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Irma: quel impact économique pour Saint-Martin et Saint-Barth?

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- - Lionel Chamoiseau - AFP

Après le passage d'Irma sur Saint-Barthélémy et Saint-Martin, il sera bientôt l'heure d'évaluer les dégâts pour calculer les indemnisations, avant de reconstruire. Mais la haute saison touristique qui devait démarrer en décembre semble pour le moment plus que compromise.

En passant sur Saint-Barthélémy et Saint-Martin, Irma a fait de tels dégâts que l’état de catastrophe naturelle sera déclaré vendredi pour permettre d'indemniser au plus vite les victimes. L’enjeu est de ne pas subir, en plus de l'ouragan, une autre catastrophe: l’effondrement de l’économie locale qui repose presque exclusivement sur le tourisme de luxe.

Dès mercredi soir, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de déployer un "plan national de reconstruction" dans les plus brefs délais. En effet, il faut faire vite. La haute saison touristique s’étale de décembre à avril. Entre Noël et Pâques, les touristes fortunés affluent pour passer les fêtes au soleil. Les établissements touristiques de luxe tournent à plein régime pour accueillir des habitués comme Johnny Hallyday, Kate Moss ou Steven Spielberg.

"Ça fait 30 ans que je fais ce métier, nous avons connu d'autres procédures cyclones avec quelques arbres cassés, mais jamais on a eu ce niveau de dégâts", a indiqué à l'AFP Gilbert Cisneros, président du voyagiste Exotismes, spécialiste des destinations tropicales.

Le calcul des indemnisations sera complexe

Saint-Barthélemy compte un peu moins de 10.000 habitants et accueille chaque année près de 80.000 touristes et 130.000 visiteurs supplémentaires qui s’y rendent par bateau. 37% des emplois sont directement liés au tourisme selon le Cerom. Pour Saint-Martin, les choses sont différentes. L’île est soumise à une double souveraineté, française et néerlandaise, avec d’un côté des établissements de luxe, et de l’autre une population qui ne vit que de cette économie. Dans la partie française, la population est passée de 8000 habitants à la fin des années 80 à 35.107 en 2014 selon l'Insee, contre environ 45.000 pour la partie néerlandaise comme le précise l’AFP, ce côté de l'île attirant la majorité des touristes. Selon un rapport du Cerom, "l’île enregistre 2,2 millions de visiteurs dont 80% arrivent côté néerlandais".

Impossible à l’heure actuelle de chiffrer le coût des dégâts causés par Irma. Mais il est déjà évident que le calcul des indemnisations sera complexe. En plus de la perte des biens, il faudra dédommager les victimes ayant perdu leur emploi ainsi que celles subissant la chute très probable du chiffre affaires de leur entreprise. Mais il est difficile d’imaginer que tout sera réparé en quelques semaines pour le démarrage de la saison.

L’état de catastrophe naturelle va aider les victimes à se faire indemniser, mais il ne couvre pas tout. Comme le précise la Fédération française de l’assurance, si une clause précise n'a pas été prévue dans le contrat d'assurance, le dédommagement des véhicules n'est pas assuré. Idem pour les dommages liés au pillage, la perte de denrées stockées dans les congélateurs ou encore les terrains, végétaux, arbres et plantations.

La FFA conseille de contacter son assureur, mais rappelle également l’existence d’un fonds de secours accessible "aux particuliers et aux petites entreprises à caractère artisanal ou familial dont les biens non-assurés ont subi d'importants dommages, aux exploitants agricoles ultramarins pour leurs pertes de fonds et de récoltes, et également aux collectivités territoriales pour les dégâts causés sur leurs équipements publics non-assurables".

Initier un mouvement de solidarité entrepreneuriale

Face à cette situation, la solidarité s’organise. Le Medef s’est associé à la Fedom (Fédération des entreprises d’outre-mer) pour mobiliser les bonnes volontés et organiser le travail. Thibault Lanxade, son vice-président, a été mandaté par Pierre Gattaz "pour suivre la situation de ces territoires dévastés et assurer la meilleure coordination entre les différents acteurs économiques devant se mobiliser pour reconstruire ces deux îles". Le but est "d’initier un mouvement de solidarité entrepreneuriale en impliquant les grandes entreprises implantées localement". Mais même avec la meilleure volonté du monde, la reconstruction ne se fera pas en quelques mois.

Cette initiative rappelle, toutes proportions gardées, les actions menées en 2004 après le tsunami qui a notamment dévasté la Thaïlande et ses îles paradisiaques comme Phuket, dont l’économie ne repose que sur le tourisme. Grâce à une mobilisation mondiale sans précédent, 90% du parc hôtelier avait été reconstruit en mars 2005, soit trois mois après la catastrophe. Malgré cela, cette même année, la fréquentation touristique chutait de 90% avec de lourdes conséquences. À l’époque, le Bureau international du Travail annonçait que "près de 120.000 personnes dans le secteur touristique avaient perdu leur emploi et que près d'un demi-million d'emplois étaient en danger". Et malgré la mobilisation internationale, le retour à la normale avait nécessité plusieurs années.

Le poids de l'agriculture : fort à Saint-Barthélémy, faible à Saint-Martin

Si le tourisme est le premier secteur économique de Saint-Barthélémy, d’autres activités font vivre les habitants de l’île. Selon un rapport de l’Insee de 2015, l’agriculture représente près de 23,8% de l’économie, loin devant l’industrie (9,5%) et la construction (4,8%). En revanche, Saint-Martin ne dispose pas d’autres revenus que le tourisme de luxe. Selon l’Insee, l’agriculture et l'industrie ne pèsent ensemble que 5%.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco