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Films sur internet: les négociations dans l'impasse

La ministre de la culture Aurélie Filippetti a assoupli sa position face à l'opposition de la filière

La ministre de la culture Aurélie Filippetti a assoupli sa position face à l'opposition de la filière - -

Le gouvernement veut proposer des films plus frais dans les offres légales de vidéo-à-la-demande. Mais la quasi-totalité de la profession s'y oppose.

L’offre légale de films sur internet doit-elle proposer des films plus frais? Oui, répondait Pierre Lescure dans son rapport paru en mai. Il proposait notamment que les forfaits illimités de vidéo-à-la-demande (VoD par abonnement) proposent des films vieux d’un an et demi, au lieu de trois ans actuellement.

Six mois après, les discussions sur ce point semblent dans l’impasse. En effet, quasiment toute la profession est opposée à cette idée. Vendredi 25 octobre, TF1 comme Canal Plus ont redit tout le mal qu’ils pensaient de cette idée, à l’occasion des rencontres cinématographiques de Dijon.

L'apocalypse selon TF1

Apocalyptique, le PDG de la Une Nonce Paolini a prédit: «un délai d’un an et demi ne tiendra pas. Netflix ou Amazon s’engouffreront dans la brèche. Les chaînes de télévision ne pourront plus participer au financement du cinéma. Leur équation économique deviendra impossible. Notre réglementation, qui nous protège aujourd’hui, pourrait alors nous pénaliser».

Le directeur général de Canal Plus Rodolphe Belmer a abondé: «ne nous laissons pas embarquer dans du modernisme pour remettre en cause un système qui marche. Nous ne demandons rien, alors que nous sommes l’opérateur français de VoD par abonnement», et qu’un délai plus court est théoriquement censé aider la VoD par abonnement.

Divergences sur le modèle américain

Le n°2 de la chaîne cryptée a aussi dénoncé «les principes fallacieux» et «les choses fausses qu’on dit» pour défendre des délais plus courts. «Aux Etats-Unis, les délais sont plus rigides qu’en France. La VoD, la VoD par abonnement le DVD, et la télévision payante n’arrivent pas avant la France». Quant au leader américain de la VoD par abonnement, Netflix, il propose «zéro film en première fenêtre de diffusion en ce moment. Son succès s’est fait uniquement avec des films de catalogue, vieux de plus de deux ans en général».

Des propos qui ont fait bondir plusieurs professionnels dans l’assistance, qui ont rappelé que Netflix a démarré en proposant des films frais des majors en même temps que les chaînes de télévision payantes Starz puis Epix, avec lesquels Netflix avait passé des accords.

Recourir à l'arme fatale?

Au final, il ne reste donc plus grand monde pour défendre des délais plus courts: les auteurs (SACD), les réalisateurs (ARP), mais aussi Aurélie Filippetti, pour qui «trois ans pour la VoD par abonnement, c’est très très long». Vendredi, la ministre de la Culture a aussi déploré que les films ne soient plus disponibles en VoD dix mois après leur sortie en salles, quand ils commencent à être diffusés sur Canal Plus: «c’est illisible pour nos concitoyens». Selon elle, «il faut qu’on améliore encore notre offre légale. Une approche trop malthusienne sera au détriment» du cinéma français.

La question est donc de savoir si le gouvernement imposera un raccourcissement, faute d’accord entre professionnels de la profession. Rodolphe Belmer ne veut pas en entendre parler: «cela doit se faire de manière inter-professionnelle, comme cela se fait depuis des années. On ne voit pas pourquoi changer les règles. Certes, cela prendra du temps, car les débats entre nous prennent du temps».

Filippetti assouplit sa position

Face à cette opposition, Aurélie Filippetti a semblé adoucir son discours. Une semaine plus tôt, elle menaçait encore: «il faut qu’un compromis soit trouvé sur la VoD par abonnement, sinon une disposition législative pourrait intervenir». Elle fixait même comme échéance «la fin de cette année». 

Mais vendredi, la ministre a juste dit: «cela doit être avant tout un travail inter-professionnel. On a une échéance début avril 2014, où l’accord inter-professionnel de 2009 sera reconduit tacitement. Mais cela ne doit pas mettre autant de temps que pour la convention collective du cinéma», où les négociations ont duré sept ans....

On s’en rapproche pourtant. Le dernier accord sur le sujet date d’il y a quatre ans et demi, et depuis, la profession n’a pas réussi à se mettre d’accord sur la moindre évolution. Et déjà, à l’époque, cet accord avait dû être imposé par la voie législative…

Jamal Henni et à Dijon