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Jean-René Fourtou reprend les rênes de Vivendi

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PARIS (Reuters) - Dix ans après avoir sauvé Vivendi de la faillite, Jean-René Fourtou, 72 ans, joue gros une fois encore en conduisant un redécoupage potentiellement radical du géant européen dont il préside le conseil de surveillance.

Les recherches du conglomérat pour trouver un nouveau président du directoire n'ont pas montré de signes d'avancée depuis le départ fin juin de Jean-Bernard Lévy, longtemps l'allié de Jean-René Fourtou mais aujourd'hui en désaccord avec lui sur les mesures à adopter pour redresser un cours de Bourse en berne.

Plusieurs noms circulent en interne, dont celui de l'ancien banquier de Goldman Sachs Yoël Zaoui, de la présidente de General Electric France Clara Gaymard et de l'ancien patron d'Apple Europe Pascal Cagni, selon des personnes au fait du dossier.

Un porte-parole a toutefois indiqué que le groupe comptait se donner du temps pour trouver un nouveau président du directoire tout comme un nouveau dirigeant pour sa filiale SFR.

En attendant, Jean-René Fourtou a repris les rênes et pourrait les conserver plus longtemps que ce que certains auraient pu penser.

Il rencontre des banquiers pour entendre leurs propositions sur les options stratégiques qui s'offrent au groupe.

Il garde par ailleurs un oeil sur les dossiers "chauds" du moment comme les négociations difficiles d'Universal Music avec Bruxelles sur le rachat de la maison de disques britannique EMI.

HABILE TACTICIEN

Selon un banquier qui a travaillé récemment avec Vivendi, la priorité de Jean-René Fourtou est de définir une nouvelle stratégie, de réduire les coûts et de se concentrer sur la dette afin que le groupe soit en mesure de faire une annonce susceptible de contenter ses actionnaires assez rapidement.

"Il va passer au moins les six prochains mois à définir une stratégie et ensuite trouver un président du directoire pour la mettre en oeuvre", explique-t-il.

L'action Vivendi est tombée en avril à son plus bas niveau depuis neuf ans, conduisant le groupe à engager une revue de sa structure qui rassemble des activités de télécoms et de médias sans fortes synergies entre elles.

Depuis, les scénarios fusent, allant de cessions ciblées à un démantèlement pur et simple de l'ex-Générale des Eaux.

Restructurer, c'est justement l'une des spécialités du Girondin, polytechnicien de formation et grand amateur de sport, qui a fait ses armes dans le cabinet de consultants Bossard.

Il s'est bâti une réputation d'habile tacticien et de redresseur d'entreprise dans les années 1980-1990 lorsqu'à la tête du groupe Rhône-Poulenc, il orchestra la scission du pôle chimie avant un mariage avec l'allemand Hoechst qui donna naissance à Aventis, à l'époque premier laboratoire européen.

Appelé à la rescousse de Vivendi en 2002, exsangue après la débâcle de l'ère de Jean-Marie Messier, il a réussi à éviter de justesse une crise de liquidités, vendu une série d'actifs à bon prix et réduit la dette avant de passer les rênes en 2005. Selon plusieurs personnes qui le connaissent, il n'a toutefois jamais vraiment cessé de tirer les fils.

PRAGMATISME

Son retour en première ligne au sein du conglomérat évoque pour un banquier le film "Space Cowboys" dans lequel les acteurs Clint Eastwood et James Garner jouent des astronautes à la retraite, rappelés pour une dernière mission dans l'espace.

Ironiquement, Jean-René Fourtou pourrait être contraint dix ans plus tard de défaire la structure qu'il avait contribué à mettre en place à Vivendi aux côtés de Jean-Bernard Lévy, une issue à laquelle ce dernier paraît s'être refusé.

"Avec Fourtou aux commandes, il n'y aura pas de problème d'ego. Si pour redonner de la valeur aux actionnaires, cela implique un démantèlement, il le fera", explique un actionnaire du groupe. "C'est un homme pragmatique et un vrai patron d'entreprise."

A la différence de 2002, Jean-René Fourtou ne sera pas contraint cette fois d'agir dans l'urgence, la situation financière étant nettement moins alarmante aujourd'hui.

La dette de Vivendi atteint le niveau élevé de 14 milliards d'euros, très loin toutefois des 35 milliards accumulés dans la foulée de la vague d'investissements dans les réseaux et les contenus menée sous l'ère Messier.

"Les changements au niveau de la direction ont eu lieu il y a peu de temps. La dette est élevée mais il n'y a pas encore de fortes pressions financières. Vivendi a des activités fortement génératrices de liquidités", souligne Marine Michel, gestionnaire de fonds à Montségur Finances qui détient des actions Vivendi selon les données de Thomson Reuters.

"Pour moi, le groupe a le temps de prendre les décisions qui seront le plus favorables pour lui", ajoute-t-elle, en précisant que le processus pourrait demander du temps.

Le défi à relever est de taille, soulignent plusieurs banquiers, expliquant que le groupe devra céder des actifs avec une forte prime pour espérer redresser son titre en Bourse.

Pour se donner les coudées franches, le groupe a revu la composition de son directoire, désormais réduit au secrétaire général et au directeur financier. Exclus, les dirigeants des filiales qui y étaient représentés auparavant.

"Vivendi souffre déjà de son passé et veut éviter de nouvelles controverses. Fourtou sera très prudent afin de trouver une sortie par le haut", a dit une source.

Jean-René Fourtou n'était pas disponible pour un entretien dans le cadre de cette dépêche.

Le président du conseil a un intérêt personnel au redressement du groupe, détenant avec sa famille 786.599 actions Vivendi, un intérêt qu'il partage avec Vincent Bolloré en voie de céder ses chaînes de la TNT au conglomérat contre des actions et d'entrer au conseil de surveillance.

La montée au capital de l'entrepreneur, qui s'est par le passé illustré par des coups en Bourse, a alimenté les spéculations sur de possibles changements de grande ampleur au sein du conglomérat.

"L'arrivée de M. Bolloré au conseil jouera sans doute le rôle de catalyseur car l'on suppose qu'il voudra s'impliquer d'une manière ou d'une autre dans l'évolution du périmètre d'activités", souligne Marine Michel.

Avec Leila Abboud et Christian Plumb, édité par Dominique Rodriguez

Reuters