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L'Etat réfléchit à accueillir Jacques Veyrat chez Engie

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- - ERIC PIERMONT / AFP

L’Etat prépare sa sortie et cherche de nouveaux actionnaires. L’ancien propriétaire de Direct Energie serait prêt à vendre son entreprise Neoen, spécialisée dans les énergies renouvelables, en échange d'une entrée au capital d'Engie.

L’Etat ne sait pas quoi faire avec Engie. Depuis un an, dans le secret des bureaux des hauts fonctionnaires, Bercy planche sur l’avenir d’Engie, l’ancien Gaz de France. Dans quelques semaines, le gouvernement promulguera la loi Pacte qui permettra une totale privatisation de l’entreprise. D’abord, l’Etat actionnaire n’aura plus aucune obligation et pourra vendre ses 24% du capital. Ensuite, Engie pourra aussi vendre les réseaux de gaz de sa filiale GRT Gaz. Deux dispositions majeures qui poussent ses dirigeants à préparer la suite.

L’Etat n’a plus vocation à rester chez Engie. Sauf qu’il n’abandonnera pas d’un coup l’ancien Gaz de France. « Son désengagement se fera par étapes, explique un proche du groupe. En parallèle, il faut trouver de nouveaux investisseurs stables ». D’ici un an, l’Etat pourrait descendre autour de 15% du capital même si le cours de Bourse d’Engie stagne et n’encourage pas à vendre.

Vendre Neoen à Engie

L’an passé, l’Etat a bien testé l’appétit de Total. Mais son PDG, Patrick Pouyanné, n’avait pas envie de reprendre les centrales nucléaires d’Engie en Belgique. Le tchèque Daniel Kretinsky a caressé l’idée d’entrer chez Engie avec l’aide de Total. Mais le nouvel actionnaire du Monde, qui va aussi racheter la filiale française d’Uniper, n’a pas bonne presse. L’Etat souhaiterait qu’Engie soit ancré à un actionnaire français, stable et si possible un industriel de l’énergie.

Un mouton à cinq pattes difficile à trouver dans un secteur dominé par trois mastodontes : EDF, Total et Engie. Mais au milieu s’agite Jacques Veyrat, patron du fonds Impala, qui se développe dans l’énergie depuis dix ans. L’an passé, il a vendu le fournisseur d’électricité et de gaz Direct Energie à Total pour 2 milliards d’euros. Et il vient d’introduire en Bourse le leader français des énergies renouvelables, Neoen. Depuis quelques mois, il s’intéresse de près à Engie et cherche à en devenir actionnaire. Selon les informations de BFM Business, l’Etat a pris contact avec l’entourage de Jacques Veyrat pour étudier son projet. Selon plusieurs sources, son objectif serait d’entrer au capital d’Engie dans le cadre d’une opération stratégique avec Neoen. Une option d’autant plus crédible que l’énergéticien a déjà tenté à deux reprises de racheter l’entreprise l’an passé. Contacté, l’intéressé n’a pas souhaité nous répondre. Bercy n'a pas souhaité faire de commentaire.

Près de 10% du capital

Si Engie rachetait Neoen, Jacques Veyrat pourrait ainsi se faire payer en actions Engie et en devenir actionnaire à hauteur de 3% pour ensuite monter facilement jusqu’à 6%. « Il a plutôt intérêt à attendre un peu le temps que Neoen grossisse » estime l’un de ses proches. Son plan d’affaires prévoit que la taille de son parc solaire et éolien doublera d’ici 2021 à 5 gigawatts. L’entreprise pourrait ainsi valoir entre 3 et 4 milliards d’euros en Bourse et avec 50% du capital, Jacques Veyrat pourrait ainsi espérer prendre 6% ou 7% d’Engie et monter ensuite à près de 10%. Une participation suffisante pour siéger au conseil d’administration, peser sur la stratégie du groupe. Selon nos informations, l’idée semble séduire l’Elysée mais moins Bercy qui temporise. Elle permettrait toutefois d’empêcher l’entrée d’un investisseur non désiré.

Car, en réalité, l’Etat actionnaire craint qu’un fonds activiste déboule chez Engie. Depuis deux ans, des banquiers planchent sur des scénarios de scission du groupe qui font saliver les financiers. « Si le groupe était découpé en trois : les réseaux, les services à l’énergie et la production d’électricité, il vaudrait deux fois plus qu’aujourd’hui !, explique un banquier. Sans oublier la part dans Suez ». Un scénario qui semble de toutes façons inévitable pour beaucoup de spécialistes du secteur à l’image de ce qu’ont réalisé les allemands RWE et E.On.

La scission des gazoducs

La loi Pacte va aussi permettra à Engie de se désengager de l’ensemble de ses activités de réseaux. De ses gazoducs (GRT Gaz) au transport de gaz liquéfié (Elengy) en passant par le stockage de gaz (Storengy). D’ici quelques années, Engie n’en détiendra plus que 25%. Un rapprochement avec le réseau de gazoducs allemand, OGE, est souvent évoqué. La scission du groupe permettrait, selon les analystes, de faire augmenter le cours de Bourse de 25% à 30%.

Reste qu’Engie cherche aussi des investisseurs financiers de long terme pour stabiliser son actionnariat. Quelques options circulent comme des fonds souverains, un de Singapour, ou des fonds de pension canadien. Le plus cité est la Caisse de dépôt et du placement du Québec (CDPQ). Le fonds canadien est bien connu du groupe français. Ils viennent de reprendre ensemble les gazoducs du brésilien Petrobras pour 8,6 milliards de dollars. Il y a deux ans, CDPQ a aussi racheté avec Suez, filiale d’Engie, GE Water, branche spécialisée dans l’eau de General Electric. Le fonds québécois souhaite investir 50 milliards de dollars d’ici trois ans dans le secteur de l’énergie dans le monde.