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Krach boursier et scandale éthique... Le fonds souverain norvégien en zone de turbulences

Nicolai Tangen, en haut, Yngve Slyngstad, en bas

Nicolai Tangen, en haut, Yngve Slyngstad, en bas - OLE BERG-RUSTEN / NTB SCANPIX / AFP

En un seul trimestre, le fond souverain norvégien a vu sa valeur diminuer de 1.171 milliards de couronnes, soit plus de 100 milliards d'euros. Et désormais, c'est la nomination du futur patron qui fait débat.

En norvégien, cela s'écrit "etikk". Pas besoin de traduction pour comprendre une des principales règles d'or du Statens pensjonsfond Utland, généralement résumé, en français, au "fond souverain norvégien". Un autre surnom: le fonds souverain le plus puissant du monde. Créé en 1990 pour réinvestir la rente pétrolière du pays, le fonds est devenu la poule aux œufs du pays. Avant le krach, l'encours a atteint 10.088 milliards de couronnes, soit 1.075 milliards de dollars à la fin 2019, après une année historique.

Mais cela, c'était avant le krach qui l'a en partie déplumé : 15% de sa valeur soit 100 milliards d'euros, le temps de quelques semaines apocalyptiques sur les marchés. "C'est une période spéciale pour la société, c'est une période spéciale pour l'économie, et c'est aussi une période spéciale pour les marchés financiers mondiaux", avait commenté, le mois dernier, le patron du fonds Yngve Slyngstad.

La Banque de Norvège, qui chapeaute le fonds, en avait profité pour présenter son successeur, Nicolai Tangen, qui prendrait donc la suite de Slyngstad après 12 ans de service. Il devait prendre la relève au mois de septembre prochain.

Règles éthiques

C'est ici que le mot "etikk" revient comme un boomerang. En bon pays scandinave, la Norvège est tiraillée entre son industrie pétrolière et les critiques virulentes qui la visent dans le pays. Une des manières de concilier les deux a été de fixer des règles éthiques pour gérer le fonds souverain le plus important du monde. Un certain nombre d'entreprises sont ainsi exclues pour diverses raisons: Airbus pour ses activités dans les armes nucléaires, Philip Morris comme producteur de tabac ou encore Rio Tinto pour ses dégâts environnementaux.

Mais l'éthique est au cœur d'un scandale qui bouscule le fonds depuis le weekend dernier. Son patron Yngve Slyngstad s'est ainsi rendu aux Etats-Unis, en novembre dernier, pour donner une conférence lors d'un séminaire organisé par Nicolai Tangen, celui qui sera ensuite nommé comme son successeur. Problème: il n'a pas utilisé un vol traditionnel, payé par la Banque de Norvège, pour revenir à Oslo mais un vol direct affrété par Tangen, accessoirement multimillionnaire.

Doutes sur ses liens avec Tangen

"C'est la première fois que je fais autre chose que des vols réguliers couverts par la Norges Bank" a déclaré Yngve Slyngstad. "Bien sûr, j'aurais dû prendre le train pour New York et un vol de retour prévu". 

Ce scandale norvégien porte à la fois le discrédit sur Slyngstad, qui n'a pas respecté les règles d'éthique mais il pourrait aussi coûter le poste de son successeur. Car si le premier n'a pas participé à la nomination du second, les liens étroits entre la finance et la haute-fonction publique en Norvège font peser un doute certain sur l'influence de Slyngstad dans cette affaire.

D'ores et déjà, la Banque de Norvège a annoncé au Financial Times une réunion extraordinaire, mardi, pour vérifier si la nomination de Nicolai Tangen était bien le fruit d'un processus clair et respectant les règles.

Thomas Leroy