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Exclusif: les télécoms réduisent leur contribution à France Télévisions

Nicolas Sarkozy espérait engranger 350 millions d'euros par an en taxant les télécoms

Nicolas Sarkozy espérait engranger 350 millions d'euros par an en taxant les télécoms - -

Le rendement de la taxe Copé prélevée sur le chiffre d'affaires des opérateurs télécoms est en forte baisse depuis 2012. Une chute due à l'optimisation fiscale des opérateurs.

Les opérateurs télécoms sont décidément réticents à financer l'audiovisuel. Ils ont d'abord inventé des stratagèmes pour ne pas verser leur écot au CNC (Centre national du cinéma), puis à la copie privée.

C'est maintenant leur contribution à France Télévisions qui s'évapore. En 2012, cette contribution a chuté de -28,4%, passant de 251 à 180 millions d'euros. Et le chiffre prévu pour 2013 (190 millions d'euros) est du même ordre.

Des stratagèmes pour payer moins

Cette taxe, surnommée taxe Copé, s'élève à 0,9% du chiffre d'affaires.

Problème: la chute de la taxe est bien plus importante que le recul du chiffre d'affaires des opérateurs, qui a baissé de seulement -4% en 2012, selon les chiffres du régulateur.

Autrement dit, il faut trouver d'autres origines à cette baisse que le seul état du marché. Interrogés, plusieurs opérateurs avouent sous couvert d'anonymat avoir "optimisé" le rendement de cette taxe. En clair, avoir trouvé des stratagèmes pour payer moins...

Selon un opérateur, un premier stratagème est de jouer sur les investissements de long terme (ceux amortis sur plus de 10 ans), comme la fibre optique. En effet, la loi permet de déduire ces amortissements de la taxe.

Le directeur financier d'un autre opérateur raconte une autre astuce: étant donné que le montant de la taxe est basé sur le chiffre d'affaires prévu, l'opérateur peut minorer cette prévision, et ainsi payer moins. Mais c'est une astuce de court terme: en effet, une régularisation est effectuée a posteriori en fonction du chiffre d'affaires réel.

Toutefois, les opérateurs ont recouru à cette astuce ces derniers mois, car ils espéraient que cette taxe serait annulé par la justice européenne, et donc qu'il n'y aurait jamais de régularisation a posteriori. Las! Fin juin, la justice européenne a validé cette taxe...

Les transparents et les opaques

Reste à savoir précisément qui sont ceux qui optimisent. Pour cela, nous avons interrogé les principaux opérateurs du marché, et comparé l'évolution de leur chiffre d'affaires en France avec l'évolution de leur taxe Copé.

Trois opérateurs ont joué la transparence et nous ont répondu.

Free, qui a vu son chiffre d'affaires augmenter de +49% en 2012, assure avoir versé une taxe Copé plus importante cette année-là.

SFR, dont le chiffre d'affaires a reculé de -7,2% en 2012, a vu sa taxe Copé reculer de presque autant: -7,5%, à 61 millions d'euros.

Enfin, Orange a versé 12,4% en moins à France Télévisions (120 millions d'euros). Une baisse qui est un peu plus forte que celle du chiffre d'affaires (-7,1%). Interrogé, l'opérateur répond: "cette différence s'explique notamment par la hausse du chiffre d'affaires des offres 'triple play', qui peuvent être déduites à 50% de la taxe Copé. Il n'y a donc pas lieu de parler d'optimisation. Il n'y a absolument pas de manoeuvre pour diminuer le montant versé".

L'essentiel de la chute de la taxe Copé semble donc bien provenir d'autres opérateurs. Les soupçons se portent en particulier sur les deux opérateurs qui ont refusé de nous fournir leurs chiffres: Bouygues Telecom et Numericable. Le premier a vu son chiffre d'affaires diminuer de -9% l'an dernier, et le second de -1%.

Le contribuable paye la différence

Heureusement, France Télévisions ne souffre pas de ces stratagèmes. En effet, depuis l'origine, l'Etat compense de sa poche le manque à gagner, en puisant dans le budget général.

Et cela commence à faire beaucoup. Car cette taxe, lorsqu'elle a été instaurée, était censée rapporter 350 millions d'euros par an. En pratique, elle rapporte désormais moitié moins...

Jamal Henni