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Guillaume Gibault (Le Slip Français): « On grandit en ambition et en sens »

Guillaume Gibault, 33 ans, veut "donner du sens" au Slip Français, qu'il a créé en 2012.

Guillaume Gibault, 33 ans, veut "donner du sens" au Slip Français, qu'il a créé en 2012. - Crédit photo: Eric Piermont/AFP

C’était l’une des stars du Salon des entrepreneurs, début février, à Paris. Sept ans après avoir lancé Le Slip Français, Guillaume Gibault dégage toujours ce côté éminemment sympathique, mais il s’est aussi épaissi. Portrait.

Installé au fond d’un vieux café parisien, à quelques encablures du Sentier, le président du Slip Français a des petits yeux. « Je suis plus fatigué après quatre mois de petit garçon que par la boîte », sourit-il affectueusement. Il en a vécu, pourtant, des aventures, depuis ce pari entre copains, relevé sur un coin de table de bar, quelques mois avant la présidentielle de 2012.

Guillaume Gibault assure alors qu’il peut vendre n’importe quoi, même des slips. Il se lance avec 10 000 euros, fait fabriquer 600 premiers modèles qu’il rapporte en voiture de Dordogne et auxquels il donne des noms de sous-marins (Le Terrible, Le Redoutable, Le Conquérant…), puis il marque les esprits à coups de slogans bien sentis comme « Le changement de slip, c’est maintenant » ou « En slip, tout devient possible ». Sept ans plus tard, son entreprise affiche un chiffre d’affaires de 20,7 millions d’euros et emploie une centaine de personnes. Plus de 60% des ventes se font sur internet, 25% dans les seize boutiques de la marque et le reste dans des corners de grands magasins, via des revendeurs ou des boutiques cadeaux.

« Tous les voyants sont au vert, résume Guillaume Gibault. On n’est pas les champions de la marge, mais on reste en construction et on est rentables depuis deux ans ». Dans le brouhaha de ce café, où il se pose tous les matins, entre le bruit du percolateur, les verres qui s’entrechoquent et de vieux airs de jazz, le chef d’entreprise de 33 ans revient patiemment sur son histoire. Sur son enfance parisienne, sa mère consultante en ressources humaines et son père assureur. Son côté sage et bon élève, qu’il attribue en partie au grave accident de voiture de son père, quand il avait cinq ans.

« C’est un peu de la psychologie de comptoir, lâche-t-il, mais je pense que j’ai toujours bien carburé à l’école et que j’ai toujours été assez sage pour ne pas ajouter de problème à une situation qui n’était déjà pas facile ». Formé à Henri IV, diplômé d’HEC, il trouve un premier job chez General Electric. Lassé au bout de « trois mois de compta et de tableaux Excel », il trouve son salut chez Bio C’Bon. C’est là qu’il comprend qu’il veut monter sa boîte, grâce au patron de la chaîne, une vraie rencontre. Il retourne d’ailleurs le voir de temps en temps, quand il a besoin de « coups de pieds au cul ».

« On a grandi, mais l'esprit est le même »

Tout culotté et entrepreneur préféré des Français qu’il soit, Guillaume Gibault ne semble pas pour autant avoir pris le melon. « Je dis souvent que j’essaie d’avoir la même gueule deux fois de suite », dit-il en citant Romain Gary, l’un de ses auteurs préférés. « La boîte change, l’environnement aussi, mais on essaie d’être fidèles à nos valeurs, comme la bonne humeur, l’envie de bien faire les choses et le plaisir »…

Zoé Aveline, directrice artistique du Slip Français, a rejoint Guillaume Gibault il y a près de six ans. « Il a un peu changé, on a tous changé, on a grandi, mais l’esprit est le même », confirme-t-elle. Elle décrit « une machine à idées, quelqu’un d’hyper inspirant, d’hyper rassurant, qui a toujours une solution », et qui reste « très accessible et égal avec tout le monde ». Le plus pénible, pour lui, « le plus dur » à gérer, ce sont les sujets RH (ressources humaines), la façon dont ses équipes évoluent et dont chacun arrive à trouver sa place dans ce groupe, en parallèle de sa vie personnelle… Pour tenir le coup sur la distance, pour « ne pas subir les choses », il s’astreint à un rythme de vie très cadré. « Si tu te laisses porter, tu coules », assure-t-il.

Alors, depuis deux, trois ans, il a instauré une routine : il démarre sa journée à 8h30 en lisant des ouvrages sur le management pour « prendre du recul ». Le reste du temps, jusqu’à 19h30-20h, il le partage entre des rendez-vous, des points avec ses équipes et du sport - de la boxe - deux fois par semaine, à l’heure du déjeuner. Marié à une architecte d’intérieur, jeune papa, il met aussi un point d’honneur à faire de « vraies coupures ». 

« Donner du sens »

Guillaume Gibault a mûri et avec lui, Le Slip Français entre dans une nouvelle dimension. Pionnier du Made in France, il s’inspire désormais de Patagonia, fabricant californien de vêtement outdoor, qui proclame que son « business, c’est de sauver notre planète ». C’est l’un des champions de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). « On est en train de grandir en ambition et en sens », explique Guillaume Gibault, convaincu par les « entreprises à missions », qui mettent leur performances économiques au service de raisons d’être (sociales, sociétales, environnementales ou scientifiques).

Encore plus depuis qu’il est devenu père, il veut « donner du sens » à ce qu’il fait. C’est d’ailleurs le slogan historique du Slip Français: « Si vous voulez changer le monde, commencez par changer de slip ». Mais ce bon coup marketing prend tout son sens aujourd’hui et Guillaume Gibault se félicite de montrer « à toute une industrie que c’est possible de faire différemment et qu’on peut faire un peu plus qu’une boîte qui gagne de l’argent, avec un impact positif ». Alors bien sûr, ce n’est pas toujours facile, il faut notamment « tenir les coûts » et puis comment exporter sans trahir sa raison d’être, le Made in France ?

Entrepreneur engagé 

Mais globalement, le président du Slip s’éclate : « On est au début de tout cela et c’est enthousiasmant », se réjouit Guillaume Gibault, qui s’est rapproché d’Emery Jacquillat, patron de la Camif et ardent promoteur de l’entreprise à mission. Séduit, ce dernier salue un « entrepreneur engagé, généreux, qui chemine beaucoup et qui a compris que le made in France c’était bien, mais que cela n’était pas suffisant ». Ce qui frappe Emery Jacquillat, chez Guillaume Gibault, c’est un fort « contraste entre un côté gonflé, très audacieux, et un côté très doux ».

De plus en plus, le jeune homme s’investit pour dispenser des conseils et il souhaite être dans la transmission. Derrière l’entrepreneur à succès et ses slips aux noms de sous-marins, il y a désormais un père, qui réfléchit à ce qu’il pourra bien raconter comme histoire à son fils, Joseph, comme Kessel, une de ses références, à qui l’on doit notamment cette citation : « On peut toujours plus que ce qu’on croit pouvoir ».