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Le parlement européen rêve d'imposer droits et devoirs aux robots

Au Japon, des instituts de recherche travaille sur des robots humanoïdes capables de prendre soin des personnes âgées

Au Japon, des instituts de recherche travaille sur des robots humanoïdes capables de prendre soin des personnes âgées - Institut Riken

Le parlement européen souhaite que la commission dote les robots les plus sophistiqués d'un statut juridique de "personnes électroniques". Objectif: obliger leurs utilisateurs à s'assurer contre les dommages qu'ils causeraient et, même, les contraindre à financer la protection sociale.

Les robots devront-ils être assurés pour les éventuels dommages qu'ils pourraient causer? La proposition émane du Parlement européen. Elle consiste à proposer un cadre légal pour les robots les plus sophistiqués, comme ceux que prépare Toyota, en les dotant d'une statut juridique associé à des droits et devoirs spécifiques. L'"intelligence" des robots de tout type (véhicule autonome compris) et l'autonomie croissante de leur prise de décision exigeraient de créer un cadre légal spécifique, plaçant au coeur de la réflexion, la responsabilité juridique.

Pour le rapporteur du groupe de travail au Parlement consacré à la robotique et à l’intelligence artificielle, la députée social-démocrate luxembourgeoise Mady Delvaux, "il y a des questions urgentes auxquelles nous devons trouver des réponses, comme par exemple les voitures sans conducteur qui seront bientôt commercialisées. Nous avons formulé des propositions immédiates autour de ces thématiques".

Dans leur document, publié il y a quelques semaines, les parlementaires estiment que "la responsabilité civile de robots est une question cruciale qui doit être posée, de manière à assurer le même degré de transparence, de cohérence et de sécurité juridique dans toute l'Union européenne pour le bénéfice des consommateurs et des entreprises".

Vers un registre européen d'immatriculation des robots ?

La mesure la plus surprenante consiste à doter certains robots, d'une véritable personnalité juridique. Les parlementaires suggèrent la "création d'un statut juridique spécifique pour les robots, de sorte que les plus sophistiqués des robots autonomes pourraient être considérés comme ayant le statut de personnes électroniques avec des droits et obligations spécifiques"

Dans la foulée de ce statut, une autre mesure consisterait à rendre obligatoire une assurance pour les robots autonomes. Ces souscriptions viendraient alimenter un fonds d'indemnisation intervenant pour réparer les conséquences pécuniaires des dommages causés par les robots. Pour vérifier que chaque machine concernée serait bien assurés, les parlementaires suggèrent la création d'un fichier européen d'immatriculation de ces robots.

Pour les industriels, il est trop tôt pour envisager un "statut"

Ces propositions inquiètent déjà les fabricants de robots qui y voient un obstacle à l'essor d'une industrie en plein croissance, notamment en Allemagne, où l'industrie du robot est particulièrement développée. Pour Patrick Schwarzkopf, directeur général du département robotique et de l'automatisation du syndicat patronal dans la robotique, VDMA, "Créer un cadre juridique avec des personnes électroniques pourrait se produire dans 50 ans, mais pas dans 10 ans". "Nous pensons que ce serait très bureaucratique et retarderait le développement de la robotique," a-t-il ajouté à l'ouverture, le 21 juin 2016, du salon professionnel de la robotique Automatica à Munich, tout en reconnaissant qu'un cadre juridique pour les voitures autonomes sera bientôt nécessaire.

Taxer les robots pour financer la protection sociale ?

Les parlementaires européens abordent aussi la question, ô combien cruciale, de l’assujettissement éventuel des robots et automates aux prélèvements sociaux du fait du nombre croissant d’emplois salariés qu'ils remplacent. Ils invitent la Commission européenne "à avoir à l'esprit les effets que le développement et le déploiement de la robotique et l'intelligence artificielle pourraient avoir sur l'emploi et, par conséquent, sur la viabilité des systèmes de sécurité sociale des États membres". 

Selon eux, les entreprises pourraient avoir à rendre des comptes sur la contribution de la robotique à leurs résultats économiques, "avec pour visée d'établir des contributions fiscales et de sécurité sociale". Autrement dit l'usage intensif de robots dans ses activités pourrait conduire l'entreprise à payer un surcroît de taxes. Pas sûr que la Commission européenne (et les organisations patronales) en acceptent l'augure à l'aube de la révolution industrielle 4.0, prônée par tous en Europe. Si l'industrie utilise de plus en plus de robots automatisés, elle devrait devenir plus performante et compétitive, permettant à certaines entreprises de relocaliser leur production en Europe. Le débat ne fait que commencer...

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco