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Finance: après les subprimes, le retour des CDO?

Le succès des CDO synthétiques s'expliquent car ces produits dérivés apportent un rendement plus élevé que les obligations, et à plus court terme que les actions.

Le succès des CDO synthétiques s'expliquent car ces produits dérivés apportent un rendement plus élevé que les obligations, et à plus court terme que les actions. - -

Les produits dérivés responsables de la crise financière de 2008 réapparaissent sur les marchés. Ce retour en vogue doit-il inquiéter ? Cinq ans après, la finance peut-elle à nouveau nous conduire au fond du gouffre ?

L’addiction au risque repointe le bout de son portefeuille. Cinq ans après la crise des subprimes (prêts hypothécaires à taux variables), qui avait laissé l’économie américaine exsangue avant de se diffuser dans le reste du monde, les produits dérivés font leur retour sur les marchés.

Les CDO (collateralized debt obligation), ces produits financiers opaques montés à partir de crédits accordés aux entreprises et aux particuliers, sont de plus en plus prisés au premier semestre 2013. A une différence près : on ne parie plus sur le remboursement des prêts hypothécaires américains, mais sur celui des crédits aux entreprises. Avec quels risques ?

La finance n’a-t-elle rien appris en cinq ans ? Wall Street peut-elle nous entraîner vers une nouvelle crise sans précédent ? BFM Business fait le tour de la question.

> Qu'est-ce qu'un CDO?

L’abréviation signifie "collateralized debt obligation" en Anglais. En clair, un CDO est un titre financier qui permet de regrouper ensemble plusieurs dettes, de particuliers ou d’entreprises, afin de répartir leur risque de non-remboursement, aussi appelé risque de défaut.

Le CDO est découpé en plusieurs tranches : les plus sûres rassemblent les créances les moins risquées et rapportent peu aux investisseurs, les moins sûres concernent les dettes les plus risquées et permettent d’obtenir un rendement plus important.

Dans cette famille, les "CDO synthétiques" sont les plus opaques : ces titres ne sont pas adossés à de vrais crédits. Ils contiennent un titre d’assurance contre un défaut de crédit (CDS), ce crédit étant, lui, contenu dans un CDO classique. En somme, acheter un CDO synthétique, c’est miser sur le fait qu’un ensemble de dettes soient honorées.

> Quel rôle ont-ils joué dans la crise des subprimes ?

Les CDO synthétiques sont les grands responsables de la crise financière. En 2007, ces produits dérivés pesaient plus d’un milliard de dollars avant leur effondrement. Leur opacité ne permettait plus aux investisseurs, ni aux agences de notation, d’évaluer si les dettes qu’ils pariaient étaient solvables.

La plupart de ces CDO étaient liés aux prêts hypothécaires américains. Quand les ménages qui avaient contracté ces prêts n’ont pas pu rembourser, ces produits ont provoqué la chute du système financier, à commencer par la banque Lehman Brothers.

> Pourquoi les CDO sont-ils à nouveau en vogue ?

A cause de la politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine. Pour soutenir l’économie outre-Atlantique, la FED mène une politique d’assouplissement quantitatif: elle maintient ses taux d’intérêts directeurs proches de zéro, pour favoriser la relance. Conséquence : le rendement des obligations, qui dépend directement de ces taux, est très faible.

Les investisseurs cherchent eux le plus gros rendement possible. Comme les actions ne sont rentables qu’à long terme et que les obligations rapportent très peu, ils se tournent vers des produits plus risqués mais très rémunérateurs à court terme, comme les CDO synthétiques.

Et en particulier une catégorie précise, qui parie sur les prêts aux entreprises : les "collateralized loan obligation" ou CLO. En titrisant leur dette grâce à ces CLO, les entreprises trouvent elles une source de cash facile à obtenir.

> Qui ose encore acheter des CDO synthétiques ?

De nombreux investisseurs si l’on en croit les chiffres : 28 milliards d’euros de CLO auraient déjà été vendus cette année aux Etats-Unis selon Royal Bank of Scotland, contre 12 milliards à la même période en 2012. Les banques d’investissement comme JPMorgan et Morgan Stanley distribuent ces produits à risque, selon le Wall Street Journal. Les clients seraient des fonds spéculatifs, les fameux "hedge funds", mais aussi des organismes de gestion classiques.

Contrairement à l’époque subprime, les banques n’investissent plus dans les CDO synthétiques via leurs comptes propres. Les règles de Bâle leur imposent de disposer de réserves plus importantes pour couvrir leurs risques : investir dans ces produits dérivés devient donc plus compliqué.

> Risque-t-on une nouvelle crise financière ?

L’opacité enveloppe toujours les CDO synthétiques. Ils s’échangent sur des marchés de gré à gré (transaction directe entre deux opérateurs) qui favorisent les asymétries d’information. Comment évaluer le réel risque de défaut au bout de la chaîne du CDO ?

Les pratiques à risque sont de retour. Mais les volumes en jeu (28 milliards d’euros au premier semestre contre 1.000 milliards à l’époque des subprimes) ne souffrent pas la comparaison avec l’avant crise. Le risque a également changé de nature : on parie sur des entreprises, assez solides et installées pour être émettre de la dette sur les marchés, pas sur des ménages dont personne n’avait évalué la solvabilité.

Malgré tout, le retour des habitudes d’avant crise inquiète. Les récentes hésitations de la FED peuvent ainsi se lire à l’aune de la montée en puissance des CDO. La Banque centrale a annoncé vouloir mettre un terme à son assouplissement quantitatif, non pas parce que l’économie américaine réelle va mieux, mais avant tout pour éviter la formation d’une nouvelle bulle sur les marchés.

Remonter les taux directeurs renchérirait le coup des obligations et rendrait immédiatement les produits dérivés moins attractifs pour Wall Street.

Romain Fonsegrives