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La colossale et mystérieuse perte financière d’Uber

Comment s'explique une perte de 1 milliard de dollars? S'agit-il des moyens mis en oeuvre pour pénétrer les marchés chinois et indien ou est-ce pour financer les projets de voitures sans chauffeur? Certainement les deux.

Comment s'explique une perte de 1 milliard de dollars? S'agit-il des moyens mis en oeuvre pour pénétrer les marchés chinois et indien ou est-ce pour financer les projets de voitures sans chauffeur? Certainement les deux. - Greg Baker - AFP

Au cours du premier semestre 2015, Uber aurait perdu 1 milliard de dollars, soit une fois et demi son chiffre d’affaires. Cette somme aurait pu être utilisée pour permettre au groupe d’entrer sur les marchés chinois et indien et, surtout, pour financer la recherche dans les voitures sans chauffeur.

La réussite d’Uber donne des maux de tête à ses concurrents, mais les chiffres affichés par le groupe américain donnent le tournis à ceux qui s’y penchent. Selon "des documents confidentiels émis en interne et non audités" que le site The Information s’est procurés, le groupe de Travis Kalanick aurait perdu près d’un milliard de dollars en 2015. Pas sur 12 mois, mais sur un seul semestre.

En 6 mois, selon le site américain, les pertes représenteraient 50% de plus que sur l'ensemble de 2014, où elles s'élevaient à 671,4 milliards de dollars. Ce nouveau milliard perdu équivaut aussi à une fois et demi son chiffre d’affaires. À combien le montant va-t-il s’élever sur l’ensemble de l’année? C’est encore un mystère. D’autant que cette situation ne décourage pas de puissants investisseurs du monde entier, l’Indien Tata, l'Américain Goldman Sachs ou le Chinois Baidu, d’appuyer le groupe.

Cette perte n’est pas seulement considérable. Elle est aussi mystérieuse. Comment un groupe qui a construit sa technologie depuis 2012 et qui, depuis 2014, a réalisé huit levées de fonds pour un montant total de 5,7 milliards de dollars arrive-t-il encore à perdre une telle somme? La société n’a pas voulu donner de détails et rappelle qu’elle ne commente ni ne publie de données financières.

L'offensive de la voiture sans chauffeur se prépare

Pour The Information, ces pertes "sont à l’image des dépenses réalisées en Chine et en Inde", des pays dans lesquels il faut investir lourdement pour pouvoir s'installer. Et pour pénétrer ces marchés où la concurrence est très puissante, notamment en Chine avec Didi Kuaidi, les dépenses en marketing, en publicité et certainement en lobbying ont explosé. Ont-elles été conséquentes au point d’alourdir les pertes d’une somme pareille en seulement six mois?

Les projets d’Uber dans la voiture autonome pourraient également expliquer un montant aussi exorbitant. Car pour se lancer sur ce marché, il ne suffit pas de développer un logiciel. Il faut investir dans des usines, des outils de production, de la logistique et, surtout, recruter en masse pour produire des voitures sans chauffeur. L’enjeu est stratégique et Uber ne va pas attendre que Tesla, Google ou d’autres prennent le marché avant lui.

En février 2015, le groupe s’est lancé dans un programme pour créer les voitures du futur à Pittsburgh (Pennsylvanie). Pour piloter ce centre de recherche avancée, Uber a recruté Brian McClendon, l’ancien vice-président de l’ingénierie de Google. Les travaux semblent avancer puisque quelques mois plus tard, des passants ont vu et photographié des voitures portant le logo Uber avec, sur le toit, des appareils plutôt inhabituels. Uber n’a jamais donné d’explication sur ces technologies.

Le groupe a-t-il l’intention de se passer des chauffeurs dès que possible? C’est ce que pense Bill Gates. Dans un entretien donné au Financial Times en juin dernier, le fondateur de Microsoft estimait que la bataille avec les professionnels du transport n’était que le début d’une révolution bien plus grande: celle de la voiture robot. Et pour devenir le leader de cette industrie, ni Uber, ni ses investisseurs ne lésinent sur la dépense pour arriver avant Google, Apple, Tesla ou Lyft.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco