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La Deutsche Bank décapitée: une bonne nouvelle pour les Allemands

Les deux co-directeurs de Deutsche Bank ne laisseront pas un bilan mémorable derrière eux

Les deux co-directeurs de Deutsche Bank ne laisseront pas un bilan mémorable derrière eux - Daniel Roland - AFP

L'annonce surprise de la démission des co-dirigeants de la première banque allemande a été saluée par les marchés et les politiques. Les errements stratégiques et la réputation entachée de Deutsche Bank nécessitaient un électrochoc.

Deutsche Bank. Le simple nom de l'établissement symbolise à lui seul l'économie allemande. La première banque du pays a annoncé dimanche le départ de ses deux co-directeurs généraux, l'Indo-britannique Anshu Jain et l'Allemand Jürgen Fitschen, qui seront remplacés en 2016 par John Cryan.

Un coup de tonnerre au sein de l'une des plus puissantes institutions financières au monde. Ou plutôt un électrochoc, tant le tandem qui avait la lourde de tâche de succéder à l'emblématique Josef Ackermann à l'été 2012 a déçu.

"Ca ne peut qu'aller mieux"

Ce lundi matin, la presse allemande est unanime. "Il n'y a pas de doute: le duo a échoué", écrit Der Spiegel, tandis que le Handelsblatt titre son éditorial par "ça ne peut qu'aller mieux".

Les politiques font part de leur soulagement. "Il était nécessaire de changer le personnel à la tête de Deutsche Bank pour regagner la crédibilité perdue et remettre la banque sur les bons rails", affirme ainsi le député SPD (socialistes) Carsten Schneider. Dans les rangs de la CDU d'Angela Merkel, le député Hans Michelbach salue lui une décision qui donne "un signal international".

Enfin, les marchés ne s'y trompent pas. Le titre Deutsche Bank gagnait 5,6% à la mi-séance, seul valeur dans le vert d'une Bourse de Francfort en baisse (-0,68%).

La stratégie en cause

Pourquoi toute l'Allemagne pousse-t-elle un ouf de soulagement? Gabriella Serres, analyste crédit chez Aurel BGC évoque la stratégie. "Depuis des années Deutsche Bank a souffert de résultats volatiles. Ils n'ont pas réussi à maintenir de base stable, il y a ainsi eu une certaine inertie de leur part sur ce sujet", considère-t-elle.

En témoigne: les performances de la banque, qui a alterné le bon et le très mauvais selon les trimestres. L'analyste rappelle par ailleurs que le plan stratégique dévoilé en avril dernier par Jürgen Fitschen et Anshu Jain n'avait guère convaincu. D'ailleurs un joli carton jaune avait été décerné quelques semaines plus tard aux deux patrons, lorsque les actionnaires ne leur avaient apporté leur soutien qu'à 61%, (la norme étant plutôt de 90%) en assemblée générale, le 21 mai dernier.

6.000 litiges

Plus globalement, "la stratégie des deux co-directeurs généraux axée sur la banque d'investissement n'était pas populaire en Allemagne. Les régulateurs sont notamment sceptiques et avec les nouvelles réglementations européennes, les performances de Deutsche Bank seraient encore plus mauvaises (sur ces activités, ndlr)", analyse Dirk Becker, analyste chez Kepler Cheuvreux.

Surtout, le tandem Jain-Fitschen a vu son mandat marqué par les litiges. Libor, Euribor, subprimes, transactions avec l'Iran... "Ils étaient dans tous les mauvais dossier", résume Gabriella Serres. "Les deux patrons auraient pu faire preuve de davantage de communication, de transparence et de réactivité. Cette accumulation a pu jeter des doutes sur le suivi des risques et sur la structure du contrôle interne", ajoute-t-elle.

Sur la période 2010-2014, Deutsche Bank a dû mettre en provision pas moins de 14,3 milliards d'euros pour charges et frais juridiques, indique Der Spiegel. Encore aujourd'hui la banque est aux prises avec environ 6.000 litiges.

Un changement radical?

La banque se tourne désormais vers l'avenir avec John Cryan, appelé à prendre seuls les commandes en 2016. Déjà membre du conseil de surveillance de la banque depuis 2013, ce Britannique de 54 ans est en quelque sorte un recrutement extérieur. Il a en effet fait l'essentiel de ses gammes chez UBS où il a gravi les échelons jusqu'à être directeur financier.

"C'est une vraie rupture avec Anshu Jain qui était un pur produit de Deutsche Bank. Ce changement radical vise à rassurer les investisseurs", souligne Gabriella Serres.

Mais il n'y a pas que le nom qui devrait changer, selon Dirk Becker. Officiellement, John Cryan va garder la feuille de routes de ses prédécesseurs. Officieusement la donne devrait être différente. 

"L'annonce de la démission des deux patrons a été faite dans l'urgence. Cela signifie que quelque chose s'est produit. Et les attentes des marchés sont importantes. Le nouveau patron devrait ainsi faire certains amendements sur la stratégie", explique Dirk Becker.

Selon lui, Deutsche Bank pourrait se recentrer sur les activités de marché qu'elle maîtrise le mieux, notamment le fixed income (les activités obligataires). Et tirer un trait sur l'expérience Jain-Fitschen qui s'est davantage révélé être une hydre à deux têtes qu'autre chose.