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Facebook devrait-il proposer une version payante?

Qui voudrait payer 1 dollar par mois pour utiliser Facebook sans pub?

Qui voudrait payer 1 dollar par mois pour utiliser Facebook sans pub? - Esther Vargas - Flickr - CC

Dans une tribune du New York Times, une sociologue appelle de ses vœux un Facebook payant afin de protéger ses données personnelles de leur exploitation publicitaire. Sauf que ce n’est pas près d’arriver. Explications.

"Mark Zuckerberg, laissez-moi payer pour utiliser Facebook !" Voilà le titre d’une étonnante tribune publiée la semaine dernière sur le site du New York Times. Son auteur, Zeynep Tufekci, une jeune "techno-sociologue" spécialiste d’internet et des réseaux sociaux, appelle de ses vœux un Facebook payant. "Je sais que Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, a beaucoup d’argent mais j’aimerais lui en donner un peu moi-même", écrit-elle. Je veux payer une petite somme chaque mois pour ne pas partager mes données personnelles et pour avoir accès au contenu que je souhaite et non aux pubs que je souhaiterais éviter. Bref je veux devenir une cliente et ne plus être un produit."

En gros, ce que dit la jeune femme, c’est que payer pour utiliser le site lui permettrait de garder le contrôle sur l’exploitation de ses données personnelles (principalement aujourd’hui via un ciblage publicitaire). Le vrai prix de la gratuité serait trop élevé à son goût.

Un abonnement de 1 dollar par mois serait suffisant

D’autant que le site aurait selon elle beaucoup à y gagner à passer au payant. Elle cite à l’appui Ethan Zuckerman. Ce pionnier du web, grand spécialiste de la pub en ligne estime que les profits réalisés par Facebook représentent 20 cents (18 centimes d’euro) par mois et par utilisateur. Une somme qu’elle juge absolument ridicule au regard des 20 heures passées sur Facebook par les utilisateurs en moyenne.

Chaque membre du plus grand réseau social du monde rapporte moins de 1 centime d’euro de l’heure au site de Mark Zuckerberg... Pour elle, un abonnement même modique à 1 dollar par mois, permettrait à Facebook de réaliser de généreux profits. "Si un quart des 1,5 milliard d’utilisateurs du site acceptait de payer 1 dollar par mois, cela rapporterait plus de 4 milliards de dollars au site," calcule-t-elle. Pour info, Facebook a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de près de 12,5 milliards de dollars pour un bénéfice net qui a frôlé les 3 milliards de dollars.

Selon elle donc, tout le monde serait gagnant avec un Facebook payant. Les utilisateurs qui n’auraient plus l’impression de se faire siphonner leurs données perso à des fins commerciales et le site même qui verrait là l’occasion de diversifier et d’accroître sensiblement ses revenus.

Payer pour tous les sites?

Sauf que tout ceci reste très théorique. D’abord rien n’indique que son envie d’une version payante de Facebook soit partagée par le plus grand nombre. Si les utilisateurs sont soucieux de la protection de leurs données privées (93% des Américains selon un sondage du Pew Research Center estiment qu’il faut garder le contrôle sur ces sites), rien n’indique qu’ils sont prêts à payer pour cela. A l’image du "paradoxe d’Arte" (les téléspectateurs ont tendance à la décrire comme leur chaîne de télé idéale mais ne la regardent jamais pour la plupart...), il y a souvent de fortes distorsions entre leurs aspirations et leurs pratiques. Pourquoi le site investirait dans une version payante (avec les difficultés en termes de changement de business model et les coûts que cela entraînerait) si ça n’intéresse qu’au final qu’une poignée d’individus ?

D’autant qu’il n’y a pas que Facebook qui exploite les données des utilisateurs à des fins commerciales. Si on pousse la logique jusqu’au bout, il faudrait aussi payer pour utiliser Twitter, Google, Instagram et les autres et ça finirait par représenter des sommes non négligeables pour les utilisateurs de ces sites. Alors certes, Zeynep Tufekci avance le contre-exemple Netflix qui réussit lui à faire payer des millions d’individus à travers le monde (60 millions pour être exact) et n’est ainsi pas dépendant du système publicitaire et ce alors que des copies pirates des films sont accessibles gratuitement.

Le gratuit plébiscité

Argument qui ne tient pas pour deux raisons : d’abord parce que Netflix à la différence de Facebook ou Twitter met à la disposition de ses clients du contenu à forte valeur ajoutée (des films et des séries valent plus que des statuts Facebook...) pour lequel les consommateurs sont plus enclins à payer, ensuite rien n’indique qu’une version gratuite de Netflix financée par la pub ne rencontrerait pas un plus grand succès encore.

En témoigne l’immense succès du rival gratuit (et illégal certes) Pop Corn Time qui revendique 100.000 nouveaux utilisateurs par jour! Même chose dans le streaming musical où les offres gratuites financées par la pub sont autrement plus plébiscitées que les payantes et ce malgré les nombreux services en plus offerts par ces dernières (les trois-quarts des utilisateurs de Spotify ne paient pas par exemple). Bref avec tout ça il est à craindre que l’arrivée d’un Facebook payant ne soit, malheureusement pour Zeynep Tufekci, qu’une douce utopie…

Frédéric Bianchi