport sur la concentration du secteur". D’autre part, il tiendra compte "du nombre de radios" déjà détenues par un groupe, avant de lui en accorder de nouvelles.

2-le silence dans les rangs imposé au CSA

Autre surprise: le CSA propose désormais de sanctionner ses propres membres trop bavards... En effet, jusqu'à présent, un membre qui ne respectait pas son devoir de réserve ne risquait rien. Désormais, il pourra être "démissionné d’office" -une sanction réservée jusqu’à présent aux conflits d’intérêt.

Surtout, cette "démission d'office" devait jusqu’à présent être approuvée par les deux tiers du collège, mais le gouvernement propose dans son projet de loi qu’une majorité simple suffise.

Au passage, le CSA propose aussi de revoir la définition de ce devoir de réserve. Désormais, les membres devront "respecter le secret des délibérations". En outre, ils devront "s'abstenir de toute prise de position publique sur les questions en cours d’examen". Une interdiction moins contraignante que l’interdiction actuelle, assez large: elle portait "sur les questions dont le CSA a -ou a eu- à connaître, ou qui sont susceptibles de lui être soumises".

Dans l’exposé des motifs, le CSA argue que le régime en vigueur était "trop draconien", et rappelle qu’une décision a été invalidée suite à des déclarations intempestives du membre du collège Françoise Laborde.

3-TNTsat enfin régulé

Dernière surprise: le CSA propose un amendement qui imposera le statut juridique de "distributeur" à TNTsat, l’offre de TNT diffusée sur le satellite Astra et opérée par Canal Plus.

Aujourd’hui, TNTsat "échappe à tout contrôle et toute régulation, une situation difficilement admissible pour des offres qui concernent plus de 3 millions d’utilisateurs", indique le CSA dans l’exposé des motifs. Grâce à cette situation, TNTsat n’est pas obligé de distribuer toutes les chaînes TNT, et ainsi ne diffuse pas HD1 et 6ter, au grand dam du CSA...

Interrogé, le CSA répond que "ces amendements n'ont pas été proposés spontanément par le CSA, mais rédigés suite à des demandes de parlementaires".

Jamal Henni