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Energie

Suez confronté aux mauvais résultats de GE Water

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- - ALFREDO ESTRELLA / AFP

Selon les informations de BFM Business, GE Water affiche de piètres performances depuis trois ans. Suez songe déjà à céder des actifs pour compenser le prix payé à General Electric.

Le rachat de GE Water rencontre déjà des critiques chez Suez. Annoncée début mars, l’opération est loin de faire l’unanimité au sein du spécialiste de l’eau. Le prix payé, 3,2 milliards d’euros, est considéré comme très cher par beaucoup d’analystes. D’autant qu’il pèse plus d’un tiers de la capitalisation boursière de Suez.

En interne, la découverte des performances de la filiale de General Electric -jamais officiellement dévoilées- fait grincer des dents. Selon nos informations, les ventes de GE Water stagnent depuis trois ans. La première division, "ingénierie-système", spécialisée dans les technologies de traitement de l’eau et notamment la désalinisation, a vu son chiffre d’affaires passer de 1,1 à 1,06 milliard de dollars entre 2014 et 2016. Celui de l’autre branche, qui vend des produits chimiques, a aussi stagné, passant de 1,02 à 1,04 milliard sur la même période.

Marges en forte baisse

Mais surtout, les marges ont reculé. Dans le premier métier, elles ont même chuté de 37% entre 2014 et 2016, dégringolant de 195 millions à 123 millions de dollars. Le taux de marge est ainsi passé de 17,3% à 11,6% selon des documents fournis lors de la cession de GE Water. L’autre division est pourtant parvenue à augmenter ses marges 15,8% contre 14%. Mais les 20 millions d'euros supplémentaires ainsi générés ne compensent pas la dégradation des comptes de la division "ingénierie-systeme".

Au total, les marges de GE Water ont ainsi baissé de 52 millions d’euros sur ces trois années. "La performance en 2015 et 2016 a été grevée par le ralentissement du secteur pétrolier", reconnait Suez sans donner davantage de détails. Mais le groupe souligne que "le carnet de commandes pour 2017 est élevé", sans en dire plus...

Les objectifs du groupe sont ambitieux. D’abord une croissance du chiffre d’affaires de 5% par an. Mais surtout des synergies de coûts. Suez a annoncé viser 60 millions d’économies pour justifier le prix de 3,2 milliards d’euros. Mais personne ne semble convaincu de la capacité à les délivrer. "C’est très ambitieux, expliquent plusieurs proches du groupe. Mais sans cela, le prix de rachat devenait insurmontable". Grâce à ces synergies espérées, Suez affiche un prix équivalent à dix fois les marges de GE Water, un seuil considéré comme élevé. Si elles n’étaient réalisées, il passerait à douze, un niveau jugé excessif pour le secteur. D’autant que Suez vaut en Bourse six fois ses marges, soit deux fois moins cher…

Veolia aurait payé 1 milliard de moins

Le rival Veolia a aussi étudié le dossier de la filiale de General Electric. "Elle vaut 1 milliard d'euros de moins que le prix de Suez" estime un proche du groupe. Pourquoi Suez a-t-il payé 50% plus cher? La thèse de la croissance à tout prix, pour grossir et échapper à un rachat de son actionnaire Engie (35%) revient sans cesse. Quoi qu’il en soit, le prix de GE Water semble déjà indigeste pour Suez. Malgré une augmentation de capital de 750 millions d’euros, le spécialiste de l’eau prévoit déjà un petit régime pour compenser cette acquisition.

Le groupe pourrait compenser ce rachat important par des cessions d’actifs. "Il y aura des conséquences sur des cessions d’activités, explique une source proche de Suez. Il y a des réflexions sur des petites filiales non-stratégiques". L’entrée d’investisseurs minoritaires dans des filiales plus importantes pourraient aussi être étudiées pour remonter du cash. Pour la filiale américaine Suez Water (ex-United Water), une introduction en Bourse pourrait aussi être considérée.

"Ce sont des activités régulées donc ça plait aux marchés" ajoute cette même source. Dans son rapport annuel, Suez explique qu’aux Etats-Unis, "les opérateurs sont propriétaires de leurs actifs de production et de traitement d’eau. Le risque financier est faible dans la mesure où les tarifs sont fixés par les régulateurs en tenant compte des investissements réalisés". Le groupe n’a pas souhaité commenté ces informations.

Matthieu Pechberty