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Babysitting, le film le plus rentable de 2014

Babysitting a attiré 2,3 millions de spectateurs, mais n'a coûté que 3,4 millions d'euros

Babysitting a attiré 2,3 millions de spectateurs, mais n'a coûté que 3,4 millions d'euros - UIP

Selon l'étude menée par BFM Business, seuls 22 films français sortis en 2014 devraient être rentables, soit à peine 11%. La palme revient à deux comédies: Babysitting et Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu?

Hélas, les années se suivent et se ressemblent pour la production de films français. Comme les années précédentes, une petite poignée de films devrait gagner de l’argent. Selon les calculs de BFM Business, seuls 22 films, soit 11% des longs métrages français sortis en 2014, seraient rentables.

Un résultat comparable à ceux obtenus en 2013 (10%) et en 2012 (9%). Un résultat aussi comparable aux études menées en 2004 par le cabinet Bipe (12% à 17%) puis en 2008 par les chercheurs Olivier Bomsel et Cécile Chamaret (12%). Toutefois, une étude menée par le CNC il y a un an arrivait à des résultats plus élevés, avec un tiers de films rentables.

Et, comme les années précédentes, ce sont des comédies qui sont les plus lucratives.

Les films les plus rentables

Babysitting décroche la palme du film le plus rentable. Le film a déridé 2,3 millions d’heureux, alors qu’il n’a coûté que 3,4 millions d’euros, soit près de 600% de rentabilité! Ecrit, réalisé et interprété par Philippe Lacheau, cette comédie n’avait pas de grosses vedettes à l’affiche, à part Gérard Jugnot et Clothilde Courau dans de petits rôles. Il a été produit sans argent des chaînes de télévision. Une suite est d’ores et déjà en chantier, qui devrait sortir cette année.

La médaille d’argent est attribuée à Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, le film qui a fait rire 12,2 millions de Français et a été le plus vu de 2014. Mais c’était aussi un gros budget (12,8 millions d’euros avancés par UGC et TF1) dû notamment au cachet de ses stars, Christian Clavier et Chantal Lauby, qui étaient intéressées aux recettes. D’où une rentabilité de 533%, assez proche de Babysitting.

"Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?" est en tête du box office 2014 avec 12,2 millions d'entrées
"Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?" est en tête du box office 2014 avec 12,2 millions d'entrées © Nueue Visionen

C’est Lulu femme nue qui décroche la médaille de bronze. Cette petite comédie dramatique (2,1 millions d’euros de budget), sans superstars à l’affiche (le film est porté par Karin Viard), a été un succès surprise, avec un demi-million d’afficionados, soit une rentabilité de 256%.

Arrivent ensuite deux films d’auteurs sans star à l’affiche, mais acclamés par la critique et les spectateurs, d’où une rentabilité de 200%. D'abord: Hippocrate, une histoire d’interne dans un hôpital, dont le budget (3,8 millions d’euros apportés notamment par France 2) est largement amorti par les 912.000 entrées. Même recette pour les Combattants, qui n’ont coûté que 2,4 millions d’euros mais ont attiré près de 400.000 amateurs.

Pari réussi pour Sous les jupes des filles, le premier long métrage de la comédienne Audrey Dana. Certes, le budget était généreux (6,8 millions d’euros investis par Fidélité, Wild Bunch et M6), à cause d’un casting cinq étoiles (Isabelle Adjani, Vanessa Paradis…). Mais le public est venu, avec 1,4 million de curieux, soit un taux de 173%.

Enfin, Fiston montre que les humoristes venus de la télévision marchent souvent. Le duo Kev Adams-Franck Dubosc a coûté cher (7,5 millions d’euros de budget, apportés par M6), mais a fait rire près de 2 millions d’amateurs de comédie. D’où une rentabilité de 143%.

Dans la catégorie documentaire, on relèvera le succès exceptionnel de La cour de Babel, documentaire de Julie Bertucelli sur une classe de collégiens arrivant de l’étranger. Un tout petit budget (400.000 euros apportés notamment par Arte) mais près de 200.000 spectateurs à l'arrivée, soit une rentabilité de 530%!

Le documentaire "la cour de Babel" n'a coûté que 400.000 euros
Le documentaire "la cour de Babel" n'a coûté que 400.000 euros © Pyramide

Les films les moins rentables

Le bonnet d’âne revient à Je m’appelle Hmmm…, le premier long métrage d’Agnès B, film d’auteur à petit budget (2,2 millions d’euros), sans superstars (Sylvie Testud, Jacques Bonnaffé, Marie-Christine Barrault sont à l’affiche). Mais ce caprice a attiré un public microscopique : 2.265 victimes de la mode, soit 1% de rentabilité... On conseillera donc à Agnès B. de se consacrer aux défilés, ou à défaut de se contenter de produire des films, ce qu’elle fait depuis 1997, avec plus de succès (Seul contre tous, Peau neuve, Walk away Renée, Springbreakers, Mister Lonely...)

