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GAFA : Washington multiplie les enquêtes, quelles sanctions possibles ?

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- - Lionel Bonaventure - AFP

Position dominante, pratiques anti-concurrentielles : les géants du Web sont dans le collimateur du ministère de la Justice, de la FED et du Parlement. Mais ceux qui réclament leur démantèlement risquent d’être déçus.

C’est désormais officiel. Le DoJ (le ministère de la Justice américain) a lancé une vaste enquête sur les pratiques des géants du numérique. Sans les nommer, il s’agit de savoir si Google, Amazon, Facebook, Apple ou encore Twitter abusent de leurs positions quasi-dominantes pour mettre en place des pratiques anti-concurrentielles et « empêcher l’innovation ou affecter les consommateurs ». En gros : sont-ils aujourd’hui trop puissants ?

Cette enquête vient s’ajouter à celle de la commission judiciaire de la Chambre des représentants lancée en juin qui estime qu’un « petit nombre de plates-formes dominantes et non régulées » avaient « un pouvoir extraordinaire dans le commerce, la communication et l’information en ligne ». L’agence en charge de la protection des consommateurs (FTC) mène aussi des investigations. Ces actions conjointes sont sans précédent.

« Après quatre décennies de faible application des lois antitrust et d'hostilité judiciaire à l'égard des affaires antitrust, il est essentiel que le Congrès intervienne pour déterminer si les lois existantes sont adéquates pour lutter contre les comportements abusifs des gardiens de la plate-forme ou si nous avons besoin de nouvelles lois », explique ainsi David Cicilline, élu démocrate du Rhode Island, et président du sous-comité antitrust.

Après avoir longtemps laissé ces géants se développer quasiment sans freins, Washington entend aujourd’hui injecter de la régulation dans le secteur afin de « prendre en compte les craintes répandues des consommateurs, des entreprises et des entrepreneurs » qui ont « émis des inquiétudes sur les services de recherche, sur les réseaux sociaux et sur les plateformes de commerce en ligne ».

Arme atomique

Cette régulation est clairement évoquée par Makan Delrahim, en charge des questions antitrust au ministère américain de la Justice : « sans la discipline d’une compétition significative, les plates-formes numériques peuvent employer des moyens qui ne répondent pas aux demandes des consommateurs ».

Reste la question des sanctions. Evidemment, la justice et les régulateurs peuvent imposer de lourdes amendes mais compte tenu des trésoreries des GAFA, ces sanctions ont finalement peu d’effets. Certains réclament d’aller plus loin en ordonnant le démantèlement de certains de ces géants.

Mais pour les observateurs, une telle perspective, considérée comme l’arme atomique, n’est pas à l’ordre du jour. « Je ne pense pas que les Etats-Unis soient sérieusement enclins à démembrer ces sociétés, parce qu’ils ont encore plus peur que les entreprises chinoises ne deviennent encore plus grosses », commente ainsi Patrick Moorhead, fondateur du cabinet Moor Insights & Strategy.

« Je ne m'attends pas à ce qu'aucune des enquêtes ne débouche sur une application concrète des lois sur la concurrence », commente Christopher Sagers, professeur de droit à l'université Cleveland-Marshall. « Je pense même qu'il est possible que tout ça ne soit qu'une parade politique sans intention sérieuse de faire quoi que ce soit ».

Pourtant, les autorités américaines n’ont pas hésité à casser des monopoles puissants dans le passé, notamment l’opérateur télécoms AT&T dans les années 80.

« L'option du démantèlement c'est la solution nucléaire : tout le monde sait que c'est possible mais personne n'en veut », assène un expert. D'autant plus que l'administration actuelle ne croit pas à l'intervention de l'Etat pour casser les monopoles.

Les Etats-Unis vont-ils suivre le chemin ouvert par la Commission européenne, qui a par exemple lourdement sanctionné Google (8 milliards d’euros au total) en exigeant nombre de "remèdes concurrentiels" ou aller plus loin ?

Car les contentieux sont nombreux. Outre les questions de concurrence, l’exploitation et la gestion laxiste des données personnelles sont également très critiquées. Facebook a ainsi accepté un règlement à l’amiable à 5 milliards de dollars pour solder la sombre affaire Cambridge Analytica.

la rédaction