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Exclusif: les films français de moins en moins vus

Dans les années 80, on produisait deux fois moins de films, qui étaient plus vus

Dans les années 80, on produisait deux fois moins de films, qui étaient plus vus - -

Depuis les années 80, le nombre de films produits dans l'Hexagone a doublé. Mais sans effet sur la fréquentation: les films français ont perdu des parts de marché face au cinéma américain, et le nombre moyen de spectateurs par film français a chuté d'un tiers.

Produit-on trop de films en France? Le débat fait rage depuis près d'un an. En effet, le nombre de films français produits approche désormais des 300 par an, soit le double des années 80.

Mais le ministère de la Culture comme le Centre national du cinéma (CNC) assurent qu'on ne produit pas trop de films. Ils affirment que cela est nécessaire pour maintenir les entrées en salles du cinéma hexagonal, et permettre l'éclosion de nouveaux talents. "Un nombre de films nationaux élevé permet une part de marché élevée", prétend le CNC, qui ajoute que "la performance des films français augmente".

Démenti par les chiffres

Hélas, ces assertions sont démenties par les chiffres, qui montrent que, dans les années 80, on produisait deux fois moins de films, mais qui étaient plus vus.

D'abord, les films français représentaient 45,3% des entrées en salles dans les années 80, soit bien plus qu'aujourd'hui: 39,3% entre 2007 et 2012.

Surtout, les films français attirent de moins en moins de spectateurs. En effet, notre étude montre qu'un film français attirait 443.746 spectateurs en moyenne dans les années 80, contre seulement 288.657 curieux sur la période 2007-2012. Bref, un film français attire aujourd'hui en moyenne 35% de spectateurs en moins qu'il y a trente ans.

Pendant ce temps, les films américains séduisent, eux, de plus en plus de monde: 595.918 entrées en moyenne sur 2007-2012, contre 488.168 dans les années 80, soit une hausse de +22%. L'écart entre un film français et un film américain s'est donc creusé, alors qu'il était très faible dans les années 80.

A noter que le CNC, qui publie chaque année des centaines de statistiques, n'a jamais jugé utile de publier ce ratio du nombre d'entrées par film...

Le nombre moyen d'entrées par film français (en rouge), et par film américain (en vert)
Le nombre moyen d'entrées par film français (en rouge), et par film américain (en vert) © -

60% des films font moins de 50.000 entrées

Les causes de cette surchauffe sont bien connues. C'est surtout le nombre de films à petit budget qui a augmenté. Et ces films sortent en salles sans attirer grand monde. Comme le déplorait la Cour des comptes, "une part structurelle de films réalise un nombre très réduit d’entrées. Entre 2001 et 2010, la proportion de films français qui ont été vus par moins de 50.000 spectateurs est passée de 51% à 60%".

Les magistrats de la rue Cambon concluaient: "au terme d’une décennie qui n’a cessé de voir augmenter le nombre de films français produits chaque année, il est donc permis de s’interroger sur la pertinence d’un dispositif de soutien orientant une part significative de ses ressources vers des films qui ne pourront rencontrer qu’un public restreint, voire marginal".

NB: le nombre moyen d'entrées en salles a été obtenu en prenant le nombre d'entrées en salles réalisées par les films français, puis en le divisant par le nombre de films français sortis en salles en première exclusivité sur la même période. Les coproductions majoritaires et minoritaires ont été incluses dans les films français.

Jamal Henni et Simon Tenebaum