BFM Business
Services

Ingenico : en route vers un démantèlement

Philippe Lazare, vient d'être évincé de son poste de PDG d'Ingenico

Philippe Lazare, vient d'être évincé de son poste de PDG d'Ingenico - JACQUES DEMARTHON / AFP

Le PDG de l’entreprise a été remercié par son conseil d’administration. Philippe Lazare était le dernier rempart à l’intégrité du spécialiste des paiements.

Ingenico est à un tournant de son histoire. L’entreprise français spécialisée dans les paiements vient de perdre son PDG. Philippe Lazare, en poste depuis onze ans, a été poussé à la démission par son conseil d’administration. La crise couvait depuis plusieurs semaines comme nous l’expliquions récemment (lien). Son départ brutal, alors que son mandat se terminait en mai prochain, illustre l’ampleur de la crise que traverse Ingenico. Il ouvre surtout la voie à une évolution drastique d’Ingenico.

D’abord par le choix de ses successeurs. A la direction générale, son bras droit Nicolas Huss prendra la suite. Mais il sera « chapeauté » par un président non-exécutif de poids. Bernard Bourigeaud, 74 ans, était administrateur depuis deux ans. Il a surtout le profil d’un grand connaisseur du secteur. Fondateur d’Atos, concurrent d’Ingenico dans les paiements, il conserve aujourd’hui une présence forte dans l’industrie. Et semble plutôt favorable à une scission de l’entreprise. « Philippe Lazare était le seul à défendre l’intégrité du groupe, explique l’un de ses proches. Il savait qu’une découpe menait à la disparition d’Ingenico ».

Deux métiers en concurrence

Le groupe dispose de deux métiers. Le premier, historique, consiste à vendre aux banques des solutions de terminaux de paiements qu’elles-mêmes revendent à leurs clients commerçants. Avec l’accélération du paiement par Internet, cette division souffre. A côté, Ingenico développe justement des solutions de paiement numérique, que l’entreprise vend directement aux commerçants, notamment les sites de e-commerce. Résultat : les deux métiers divergent et n’ont aucune synergie. « Pire, ils se font concurrence l’un à l’autre, explique un bon connaisseur. Dans les paiements électroniques, Ingenico devient finalement concurrent direct des banques, les plus gros clients de sa division historique ». Du coup, la scission de ses deux activités devient inévitable. D’autant plus avec la nouvelle gouvernance de l’entreprise.

Philippe Lazare avait tenté une autre voie en ouvrant la porte à une alliance avec la banque Natixis. Son idée était de reprendre son activité de paiement et de les accueillir, en contrepartie, comme actionnaire à son capital. Il observait que toutes les banques s’interrogeaient sur l’avenir de leurs métiers de paiement et ne savaient pas quoi en faire. Il pensait ainsi qu’en déclenchant un partenariat avec l’une, d’autres auraient pu suivre. Exit cette option puisque son successeur Bernard Bourigeaud y est opposé, selon plusieurs sources. L’idée poussée par le conseil d’administration serait de vendre l’activité de terminaux pour ensuite s’allier à un autre acteur dans le paiement. La semaine dernière, Edenred, spécialisée dans les tickets restaurant, a précisé qu’il ne ferait pas d’offre de rachat sur Ingenico après avoir étudié cette option.

Proximité avec le rival Idemia

L’arrivée à la présidence de Bernard Bourigeaud pose la question d’un rapprochement avec Atos, qu’il a longtemps dirigé. Une alliance avec sa filiale de paiement, Worldline, « ferait du sens » estiment plusieurs sources proches des deux entreprises. Mais Atos vient de réaliser une acquisition importante en Suisse. Et son cours de Bourse a beaucoup souffert ces dernières semaines. Dernier détail important qui n’encourage pas à une telle opération : les relations entre son PDG, Thierry Breton, et le nouveau président d’Ingenico ne semblent pas très bonnes.

Dans le secteur, tout le monde pointe du doigt les relations très fortes que Bernard Bourigeaud entretient avec la société Idemia, née de la fusion l’an dernier entre Morpho (ex-Safran) et Oberthur dont il a été actionnaire. L’entreprise est spécialisée dans l’identité numérique, clé de voûte des moyens de paiement électroniques sécurisés. Un terrain sur lequel Ingenico est appelé à investir, d’où l’idée avancée par certains d’une alliance possible entre Idemia et Ingenico.