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EPR de Flammanville: une "anomalie de fabrication sérieuse, voire très sérieuse"

Un des composants majeurs de l'EPR de Flamanville, la cuve du réacteur, contient une anomalie très sérieuse.

Un des composants majeurs de l'EPR de Flamanville, la cuve du réacteur, contient une anomalie très sérieuse. - CHARLY TRIBALLEAU - AFP

L'Autorité de sûreté nucléaire a qualifié l'anomalie détectée la semaine dernière sur la cuve de l'EPR de Flamanville de "sérieuse, voire très sérieuse". Les EPR chinois pourraient aussi être concernés.

Le problème détecté sur une cuve de l'EPR de Flammanville, la semaine dernière est important, selon le président de l'autorité de sûreté nucléaire. Il évoque une "anomalie de fabrication sérieuse, voire très sérieuse". La semaine dernière, cette autorité administrative indépendante a annoncé qu'une "anomalie" avait été détectée dans la composition de l'acier du couvercle et du fond de la cuve de ce réacteur nucléaire de troisième génération construit par EDF et Areva.

"C'est une anomalie de fabrication que je qualifierais de sérieuse, voire très sérieuse, qui de plus touche un composant crucial, la cuve. Autant dire que nous y prêterons toute notre attention", a déclaré Pierre-Franck Chevet devant des députés et des sénateurs.

Le groupe Areva, fabricant de la cuve, doit proposer des essais complémentaires "pour apprécier l'importance de l'anomalie, essayer de la qualifier et de voir quels impacts elle a potentiellement sur la sûreté", a-t-il souligné. Cela représente "un très gros travail de plusieurs mois" pour constituer un dossier.

Une résistance moins forte que prévu

"In fine, il ne faudra pas qu'on ait une appréciation positive sur le sujet si on veut pouvoir démarrer, il faudra qu'on ait une conviction forte, une quasi-certitude", a déclaré Pierre-Franck Chevet. "Il est totalement exclu qu'une cuve puisse rompre, elle doit être conçue pour exclure la rupture", a-t-il pointé.

Pour prendre sa décision, l'ASN s'appuiera sur son équipe de spécialistes, sur les experts de l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire). Pierre-Franck Chevet n'exclut pas d'avoir également recours à des experts étrangers. "Je ne préjuge pas de la décision qui sera prise d'aucune manière, compte tenu de l'importance de l'anomalie", a souligné Pierre-Franck Chevet.

En réalisant des essais, Areva s'est aperçue que dans certaines zones de la cuve, les valeurs de résilience (capacité du matériau à absorber un choc) s'avéraient plus basses que demandé aux équipements sous pression nucléaire. Un défaut qu'on pourrait du coup retrouver sur les quatre EPR en construction à travers le monde?

Les cuves des EPR chinois construits de la même façon

Ce pourrait être le cas en Chine, où deux EPR sont actuellement en construction à Taishan. "Certaines calottes des cuves des réacteurs de Taishan 1 et 2 ont été fabriquées par Creusot Forge, filiale d'Areva, selon un procédé similaire à celui de la cuve de l'EPR de Flamanville", a précisé l'ASN.

Pour l'organisation Greenpeace, l'anomalie détectée par l'ASN pourrait donc condamner également les deux autres EPR en chantier en Chine, lesquels sont construits sous l'égide d'EDF et du chinois CGN. Une perspective que semble écarter le gendarme chinois du nucléaire, alors que les EPR de Taishan semblaient parés pour entrer en service avant même celui de Flamanville.

La "qualité" des réacteurs conçu par Areva est "sous contrôle", mais "une évaluation" pour déceler d'éventuels problèmes sera menée, a indiqué le régulateur chinois. "Globalement, le système de garantie à Taishan fonctionne de manière efficace. La qualité de la construction est sous contrôle", a assuré Tang Bo, un responsable de l'Administration chinoise de sûreté nucléaire. Pour autant, les autorités ont demandé "à ce que soit conduite rapidement une analyse et une évaluation des éventuels problèmes sur le site", a-t-il ajouté, selon des propos rapportés par l'agence étatique Chine nouvelle.

Le 1er marché du nucléaire civil

"Nous restons en contact étroit avec l'ASN sur les solutions à apporter aux questions techniques", a simplement souligné Tang Bo. Pékin "n'approuvera pas le chargement du combustible dans les unités de Taishan avant que les questions relatives aux équipements soient complètement résolues", poursuivait néanmoins Chine nouvelle.

La Chine, premier marché pour le nucléaire civil, compte 23 réacteurs actuellement en construction, soit un tiers des réacteurs en chantier dans le monde, selon la World Nuclear Association (WNA). Le pays représente 15% du chiffre d'affaires d'Areva, qui y a noué comme EDF d'étroites coopérations avec les géants locaux du secteur, CNNC et CGN.

Mais la concurrence est rude pour les groupes français sur ce marché en plein essor, où sont également implantés l'américain Westinghouse, associé au japonais Toshiba, ou encore le russe Rosatom, tandis que Pékin accélère le développement de ses propres technologies.

N.G. avec AFP