BFM Business
Culture loisirs

France Ô: une mesure d'audience qui coûte cher

"Cut", feuilleton diffusé par France Ô se déroulant à la Réunion

"Cut", feuilleton diffusé par France Ô se déroulant à la Réunion - Philippe Leroux Bureau 133 / France Televisions

L'audience de la chaîne publique est mesurée par Médiamétrie depuis un an. Une prestation qui  coûte deux fois plus cher que les recettes publicitaires microscopiques de la chaîne.

Le 22 août, Delphine Ernotte prendra ses fonctions de PDG de France Télévisions. Un des dossiers que la nouvelle patronne aura à traiter est celui de France Ô.

Cette chaîne mélange programmes sur la diversité et reprise des émissions des stations ultra-marines de France Télévisions. Depuis exactement cinq ans, elle est diffusée sur la TNT sur toute la métropole, ce qui coûte 6 millions d'euros par an.

Audience confidentielle

Mais cette large exposition donne des résultats décevants. Au premier semestre 2015, l'audience s'élève à seulement 0,6%. La chaîne se classe donc dans le peloton de queue de la TNT, arrivant derrière des chaînes lancées bien plus récemment, comme HD1, 6Ter ou RMC Découverte.

A noter que l'audience de France Ô n'a longtemps même pas été mesurée -elle ne l'est que depuis l'an dernier. Et cette mesure coûte cher: faire partie du Médiamat quotidien national coûte à une chaîne environ 1,5 million d'euros par an, indique Médiamétrie.

Ce coût est deux fois plus élevé que les recettes publicitaires de France Ô, qui sont microscopiques: 700.000 euros en 2014, parrainage inclus. C'est d'autant plus paradoxal que mesurer l'audience devait permettre de mieux vendre la chaîne aux annonceurs, et par là, doper les recettes publicitaires.

Avantage purement marketing

Toutefois, cette mesure d'audience a quand même eu un avantage: elle a permis d'augmenter l'audience globale de France Télévisions. Grâce aux 0,5% apportés par la chaîne ultra-marine, les chaînes publiques ont ainsi pu afficher une hausse d'audience de +0,2 point en 2014 -sans cela, cette audience globale aurait reculé de -0,3 point.

Mieux: toujours grâce à France Ô, le service public a dépassé en 2014 le groupe TF1 d'une courte tête (0,1 point d'audience). Ce qui lui a permis de tirer un bilan triomphal des audiences de l'année: "en 2014, France Télévisions retrouve sa 1ère place parmi les groupes audiovisuels", claironne le communiqué, qui n'explique pas que cela est dû à l'intégration de France Ô -sûrement un oubli... Sans cela, TF1 serait bien resté le premier groupe audiovisuel français. 

France Ô doit-elle rester sur la TNT?

Reste que cet avantage purement marketing justifie difficilement la diffusion sur la TNT nationale, qui a été remise en question par les deux rapports récents sur France Télévisions. D'abord, celui de Marc Schwartz, qui estime que "le niveau d'audience est insuffisant pour une chaîne de la TNT gratuite nationale. France Ô n’a pas trouvé son public. La chaîne souffre d’un positionnement éditorial insuffisamment lisible. La pérennité de France Ô au sein du bouquet hertzien soulève, dans sa formule actuelle, des interrogations".

Même bilan négatif du CSA: "à l’exception des programmes produits par le réseau outre-mer et de quelques magazines propres, France Ô reste essentiellement alimenté par un fond de catalogue peu attractif. Un nécessaire travail est à effectuer pour donner une vraie identité à cette chaîne. Elle n’arrive manifestement pas à attirer davantage de public que les chaînes de la TNT lancées en 2012. Sa programmation qui repose sur de nombreuses multidiffusions de programmes sans lien avec ses missions propres, et le caractère confidentiel de son audience, peuvent conduire à se poser la question de la légitimité de la présence de France Ô en diffusion nationale gratuite".

La balle est donc maintenant dans le camp de Delphine Ernotte, qui a été jusqu'à présent peu prolixe sur le sujet. En particulier, son projet reste muet sur la question de la diffusion TNT.

Interrogé, France Télévisions n'a pas souhaité faire de commentaires.

Mise à jour: après parution de l'article, France Télévisions a apporté les précisions suivantes: "à l'image des mesures globales réalisés par les groupes M6 ou TF1 à l'aide de leurs nouvelles chaînes 6Ter ou HD1, il n'y a aucune forme de déguisement des réalités d'audience de France Télévisions dans le fait d'inclure les audiences des programmes de France Ô, dont le groupe est fier et qui fait partie intégrante de son offre. Contrairement à ce qu'indique BFM Business, nous n'avons aucunement omis de préciser depuis quand France Ô était mesurée dans le communiqué bilan des audiences 2014, qui a vu France Télévisions effectivement redevenir 1er groupe audiovisuel en France. Et nous n'imaginons pas TF1 ou M6 communiquer sur leurs audiences groupe en excluant l'une ou l'autre de leurs chaînes mesurées par Médiametrie. Pourquoi faudrait-il que France Télévisions le fasse? Sur le fond, il est indispensable pour une chaîne en clair de la TNT, a fortiori lorsqu'elle appartient au service public, de mesurer son audience et d'en rendre compte. Initialement à 0,5% de part d'audience, France Ô n'a cessé de progresser et se situe sur l'ensemble du mois de juillet pour la première fois à 0,8%. Or son coût de grille est l'un des plus faibles sinon le plus faible de toutes les chaînes TNT, alors que France Ô est par ailleurs la seule dans sa catégorie des chaînes récemment mesurées à respecter un cahier des charges et missions de service public".

Réponse de BFM Business: le communiqué de France Télévisions sur les audiences 2014, disponible ici, se borne à indiquer sans aucune autre précision: "France Ô réussit son entrée dans le Mediamat depuis septembre". 
Plus explicite, le propre rapport de gestion de France Télévisions explique clairement: "à périmètre constant par rapport à 2013 (France 2, 3, 4 et 5), le groupe France Télévisions a en 2014 une part d’audience de 28,3%. L’intégration du score de France Ô, incluse dans le Mediamat depuis septembre 2014, permet au groupe France Télévisions d’atteindre les 28,8%, et de reprendre le leadership du groupe TF1, devenu pour la première fois premier groupe audiovisuel en 2013 grâce à l’intégration du score de HD1". 

Les chiffres clés de France Ô

Coût de grille (en millions d'euros, réseau outre-mer inclus)
2012: 221,2
2013: 224,6
2014: 228,4

Recettes publicitaires (en millions d'euros, parrainage inclus)
2013: 0,5 (+19 dans le réseau outre-mer)
2014: 0,7 (+18,9 dans le réseau outre-mer)

Part d'audience (en %)
2014: 0,5
1er semestre 2015: 0,6

Source: Médiamétrie, France Télévisions

Jamal Henni