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Les obligations imposées à Canal Plus devraient être confirmées

La haute juridiction suit le plus souvent l'avis du rapporteur public

La haute juridiction suit le plus souvent l'avis du rapporteur public - -

Le rapporteur public auprès du Conseil d'Etat recommande de rejeter le recours déposé par la chaîne contre le gendarme de la concurrence.

Soulagement chez le gendarme de la concurrence. Les obligations imposées à Canal Plus ont de fortes chances d'être confirmées en appel par le Conseil d'Etat.

En effet, vendredi 14 décembre, le rapporteur public Vincent Daumas a recommandé de confirmer toutes les obligations, et de rejeter le recours déposé par la chaîne cryptée. Sauf sur un point mineur: le rapporteur public propose de réduire de deux millions d'euros l'amende infligée à la filiale de Vivendi, initialement fixée à 30 millions d'euros.

Le Conseil d'Etat doit maintenant prendre sa décision, sans doute avant Noël, mais il suit dans la plupart des cas l'avis du rapporteur public.

Première juridique

Rappelons que le Conseil d'Etat doit se prononcer en même temps sur la validité de deux décisions du gendarme de la concurrence: celle retirant le feu vert au rachat de TPS et infligeant une amende de 30 millions d'euros, mais aussi celle imposant de nouvelles obligations à la chaîne cryptée.

L'Autorité de la concurrence estime que Canal n'a pas respecté les engagements pris en 2006 lors du rachat de TPS. Elle avait donc décidé de retirer le feu vert accordé en 2006. C'était la première fois qu'elle prenait une décision de ce type.

L'arrêt du Conseil d'Etat est donc très attendu, car il fera jurisprudence. C'est sans doute pour cela que l'arrêt sera rendu par l'assemblée du contentieux, la plus haute formation de jugement du Conseil d'Etat.

Désaccords mineurs

Sur le fond, le rapporteur public n'a donc exprimé qu'un désaccord mineur avec le gendarme de la concurrence. Alors que l'Autorité de la concurrence accusait Canal de n'avoir pas respecte 10 des 59 engagements pris en 2006, le rapporteur estime que Canal Plus n'en a violé que 8. Il estime que Canal a bien respecté deux engagements mineurs (le 20ème et le 44eme) contrairement à ce qu'affirmait l'Autorité. C'est pour cette raison qu'il propose de réduire de 2 millions d'euros l'amende infligée à la chaîne cryptée.

En revanche, le rapporteur public est d'accord avec l'Autorite sur un point essentiel: Canal devait respecter la lettre des 59 engagements, mais aussi leur esprit, faute de quoi cela revenait à "contourner" l'engagement. Surtout, il confirme que la violation des engagements est bien "particulièrement grave", et justifie bien le retrait du feu vert.

Quant aux nouvelles obligations imposées, il les juge toutes proportionnées. Notamment l'obligation de proposer à tous les distributeurs les chaînes Ciné+ "est la moins intrusive, alors que l'Autorite aurait pu imposer cela pour Canal+ Cinéma".

Canal fait feu de tout bois

Bref, le rapporteur public a recommandé de rejeter tous les autres arguments de la chaîne cryptée. Au total, il y en avait plusieurs dizaines, portant sur le fond comme sur la forme, et il a donc fallu pas moins de 3h30 pour les passer tous en revue... Il faut dire que Canal a fait feu de tout bois, jugeant illégal par exemple la publication de l'avis du CSA par le point.fr. Ou encore le fait que la rapporteur générale de l'Autorité, Virginie Beaumeunier, s'occupait des rachats d'entreprises à Bercy en 2006, et s'était donc déjà penchée sur le dossier... La chaîne estimait que son droit à un procès impartial n'a pas été respecté, en raison notamment de l'organisation interne de l'Autorité. Surtout, elle estime disproportionné d'avoir annulé le feu vert, alors que seule une petite partie des engagements n'a pas été respectés.

Par ailleurs, le rapporteur public a aussi recommandé de rejeter les recours déposés par Numericable et le bouquet satellite Parabole Réunion, qui estimaient au contraire que l'Autorité n'avait pas tapé assez fort sur la filiale de Vivendi. Le câblo-opérateur estimait notamment qu'il fallait mettre fin à l'auto-distribution de la chaîne cryptée.

Rappelons que Canal a engagé dans cette affaire pas moins de cinq recours contre le gendarme de la concurrence. A ce jour, Canal Plus a perdu tous ses recours. Début octobre, la chaîne cryptée avait même tenté de jouer la corde sensible, en exposant devant le juge ses mauvais résultats. Mais, décidément, rien n'y fait.

Le titre de l'encadré ici

|||Recours contre Bercy
Lorsque Bercy a cédé en 2008 le controle des rachats à l'Autorité de la concurrence, il s'est gardé la possibilité de contredire le gendarme de la concurrence dans certains cas exceptionnels: "pour des motifs d'intérêt général autres que le maintien de la concurrence et, le cas échéant, compensant l'atteinte portée à la concurrence par le rachat. Ces motifs d'intérêt général sont, notamment, le développement industriel, la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale, ou la création ou le maintien de l'emploi".
A ce jour, Bercy ne s'est jamais servi de ce super-pouvoir contre l'Autorité, et en particulier a réfusé de le faire dans l'affaire TPS lorsque Parabole Réunion lui a demandé de le faire fin juillet, arguant de l'impact sur l'emploi. Le bouquet satellite réunionnais a ensuite contesté ce refus de Bercy devant le Conseil d'Etat. Vendredi, le rapporteur public a recommandé de rejeter aussi ce recours.

Jamal Henni