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Exclusif : le fisc français réclame 52 millions d'euros à Microsoft

C'est le plus important contrôle fiscal notifié à Microsoft France depuis sept ans

C'est le plus important contrôle fiscal notifié à Microsoft France depuis sept ans - -

Bercy a notifié un redressement fiscal à la filiale française de l'éditeur de logiciels portant sur les prix de transfert. Mais la société le conteste.

Le fisc français ne lâche pas Microsoft. Il a notifié un nouveau redressement fiscal à la filiale française de l'éditeur de logiciels -le troisième en cinq ans. Mais le montant est plus important que précédemment: il s'élève cette fois à 52,5 millions d'euros.

Ce redressement, qui résulte d'un contrôle effectué en 2010, porte sur les prix de transfert pratiqués entre la filiale française et son actionnaire lors des exercices 2007 à 2009. Toutefois, l'Américain conteste ce redressement, et a saisi la Commission nationale des impôts directs, qui examine le dossier en ce moment.

Le fisc désavoué par la justice

Le fisc a déjà effectué des contrôles fiscaux sur chaque exercice depuis 1995. Mais ces contrôles n'ont donné lieu qu'à des redressements mineurs: 355.540 euros sur des charges non déductibles (frais d'études, primes aux salariés...) entre 2000 et 2001. Ou encore 1,1 million d'euros sur la taxe professionnelle entre 2002 et 2004 (la société a déposé un recours devant le tribunal administratif).

Certes, le fisc avait bien notifié un redressement de 20 millions d'euros en 2005 portant sur les exercices 1999 à 2001. Mais Microsoft l'a contesté avec succès devant le tribunal administratif, jugement confirmé en appel. Bercy, qui ne s'est pas pourvu en cassation, a donc dû rembourser à l'Américain les 20 millions d'euros... augmentés de 4 millions d'euros d'intérêts!

Evaporation fiscale

Si les montants réclamés par le fisc restent modestes, c'est que le chiffre d'affaires déclaré en France l'est aussi. Explication: Microsoft utilise en France depuis 1994 le statut d'agent commissionné. Lorsqu'elle vend un produit, la filiale française ne comptabilise pas le prix de vente du produit, mais uniquement une commission, qui est une fraction de ce prix de vente. Précisément, la filiale française est un agent commissionné d'une filiale irlandaise, Microsoft Ireland Operations Limited.

Lors du contrôle fiscal de 2005, le fisc avait remis en cause le niveau des commissions versés à la société irlandaise. En particulier, la baisse de cette commission décidée par Microsoft en 1999. Alors que la filiale versait jusqu'alors 25% du prix de vente, elle a décidé de verser moins d'argent, jusqu'à 18% du prix de vente. Le fisc estimait que ce niveau était trop faible, mais il n'a pas été suivi par la justice. A nouveau, le redressement de 52,5 millions d'euros porte lui aussi sur le niveau de ces commissions.

Raid spectaculaire

Mais les ennuis de l'éditeur ne sont pas finis, car le fisc a depuis trouvé un nouvel angle d'attaque. Selon le statut d'agent commissionné, la filiale française n'est pas censée commercialiser des produits, que ce soit une suite Office ou de la publicité sur Internet. La vente doit être effectuée par une entité étrangère -ainsi, c'est la filiale irlandaise signe les contrats avec les clients français. Or le fisc soupçonne la filiale française d'avoir en réalité un rôle commercial, et, pour en avoir le coeur net, a mené un spectaculaire raid le 28 juin 2012 au siège d'Issy-les-Moulineaux.

L'ordonnance ayant autorisée le raid, citée par Le Canard enchaîné du 4 juillet dernier, explique: "Il peut être présumé que Microsoft Online Inc. [filiale qui vend de la publicité sur Internet] développe, depuis 2008, une activité commerciale à destination de clients français, pour le marché français, en utilisant des moyens humains et matériels de la SAS Microsoft France, situé en France", mais "sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes". Microsoft s'était alors défendu de toute fraude dans un communiqué.

Interrogé sur ce nouveau redressement fiscal, Microsoft a confirmé son existence, mais ajouté que le fisc avait, pour un autre exercice, estimé que l'éditeur avait au contraire trop payé d'impôt, et qu'il devait donc être remboursé du surplus...

Jamal Henni