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Comment le fisc veut faire payer les géants du Net

Le chef du service du contrôle fiscal Alexandre Gardette s'est exprimé pour la première fois lors d'un colloque de Bercy sur la fiscalité du numérique

Le chef du service du contrôle fiscal Alexandre Gardette s'est exprimé pour la première fois lors d'un colloque de Bercy sur la fiscalité du numérique - -

Le chef des inspecteurs du fisc s'est exprimé pour la première fois sur l'offensive lancée en 2010 contre l'évasion fiscale dans le numérique.

D'ordinaire, les inspecteurs des impôts sont plutôt taiseux. Mais mercredi 9 octobre, leur chef s'est exprimé pour la première fois sur sa stratégie concernant la fiscalité du numérique. Bien sûr, Alexandre Gardette, chef du service du contrôle fiscal à Bercy, n'a cité aucun nom de société -il n'en a pas le droit, au nom du sacro-saint secret fiscal. Mais l'auditoire a aisément reconnu les sociétés visées...

S'exprimant lors d'un colloque organisé par Bercy, il a évoqué l'offensive lancée depuis fin 2010 contre les géants du Net américain. Une offensive dont on n'avait jusqu'à présent écho que via des fuites dans la presse. On sait ainsi que des perquisitions ont d'abord été menées chez Amazon, Yahoo, Google, Microsoft, LinkedIn, Facebook, eBay... Ensuite, des redressements ont été notifiés, notamment à Google, Yahoo ou Amazon.

Chiffre d'affaires ridicule

L'offensive du fisc vise à contester le chiffre d'affaires déclaré en France par ces géants du Net.

En effet, tous ont créé une filiale française, mais celle-ci déclare un chiffre d'affaires ridicule par rapport à l'activité effectivement réalisée en France.

Explication: ces filiales n'ont officiellement qu'un rôle subalterne (support marketing, agent commercial...), et la vente proprement dite est formellement réalisée depuis l'étranger -depuis l'Irlande le plus souvent.

Le fisc cherche donc à démontrer qu'en réalité, la vente a bien lieu en France, et donc que le chiffre d'affaires correspondant devrait être déclaré ici. En langage fiscal, il s'agit de démontrer que ces géants du Net possèdent "un établissement stable" dans l'Hexagone.

Des commerciaux qui passent les plats

"Nous avons un espoir raisonnable de taxer et de redresser l'activité sur les 5 à 6 dernières années, car il y a une petite faille", a donc expliqué Alexandre Gardette. "On a du mal à croire que les 150 commerciaux bac plus 5 ou 6 [employés en France] servent à passer les plats avec l'Irlande. Nous avons saisi [lors des raids] un certain nombre de choses intéressantes: des courriels, des opinions juridiques... qui démontrent que tout a été organisé pour que, facialement, il n'y ait pas d'établissement stable en France, et donc pas de taxe".

Taper sur les mêmes

Toutefois, Alexandre Gardette a prévenu: "il ne faut pas compter sur nous pour régler le problème. Car nous n'avons pas vocation à taper sur les mêmes ad vitam aeternam. Surtout, ces entreprises vont se réorganiser. Et la faille que nous avons mise au jour qui va nous permettre de taxer, ne sera plus présente".

Derrière ce discours optimiste, reste surtout à savoir si le raisonnement du fisc sera validé par la justice. Pour l'instant, aucun tribunal n'a encore été saisi. Et il est probable que les géants du Net fassent remonter l'affaire jusqu'au Conseil d'Etat. Il faudra donc attendre une demi-douzaine d'années pour avoir une réponse définitive...

Jamal Henni