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France Télévisions: le bilan au vitriol du CSA

Remy Pflimlin est PDG de France télévisions depuis 2010

Remy Pflimlin est PDG de France télévisions depuis 2010 - Eric Pïermont AFP

Les bonnes feuilles du bilan critique du PDG Remy Pflimlin que le gendarme de l'audiovisuel va publier sous peu.

Ce bilan du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) est attendu depuis des mois. Et ceux qui prévoient un bilan sévère ne vont pas être déçus. Jamais, depuis que le gendarme de l'audiovisuel existe, il n'a été aussi sévère avec France Télévisions. Dans un épais document d'une centaine de pages, le CSA dresse un bilan largement négatif de l'action du PDG actuel, Rémy Pflimlin. "Le CSA a relevé nombre d’objectifs non atteints et d’insuffisances", et dresse au final "un bilan mitigé", indique le texte. Revue de détail.

1-les chaînes

A part France 5, le CSA dénonce "l’échec d’une claire identification des lignes éditoriales des chaînes. France 2 a régulièrement empiété sur la spécificité de France 3, se livrant ainsi à une concurrence stérile", ce qui a "suscité une confusion susceptible de nuire à leur différenciation et à leur perception par le public". 

Quant à France 4 et France Ô, elles "ont du mal à justifier leur nécessité sur un réseau hertzien national", ce qui crée "des doutes sur le périmètre du groupe". Il faut donc "répondre, sans plus tarder, aux interrogations que suscite l’existence de France 4 et de France Ô. Si leur présence devait être maintenue, il sera indispensable de redéfinir leur ligne éditoriale".

Enfin, concernant France 3, "la réforme s'est enlisée", alors que c'est un "enjeu majeur". Le rapport dénonce notamment "la multiplication des centres de décisions (national et local). Les quatre missions essentielles de la chaîne que sont le national, le régional, l’information nationale et la jeunesse, relèvent de quatre responsables différents". Face à cela, le rapport plaide pour un management unifié. 

2-les programmes

Pour le CSA, "la qualité des programmes (hors information), à quelques exceptions près, ne permet pas de différencier assez l’offre de celles des chaînes privées". La faute à "un manque d’audace, notamment dans le renouvellement de la fiction, qui explique en partie l’incapacité à enrayer le vieillissement et l’érosion de l’audience". Pour le rapport, "l’audience ne doit pas devenir l’unique critère d’évaluation des choix de programmation".

Le CSA réclame "un effort très important" en matière de fiction, et notamment de séries, afin qu'elles puissent enfin s'exporter.

Concernant les programmes culturels, "l'ambition est trop limitée", et les horaires "tardifs, voire nocturnes". Pour le CSA, "toutes les formes de culture –y compris classique– doivent être proposées à des horaires déterminés, et rendues accessibles et compréhensibles".

L'information en prend aussi pour son grade: "le service public doit éviter le développement de rubriques sociétales anecdotiques (les Français dans les embouteillages estivaux, les Français sous la pluie…), mais se recentrer sur l’information internationale et sur l’actualité politique, économique et sociale". Le rapport salue néanmoins les magazines d'investigation.

3-le management

C'est le point sur lequel le rapport est le plus sévère. Pour le CSA, France Télévisions est "marquée par une instabilité des postes de direction, et une illisibilité des responsabilités". 

L'organigramme complexe mis en place par Rémy Pflimlin est particulièrement critiqué: "il convient de mettre fin aux responsabilités horizontales et verticales croisées qui obscurcissent et déséquilibrent les processus de décision". Le CSA exige "un organigramme simplifié apte à identifier les responsabilités, aujourd’hui diluées dans les différents échelons". 

Le rapport dénonce aussi "un manque d’ambition dans la maîtrise des coûts, notamment sur les moyens internes de production". En effet, la production interne a un "coût nettement plus élevé que la concurrence", en raison d'un "nombre élevé de personnels et d’implantation (8 sites)". Selon le rapport, un audit devrait être mené de façon à trancher "l’avenir de cette filière". 

4-l'éthique et la transparence

Le CSA a visiblement tenu compte de l'affaire Bygmalion, à qui France Télévisions a commandé des prestations, d'abord sous Patrick de Carolis puis sous Rémy Pflimlin.

Pour le rapport, "l’éthique et la transparence sont à revoir" dans les rapports avec les fournisseurs. Le CSA exige donc une "éthique exemplaire", avec notamment "une transparence" dans "la passation des contrats avec les producteurs, les sociétés de conseil, les prestataires, ou la rémunération des cadres". 

Le gendarme de l'audiovisuel exige aussi "une politique stricte visant à empêcher tout conflit d’intérêt, notamment dans le cas des départs de collaborateurs vers des sociétés de production". Un point déjà relevé par le rapport Vallet. Il propose de "limiter les commandes à d’anciens salariés du groupe". 

Quant aux producteurs externes, "le dialogue avec eux ne doit plus relever, comme c’est trop souvent le cas, d’une logique de guichet automatique". Surtout, les commandes sont "émiettées" entre moult petits producteurs, ce "qui ne lui permet pas de structurer l’industrie des programmes en vue de jouer un rôle national et international à la hauteur des sommes investies". Le rapport recommande donc d'"éviter l'émiettement des commandes".

Néanmoins, les chaînes publiques sont félicitées pour avoir maintenu leurs investissements dans la production, et avoir conclu des accords cadres avec les producteurs.

5-des lueurs d'espoir

Quelques points positifs se dégagent au milieu de ce sombre bilan. D'abord, "le maintien d’une audience significative malgré un léger effritement". Ensuite, "un rattrapage" en matière de numérique. Et enfin, "des progrès dans la construction de l’entreprise unique, notamment par la signature de la convention collective et des systèmes d’information unifiés".

Enfin, le CSA estime que l'Etat doit aussi jouer son rôle, en assurant au service public un financement "pérenne", avec une "stabilité garantie". 

Mise à jour: dans un communiqué publié ce mercredi 5 novembre, le CSA indique qu'il s'agit d'un "un document préparatoire élaboré au sein du groupe de travail compétent", qui "ne saurait préjuger ou faire préjuger de sa position collégiale". Il ajoute que le rapport définitif sera publié "après délibération collégiale"

Le PDG Rémy Pflimlin a ensuite répondu dans un message interne publié par le Figaro.

Jamal Henni