En 2030, les sacs Gucci et Saint Laurent seront en cuir écolo
Dans 10 à 15 ans, vous pourriez porter des chaussures ou des sacs en "cuir du futur", non pas faits de peaux d'animaux cruellement dépecés, mais conçus en laboratoire, grâce aux biotechnologies. C'est ce qu'explique François-Henri Pinault, patron de Kering, dans une interview accordée à Bloomberg Business Week. Les chercheurs du groupe qui chapeaute les marques Gucci, Puma, Saint Laurent, Balenciaga ou Stella McCartney y travaillent déjà, explique-t-il.
À terme, cette technologie "permettrait de créer du cuir à partir de cellules animales vivantes. Ces cellules seraient extraites à partir de la peau d'un animal vivant, puis cultivée afin de fabriquer un cuir transparent".
Ces recherches pour produire une mode plus durable et respectueuse de l'environnement font partie d'une vision globale, et d'un vaste plan engagé par Kering en ce sens. Bien au fait des dommages collatéraux de l'industrie du luxe - pollution des eaux entraînée par le traitement des cuirs, souffrance animale, précarité des sous-traitants -, Kering s'est fixé dès 2012 d'ambitieux objectifs éthiques, à remplir en quatre ans.
Le géant français du luxe ne les a pas tous atteint, mais il se félicite d'utiliser davantage de papier recyclé dans ses emballages, d'avoir amélioré ses conditions de travail, d'avoir abandonné certains produits chimiques toxiques. Elle s'enthousiasme d'autant plus que, ce faisant, elle a néanmoins doublé sa valeur boursière. De quoi prouver aux compagnies moins vertueuses que l'éthique ne nuit pas à la croissance économique, souligne François-Henri Pinault.
Son engagement écologique, François Henri Pinault l'explique dans la même interview par une motivation très personnelle. "J'ai toujours entendu mon père (François Pinault, fondateur de l'ex-PPR, ndlr) me dire que quelle que soit sa taille, une entreprise doit se donner une mission qui dépasse les objectifs de résultats financiers. Il s'agit de faire partie ou non de la société dans laquelle vous souhaitez faire des affaires".
Il estime par ailleurs que luxe et écologie peuvent faire très bon ménage : "Le désir est court-termiste, le rêve s'inscrit dans le temps long. La "fast fashion" s'adresse aux désirs, le luxe parle aux rêves. Vous ne pouvez pas faire rêver les gens si vous les trompez avec des produits qui sont un cauchemar en coulisses".
Le businessman français de 53 ans reconnaît que convaincre tous les dirigeants de ses différentes marques n'a pas toujours été aisé. Pour les challenger, le PDG a d'ailleurs conditionné une partie des primes des chefs de marques à leurs progrès en matière de durabilité.
D'autres ont été de véritables sources d'inspiration, des moteurs dans cette voie. Comme la créatrice Stella McCartney, fondatrice de la marque éponyme et écologiste revendiquée, qui n'utilise dans ses collections aucune matière animale. Ni cuir, ni fourrure, ni peau, ni plumes. Ou comme Jochen Zeitz, le dirigeant de la marque Puma, rachetée en 2007.
Avec l'aide d'administrateurs, ils ont mis en place un modèle mathématique permettant de tenir compte du coût des engagements écologiques pour avancer à petit pas, tout en garantissant la santé financière du groupe. Car il faut bien rester pragmatique. "Nous ne sommes pas une ONG, nous sommes une entreprise qui a besoin de trouver des solutions viables économiquement", rappelle en conclusion le mari de Salma Hayek. Ainsi quand le groupe investit dans ses propres fermes de python, c'est pour s'assurer du respect de ses standards éthiques, certes. Mais aussi pour garantir son approvisionnement en peaux de serpents qui, exploitées par d'autres de manière intensive, risquent de devenir une espèce protégée.