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JOTT, la marque marseillaise de doudounes qui fait trembler Uniqlo

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Créée à Marseille en 2010 par deux cousins de 20 ans, la marque JOTT a vendu 1 million de doudounes en 2016, dont 700.000 en France. Et ce malgré un prix de vente deux fois supérieur à celles de son concurrent Uniqlo. Quel est son secret?

C'est un petit logo que vous avez certainement déjà remarqué piqué sur une doudoune: un petit personnage de profil sur un scooter qui porte lui-même une doudoune, le tout souligné des lettres JOTT pour "Just Over The Top". Si vous ne l'avez pas encore vu, vous n'allez pas y échapper longtemps. Car cette marque française basée à Marseille fait un véritable carton depuis quelques années. "C'est bien simple, nous doublons nos ventes chaque année", nous explique Nicolas Gourdikian, le co-fondateur avec son cousin de la société. 

Et paradoxalement c'est au bord de la Méditerranée, là où le climat est le plus doux, qu'est née cette marque de doudounes dont raffolent les Français. Ses créateurs sont deux cousins marseillais, Nicolas et Mathieu Gourdikian. Ces rejetons d'une famille d'entrepreneurs du prêt-à-porter (la famille a lancé les marques Presto et Rewash) ont tâtonné dans le textile avant de réussir leur coup. "On avait lancé en 2009 une marque de maillots mais ça a été un gros flop, avoue très franchement Nicolas Gourdikian. Mais nous voyagions beaucoup nous avions en tête de lancer une marque de doudoune nomade ultra-légère, un produit qui n'existait pas à l'époque en France." Leur projet: faire de ce vêtement d'hiver dédié au sport un produit urbain, design et coloré. 

Fort du carnet d'adresses familial, les deux cousins qui ont alors la vingtaine partent donc en Chine à la recherche d'une usine pour fabriquer les premiers modèles. Pour le nom de la marque, ils optent pour Just Over The Top, une phrase que les deux cousins se lancent souvent à la figure. "On se chamaille beaucoup, lui me dit "je suis au top", moi je lui réponds "je suis just over the top"", confie Nicolas Gourdikian. Pour le logo, ce sera un bonhomme sur un scooter pour le côté nomade et parce que c'est ce qu'utilisent les cousins pour se déplacer dans Marseille.

Des premiers retours pas toujours positifs

Conçues et dessinées à Marseille, les doudounes sont donc fabriquées en Chine dans la région de Shanghai. Une dizaine d'usines travaillent aujourd'hui avec JOTT donc certaines "quasiment rien que pour nous", assurent les fondateurs. Dévoilée pour la première fois en 2010 lors d'un salon textile parisien, la doudoune JOTT fait un tabac. "Le mannequin sur lequel on l'avait installée était pris d'assaut, on en a vendu 10.000 la première année", explique Nicolas Gourdikian. 

A l'époque il s'agit d'une des premières doudounes ultra-légères du marché. Le japonais Uniqlo, grand spécialiste de ce vêtement, n'était quasiment pas présent dans l'Hexagone. Les revendeurs textiles indépendants dits multi-marques veulent tous proposer des doudounes, un produit qui commence à décoller en France. Surtout que la doudoune JOTT a un positionnement plutôt premium. Vendue au départ 145 euros (160 aujourd'hui), elle offre une belle marge au revendeur. "Nous pourrions fabriquer des produits deux fois moins cher mais ce n'est pas notre objectif, explique le fondateur. Par exemple nous payons notre duvet qui compose 90% du rembourrage de la doudoune 60 euros le kilo alors qu'on en trouve de moins bonne qualité à 20 euros."

Si le succès est immédiat, les premiers retours ne sont pas toujours positifs. Certains clients se plaignent notamment que les plumes sortent de la veste. Les doudounes ultra-légères à la différence des autres n'ont en effet pas de sac à l'intérieur pour contenir les plumes et le duvet. Elles sont ainsi moins hermétiques. "Mais on a amélioré le produit en mettant au point une cire pour empêcher que la doudoune perde ses plumes", explique Nicolas Gourdikian.

Hanouna, Merad, Adams en sont fans

Ce petit couac de départ n'empêche pas les ventes de s'envoler. Les clients plébiscitent les nombreuses couleurs (jusqu'à 26), la coupe près du corps et la marque au petit logo sympa. Malins, les responsables de la marque n'hésitent pas à en distribuer à des célébrités lorsqu'ils en croisent. "Ma cousine a vu Kad Merad un jour dans un resto et elle est vite allé chercher des doudounes pour lui en donner un lot", raconte Nicolas Gourdikian. Suivront Kev Adams, l'humoriste Patrick Bosso, l'ancien joueur de foot Eric DiMeco ou encore Cyril Hanouna dont la styliste a appelé la marque un jour pour en commander un lot.

