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Huawei va-t-il pouvoir continuer à fabriquer des smartphones ?

Le logo Huawei.

Le logo Huawei. - AFP/FRED DUFOUR

Privé de composants américains (voire européens), le fabricant pourrait assez vite voir ses capacités de production s’effondrer même s’il a pris soin de constituer des stocks importants.

La question peut se poser depuis que la décision de Donald Trump d’interdire aux entreprises américaines de fournir à Huawei des composants électroniques fait tâche d’huile.

Outre la décision de Google de couper les ponts avec le numéro deux mondial du smartphone, l’activité 5G est clairement menacée avec des fournisseurs de processeurs qui s’interrogent sur la marche à suivre, l’administration américaine ayant finalement octroyé un délai de 90 jours à Huawei.

Mais c’est également l’activité de production de smartphones qui est en danger, les terminaux du géant chinois étant, comme ses concurrents, truffés de technologies américaines (mais aussi européennes) : protections d’écrans, capteurs photo, mémoires, puces réseaux notamment.

Selon le bien renseigné Digitimes, Huawei qui sent le vent tourner depuis quelques temps déjà aurait constitué d’importants stocks de composants américains. Tout comme il développe en interne un OS maison pour contourner la décision de Google sur Android. Une anticipation qui lui permettrait de maintenir ses volumes de production jusqu’à la fin de l’année. Selon Bloomberg, ce stock lui permettrait de « tenir » trois mois.

ARM coupe les ponts

« Nous avons beaucoup investi et nous sommes bien préparés dans divers domaines, notamment la R&D, ce qui garantira que nos activités commerciales ne soient pas affectées de manière importante, même dans des conditions extrêmes » indique un vice-président de Huawei, toujours selon Bloomberg.

Et ensuite ? La situation risque d’être compliquée si les mesures américaines de rétorsion sont maintenues. Si Huawei pourra se tourner vers des fournisseurs asiatiques, notamment dans le domaine des mémoires et des écrans, la question du processeur, le « moteur » des smartphones est délicate.

Huawei, comme Apple, conçoit et produit ses propres processeurs (à travers sa filiale HiSilicon) mais ces composants sont basés sur une architecture vendue sous licence par ARM, une firme britannique qui utilise elle-même des technologies américaines.

Et selon la BBC, la direction d'ARM a diffusé une note de service à tous ses salariés pour leur ordonner d’arrêter immédiatement « tous les contrats actifs, droits au support et autres engagements en cours » liés à Huawei, sa filiale de semi-conducteurs HiSilicon et toute autre entité du groupe chinois.

Sans cette licence, impossible de produire un processeur, même maison. Il faudra alors développer et tester une alternative qui offre la même qualité que l’architecture ARM utilisée par la totalité du secteur. Un challenge hautement complexe voire quasiment impossible à réaliser à court-terme, selon les experts.

La Chine a des arguments

Autre inquiétude, la réaction des européens. Vont-ils se plier aux exigences de Donald Trump afin d’éviter des sanctions éventuelles ou vont-ils continuer à fournir Huawei ? L’allemand Infineon lui fournit par exemple des composants mais c’est surtout le partenariat avec la prestigieuse firme Leica qui, s’il était stoppé, ferait très mal à Huawei.

En effet, le fabricant capitalise énormément sur ce partenariat pour se démarquer au niveau de la qualité photographique de ses smartphones haut de gamme. Et c’est notamment cet argument qui a permis à Huawei d’exploser sur le marché (encore 50% de croissance de ses ventes au premier trimestre dans un marché global en recul). Plus qu’un problème de composants, c’est à un souci d’image de marque que Huawei devra se confronter si Leica coupe également les ponts.

Pour autant, la situation pourrait vite évoluer au fur et à mesure des discussions avec Pékin. Car le rapport de force n'est pas que du côté des Etats-Unis dans le domaine de la tech. La Chine est la terre de production des iPhone et le pays contrôle les ressources de terres rares, indispensables pour la fabrication des smartphones. Bref, la Chine ne manque pas d'armes et le feuilleton est loin d'être terminé.

Olivier CHICHEPORTICHE