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La Fédération de rugby perd une manche contre le Stade de France

Le rugby pourrait bien déserter le Stade de France, à l'horizon 2017

Le rugby pourrait bien déserter le Stade de France, à l'horizon 2017 - -

L'Autorité de la concurrence a rejeté la plainte de la Fédération française de rugby. Elle met ainsi en lumière la guerre économique que se livrent les deux parties.

Une nouvelle étape a été franchie dans la guerre ouverte que se livrent la Fédération française de rugby (FFR) et le Stade de France. L'Autorité de la concurrence vient en effet de rejeter la plainte de la fédération.

L'objet du contentieux remonte à 1995: il s'agit de la convention signée entre la FFR et le Consortium gérant le Stade de France (CSDF), détenu à 67% par Vinci Concessions (filiale du groupe Vinci) et à 33% par Bouygues Construction.

La FFR avait porté plainte en décembre 2009 pour abus de position dominante et entente. Elle critiquait notamment les reversements trop faibles du Stade de France pour la publicité affichée lors des matchs de rugby. Mais le gendarme de la concurrence a intégralement débouté la FFR, jugeant sa plainte infondée et même le plus souvent non étayée.

Un problème plus profond

Cette plainte reflète un problème plus profond. La FFR a, depuis quelques années, manifesté son mécontentement envers une convention, signée, selon elle, sous la pression du gouvernement de l'époque.
Celui-ci, désireux d'assurer une rentabilité à cette enceinte de 80 000 places construite spécialement pour la Coupe du monde de football 1998, aurait donc attribué des conditions très avantageuses au consortium, les candidats ne se bousculant pas au portillon.

La concession du Stade de France, entrée en vigueur en 1998 et d'une durée de 15 ans renouvelable, prend fin le 30 juin 2013. A ce jour, aucun renouvellement n'a été signé, car la FFR entend bien négocier entièrement les conditions de la convention de 1995. Le CDSF, lui, ne l'entend pas de cette oreille. C'est donc une véritable guerre des nerfs qui se joue entre les deux parties.

Un manque à gagner de 180 millions d'euros sur 10 ans, selon la FFR

Il est vrai que la somme dont s’acquitte la FFR pour chaque match joué au Stade de France est lourde : 2,3 à 2,7 millions d’euros, selon RMC Sport. Ceci comprend le loyer fixe de l’enceinte, un "dédommagement" afin de bénéficier de panneaux publicitaires vierges et des écrans géants, ainsi qu’une taxe sur la vente de billets au-delà de 50 000 spectateurs. Sans compter les 8 500 places réservées aux clients du CSDF, un véritable manque à gagner que la FFR estime à 180 millions d’euros sur les dix premières années de la convention.

C’est d’ailleurs de ce constat –et du blocage des négociations- qu’est né le projet de Grand Stade de la FFR. Au départ, il constituait surtout un moyen de pression. Mais le point de non retour, qui semble être atteint entre les deux parties, a fait que les dirigeants de l'Ovalie ont mis leur projet à exécution. Même si la décision finale n’est attendue qu’à la fin de l’année 2013, des avancées significatives ont déjà eu lieu.

Un budget total d'un milliard d'euros

Le budget est déjà chiffré: environ 600 millions d’euros pour le stade, dont 200 millions provenant des fonds propres de la FFR et 400 millions que celle-ci devra emprunter. 200 millions, c’est donc le manque à gagner sur 10 ans par rapport aux places réservées au consortium du Stade de France…

Le lieu a également été trouvé : le site de Ris-Orangis/Evry a remporté l’appel d’offres au mois de juin dernier. Deux problèmes se posent néanmoins : les fameux 400 millions d’emprunt, qui ne seront pas faciles à trouver. Et les 400 millions d’euros que l’Etat devra injecter pour desservir la nouvelle enceinte (RER, francilienne). Le gouvernement pourrait donc se montrer réticent. Mais la FFR compte, sans le dire publiquement, sur la force de persuasion d’un certain Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, et ex-maire…d’Evry.

La FFR semble donc être prête à aller jusqu’au bout. Mais avant de s'installer dans leur nouvelle enceinte, prévue pour 2017, les rugbymen devront trouver un endroit pour les accueillir. Les négociations qui se déroulent actuellement pour un prolongement de la convention la liant au Stade de France, et portant sur la période 2013-2017, devront donc en tenir compte.

Yann Duvert