La marque est ainsi bien exposée et le bouche à oreille commence à faire son effet. Dans la région de Marseille au départ ou JOTT devient un peu le nom générique de la doudoune. Et ensuite dans le reste de la France où des milliers de revendeurs commencent à distribuer la marque. Le produit ainsi que le logo plaisent et de plus en plus de gens commencent à poster des photos sur les réseaux sociaux. "Un jour, nous avons tapé le hashtag #JOTT sur Instagram et on a vu des milliers des photos", explique Blandine Holuigue, la responsable de la communication. Une communauté très active que la marque tente de fédérer en lançant des jeux concours (un JOTTtrotteur pour gagner un tour du monde sera lancé en avril), en recrutant ses mannequins amateurs auprès de ses clients (600 candidatures ont été reçues) ou encore en proposant aux fans de designer la doudoune de leur rêve. Un jury sélectionnera les deux meilleurs design et les doudounes seront en vente en édition limitée l'hiver prochain. 

Des boutiques à la Nespresso

Ces initiatives originales renforcent la marque et boostent les ventes. Après une année 2014 qui voit JOTT vendre 250.000 doudounes, la marque décide alors de passer à la vitesse supérieure en ouvrant une première boutique au centre commercial Les Terrasses du Port à Marseille. Elle développe avec un cabinet de design un concept à la Nespresso avec des murs tapissés de sacs de doudounes colorés. 

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Sauf que rapidement, les patrons de JOTT se rendent comptent que leur emplacement est en face du magasin Uniqlo du centre commercial. "On a eu très peur au début mais depuis ce sont eux qui ont peur, assure en riant Nicolas Gourdikian. A Marseille, Uniqlo ne vend pas une doudoune!" Une première boutique puis une deuxième à Brest, une troisième à Aix en Provence. Le rythme s'accélère. Et pour accompagner le développement, la compagnie débauche Daniel Barbier, le directeur commercial de la marque Diesel.

La marque se développe alors en franchise et ouvre 20 magasins en 2016 dont un premier à l'étranger à Munich. Cette année-là, JOTT établit un nouveau record avec plus de un million de doudounes vendues dont 700.000 en France. La marque est présente chez des revendeurs en Espagne, au Bénélux, en Allemagne.

A la tête de 27 boutiques, le groupe ne compte pas s'arrêter là. 30 ouvertures sont déjà prévues en 2017 dont 2 à Paris l'été prochain, mais aussi à Barcelone, Bruxelles, Milan. "New York c'est notre objectif pour 2018", confie Nicolas Gourdikian.

"Zalando nous traite de fous!"

Un succès qui fatalement attise les appétits. Principalement des grands sites de vente de prêt-à-porter sur Internet. "Zalando vient nous voir chaque année pour nous prendre mais on leur dit "non", ils nous disent qu'on est des fous", confie en riant Nicolas Gourdikian. La marque ne veut pas en effet prendre le risque d'apparaître sur ces sites où elle sait que les produits seraient bradés. "Nos revendeurs ne seraient pas concurrentiels et ils ne vendraient plus une seule doudoune, on ne veut pas entrer dans ce jeu-là", explique le fondateur. Ces derniers réalisent en effet 60% des ventes de la marque.

Pour continuer à faire vivre ses boutiques l'été, JOTT tente depuis quelques mois de s'ouvrir à d'autres produits. La marque propose désormais des polos, des imperméables, des casquettes, des sacs ou encore des lunettes. Des produits accessoires qui représentent tout de même désormais 25% d'un chiffre d'affaires qui devrait frôler les 50 millions d'euros en 2016. Pour l'été prochain, la marque s'est associée au spécialiste français des marinières Armor Lux pour proposer des t-shirts et des doudounes aux couleurs des fameux pulls rayés.

Un nouveau logo a même été créé pour l'occasion avec le petit bonhomme qui cette fois n'est plus sur son scooter mais sur une planche à voile. Et après avoir battu son record d'un million de doudounes vendues l'année dernière, la marque compte faire encore mieux en atteignant 1,5 million en 2017. "Nous comptons bien battre encore longtemps nos records", assure Nicolas Gourdikian. "Just over the top", c'est marqué sur l'étiquette.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco