BFM Business
Entreprises

Face aux cartels, l’Autorité de la concurrence veut rémunérer les lanceurs d’alerte

L’institution, qui fête ses 10 ans d’existence, se targue d’avoir fait économiser 14 milliards d’euros à l’Etat. Et face aux nouvelles méthodes des cartels, elle souhaite renforcer ses actions.

L’Autorité de la concurrence montre les muscles. Pour son dixième anniversaire, l’institution a d’ores et déjà soumis sa liste de cadeaux au gouvernement. En haut de cette liste, la possibilité de rémunérer des lanceurs d’alerte au sein même des cartels. « Nous avons besoin d’avoir des moyens supplémentaires » martèle la présidente de l'Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, sur le plateau de 12H, l’Heure H. Selon elle, la dénonciation des pratiques d’ententes sur les prix par un salarié d’une entreprise concernée serait un excellent moyen de lutter contre ces cartels.

D’autant plus que la procédure existe déjà pour les personnes morales. « Depuis plusieurs années, il existe le système de la clémence » explique Isabelle de Silva. « Une entreprise peut s’auto-dénoncer et, en contrepartie avoir une sanction réduite ». C’est même le levier principal pour l’Autorité de la concurrence. Ces derniers jours, des soupçons sur des ententes de prix chez les industriels de la compote ont déclenché une enquête, après la propre dénonciation d’une des entreprises…

Mais la procédure de « clémence » a un revers : désormais, les entreprises savent qu’elles peuvent mettre fin au cartel en dénonçant les autres, avec un minimum de risques à la fin. L’entente sur les prix peut désormais être analysée sur le plan des coûts/bénéfices.

Créer un climat de méfiance

« Nous pensons qu’il faut aller plus loin pour que les personnes physiques qui, dans leur entreprise ou dans leur voisinage, constatent des infractions au droit de la concurrence puissent nous saisir. Et en contrepartie recevoir une indemnité si l’infraction débouche sur une sanction » avance Isabelle de Silva.

Cette possibilité de « clémence individuelle » existe déjà, par exemple, aux Etats-Unis. Avec une différence notable : ces « lanceurs d’alerte » peuvent ainsi éviter des sanctions pénales, et notamment la prison. En France, elle aurait au moins l’avantage de créer un climat de méfiance dans les entreprises concernées. Et d’augmenter la facture puisqu’il faudra alors glisser des pots de vin à toutes les personnes au courant du fameux cartel…

Reste à convaincre le gouvernement. « Ce n’est pas dans la tradition française » reconnait Isabelle de Silva. « Mais dans le droit français, cela existe déjà pour les infractions fiscales et douanières ». Il s‘agirait aussi de réfléchir au type de rémunération possible. « On peut imaginer des systèmes qui fonctionnent en pourcentage de l’amende ou en fonction de la valeur de l’information » indique la patronne de l’Autorité de la concurrence.

La réponse de l’exécutif devrait intervenir dans les prochains mois.