"Je m'appelle Hmmm...", premier film de la styliste Agnès B
"Je m'appelle Hmmm...", premier film de la styliste Agnès B © A3 Distribution

On conseillera aussi à Fanny Ardant de se consacrer à son métier d’actrice. Son deuxième long métrage, Cadences obstinées, a coûté près de 3 millions d’euros (apportés notamment par Paulo Branco), qui ont notamment payé un casting prestigieux : Gérard Depardieu, Franco Nero, Asia Argento… Mais à l’arrivée, seuls 4.150 curieux se sont déplacés, soit 1,6% de rentabilité.

On conseillera à Rachid Bouchareb d’oublier son rêve américain. Après Hors la loi, le réalisateur s’est lancé dans une trilogie tournée aux Etats-Unis dont voilà le second opus, La voie de l’ennemi. Le film a coûté très cher (12,7 millions d’euros apportés notamment par France 2) pour se payer des stars comme Harvey Keitel ou Forest Whitaker. Mais à l’arrivée seulement 39.116 égarés dans les salles, soit un taux de 1,7%… Toutefois, le film n’est pas encore sorti aux Etats-Unis. Mais le premier film de la trilogie, Just like a woman, n’avait rapporté que 11.403 dollars lors de sa sortie américaine…

Quant à Michel Hazanavicius, on lui recommandera de revenir à la comédie dans laquelle il excelle. Son incursion dans le mélodrame, The Search, a coûté une fortune (20,6 millions d’euros), notamment à Thomas Langmann. Mais le film, interminable (2h14), prévisible et manichéen, a été un échec critique et public, avec moins de 70.000 fans de Bérénice Bejo, d’où un taux de 1,9%.

"The Search", un des plus gros budgets de l'année
"The Search", un des plus gros budgets de l'année © Roger Arpajou La petite reine-La classe américaine

Et peut être que JoeyStarr et Kool Shen devraient retourner au rap, car leur promotion en tête d’affiche ne rameute pas les foules. Le polar Colt 45, avec en vedette JoeyStarr et Gérard Lanvin, a coûté fort cher: 12,8 millions d’euros, apportés par Thomas Langmann et Orange. Sorti à la sauvette en plein mois d’août, il n’a attiré que 65.387 amateurs de coups de feu. Bilan: 2,8% de rentabilité. Quant à Abus de faiblesse, où Kool Shen joue Christophe Rocancourt, il n’a coûté que 4 millions d’euros à Arte et Jean-François Lepetit. Mais la transposition à l’écran de l’escroquerie de Catherine Breillat n’a déplacé que 26.078 voyeurs, soit un taux de 5,5%.

De même, on recommandera à Mathieu Delaporte de revenir à des comédies comme le Prénom. Pour son thriller Un illustre inconnu, il a obtenu de Pathé et Orange un gros budget (13 millions d’euros), un acteur connu (Mathieu Kassovitz), mais visiblement pas l’inspiration : 107.561 égarés, soit 4,6% de rentabilité.

Enfin, Tomer Sisley devrait se poser la question du retour au stand up, à force d’accumuler les bides. Après le flop d’Angélique, voilà le tour de Kidon, comédie d’espionnage au budget grassouillet (4,2 millions d’euros) mais aux entrées squelettiques (27.371), soit une rentabilité de 5,5%.

La méthodologie de l'enquête

Notre enquête prend en compte toutes les recettes d'un film, qui sont multiples: entrées en salles, distribution à l'étranger, ventes de DVD et en vidéo-à-la-demande, diffusion sur les chaînes de télévision...

A l'heure où cette enquête est réalisée, seules les entrées en salles sont connues. Nous avons donc calculé les recettes provenant des salles en nous basant sur le nombre d'entrées réalisées au 31 décembre (fournies par CBO Box Office), sur le prix moyen d'un ticket de cinéma (6,46 euros en 2013 selon le CNC), et sur la part reversée à la filière sur ce ticket (37,9% en 2013, toujours selon le CNC).

Les autres recettes (DVD, télévision, étranger...) n'étant pas encore connues, nous les avons estimées, en nous basant sur ce qui a été constaté dans le passé. Précisément, nous nous sommes basés sur l'étude d'Olivier Bomsel et Cécile Chamaret. Cette étude avait conclu que les entrées en salles représentaient 44% des recettes des films au budget supérieur à 7 millions d'euros; 29% entre 3 et 7 millions d'euros; et 22% en dessous de 3 millions d'euros.

Enfin, le pourcentage de rendement a été calculé en prenant le ratio entre les recettes estimées et le budget. Un rendement de 16% signifie que, pour 100 euros investis, 16 euros de recettes sont prévues. Inversement, un rendement de 140% signifie qu'on peut tabler sur 140 euros de recettes.

Par ailleurs, nous n'avons pas pris en compte certains films : les documentaires, ceux où les capitaux français sont minoritaires, ceux dont les budgets sont inconnus ou très petits, ceux qui sont sortis en toute fin d’année (la famille Bélier, Timbuktu…).

Enfin, il faut noter que quelques films ont vu leur rentabilité dopée par leurs entrées à l'étranger, qui les rendent atypiques. Il s'agit de Lucy (53,7 millions de spectateurs à l'étranger selon Unifrance), Grace de Monaco (2,9 millions), La belle et la bête (4,4 millions), et Paradise Lost (200.000).

Simon Tenenbaum et Jamal Henni