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IssyGrid: le démonstrateur de la ville de demain

Issygrid, le premier réseau intelligent de quartier devient une réalité

Issygrid, le premier réseau intelligent de quartier devient une réalité - -

La ville de demain sera "durable". L'adjectif revient régulièrement mais la question se pose vite: "à quel horizon?" Issy-les-Moulineaux n'attend pas, la ville de demain c'est déjà aujourd'hui à travers le projet IssyGrid.

En un an, le scénario mis au point par 10 grands noms est devenu une réalité. André Santini, le maire de la ville, se réjouit d'ailleurs tous les jours d'avoir lancé ce laboratoire grandeur nature. Bien plus qu'un laboratoire c'est une démonstrateur de notre savoir-faire français dans ce domaine.

Comme l'explique Guillaume Parisot, directeur innovation Bouygues immobilier, ce projet IssyGrid est au carrefour de l'énergie, du numérique et de la ville. La précarité et la transition énergétique sont des sujets récurrents car "nous avons bien conscience qu'il va falloir faire autrement", le numérique à travers Internet, les tablettes, les smartphones a envahi notre quotidien tandis que les modes de vie évoluent. "C'est donc à l'échelle d'une ville, à travers l'éco-quartier le Fort d'Issy mais pas seulement que se bâtit ce nouvel univers urbain".

Ce projet oblige à revoir les modèles économiques. Pour Guillaume Parisot, "aucune entreprise ne peut porter ses sujets toute seule". Alstom, Bouygues Immobilier, Bouygues Télécom énergies et services, EDF, ERDF, Microsoft, Schneider Electric, Steria et Total se sont donc alliés. Ils le reconnaissent: "Il a fallu se caler au départ". Mais ils sont fiers à présent de dévoiler les premiers résultats.

Suivre sa consommation en temps réel

A l'heure où Linky fait couler beaucoup d'encre, des compteurs intelligents ont mis en place dans une centaine de logements. Ils permettent de recueillir des données sur la consommation globale.

Prenons l'exemple d'un chauffe-eau électrique. Nous prenons nos douches en général à la même heure le matin. L'appareil se déclenche la nuit et crée un pic de consommation inutile. Il est possible de mieux anticiper. Le compteur est fourni à l'heure actuelle aux habitants d'Issy-les-Moulineaux gratuitement. Le modèle économique reste à définir. L'association UFC-Que Choisir parle d'une facture qui va bondir.

"Les compteurs actuels ont une tolérance qui permet aux consommateurs de dépasser la puissance prévue par leur abonnement sans que leur compteur disjoncte. Cela sera impossible avec Linky", explique Alain Bazot, président de l'UFC-Que Choisir. "Nous souhaiterions que chaque foyer bénéficie d'une année pour réévaluer sa consommation à compter du jour où Linky est installé chez lui", précise Alain Bazot. Une réflexion doit donc s'engager.

Des lampadaires intelligents

Les bâtiments tertiaires sont eux aussi optimisés. C'est ainsi qu'après l'immeuble test Galeo, siège de Bouygues Immobilier, la Tour Sequana occupée par Bouygues Telecom, vient à son tour d’être équipée par Schneider Electric d’un système d’aide au pilotage du bâtiment. Quand elle a vu le jour en 2009, l'univers des smart grids lui était totalement inconnu.

C'est ainsi qu'en pleine vague de chaleur, les bureaux ont été rafraîchis la journée par du froid produit et stocké au cours de la nuit précédente. De la glace a pu être fabriquée avec une énergie moins chère et réinjectée dans les circuits d'eau dans la journée. Au final, une économie de 500 kilowattheures, c'est l'équivalent de la consommation de quelques centaines de logements.

Et que dire des lampadaires intelligents. Bouygues Energies&Services en a mis en place dans trois rues d'Issy-Les-Moulineaux. L'éclairage est au plus fort en début de soirée puis il se module et surtout au passage d'une voiture il peut augmenter. Les panneaux sont équipés de deux éclairages, un sur la voie, l'autre sur la rue car les passants bénéficient toujours du même éclairage. Les réductions de coût sont considérables, au moins 10%. Ce poste représente en moyenne 40% de la facture d’électricité d’une collectivité locale.

Des changements de modèle

Toutes les pistes sont à l'étude notamment en matière de stockage d'énergie. ERDF va lancer une expérimentation dans un poste de distribution publique, en l'occurrence celui de la rue Bara. Ce sont des batteries de seconde vie issues de véhicules électriques qui vont stocker et déstocker l'énergie.

Le projet permettra d'absorber la production locale d'énergie photovoltaïque ou d'injecter dans le réseau l'énergie stockée. Il est tout à fait possible d'envisager aller plus loin et connecter les bâtiments tertiaires au résidentiel. C'est ainsi que des panneaux photovoltaïques ont été installés sur la tour Sequana. De quoi assurer une production locale d'énergie d'une puissance de 25 kW.

Le week-end, les bureaux n'en ont pas toujours l'usage. Pourquoi ne pas envisager de distribuer cette énergie alentour. Mais l'auto-consommation demande une évolution des mentalités et de la réglementation. L'achat et la revente d’énergie sont interdits et il n'y a pas de statut de vendeur d'énergie.

Comme le précise Cécile Tuil, VP Influence Strategy chez Schneider Electric, IssyGrid va contribuer à montrer la valeur économique de tels projets car l'un des freins au développement est l'absence de modèle économique solide. Ce n'est que le début. Les entreprises comptent bien élargir le cercle de leurs partenaires, poursuivre le développement des outils numériques ou encore intégrer d'autres énergies comme les réseaux de chaleur.

Le projet IssyGrid fascine aussi. Une délégation chinoise et une autre venue de San Francisco ont pu constater de visu les avancées du premier réseau d'énergie intelligent. La France a aussi ses champions.

Nathalie Croisé de BFM Business