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La reconquête du marché automobile iranien s'annonce très longue

La Tondar est un modèle emblématique de la stratégie de Renault en Iran. Mais en 2016, le constructeur français devra proposer des modèles identiques à ceux vendus en Europe s'il veut séduire les Iraniens.

La Tondar est un modèle emblématique de la stratégie de Renault en Iran. Mais en 2016, le constructeur français devra proposer des modèles identiques à ceux vendus en Europe s'il veut séduire les Iraniens. - Kaveh SEYEDAHMADIAN - Renault

"L’accord conclu en janvier ouvre de nouveau le marché iranien aux Occidentaux. Mais la reconstruction du secteur automobile iranien prendra au moins dix ans, selon les prévisions du cabinet IHS. Sur le terrain, le démarrage est très lent."

L’Iran est le nouvel eldorado des constructeurs automobiles. Avec un marché d’environ 80 millions d’habitants, toutes les classes sociales en demande et dix ans de consommation (voire plus) à rattraper, le pays suscite de grandes attentes, notamment auprès des marques occidentales, Peugeot et Renault en tête. Mais la levée des sanctions ne signifie pas pour autant un démarrage sur les chapeaux de roues. "Le secteur automobile ne sera pas reconstruit avant 2025", assène Stéphanie Vigier, analyste principale IHS spécialisée dans la production automobile.

Des sanctions levées uniquement sur le papier

"Les sanctions ne sont levées qu’au fur et à mesure, sur le papier, et sur le terrain, cette levée reste très minime", poursuit Stéphanie Vigier. Exemple est donné avec les interdictions touchant les secteurs des banques et assurances. Le système de transaction bancaire internationale Swift avait été suspendu du jour au lendemain en mars 2012. Il est aujourd’hui rétabli, enfin, officiellement. Car dans les faits, il est encore très compliqué, voire presque impossible de payer des biens, donc d’effectuer des transferts vers l’Iran.

S’ils ont annoncé en grande pompe leurs retours, les constructeurs que nous avons contactés se font depuis discrets et refusent tout commentaire sur la situation actuelle. Pendant ce temps, d’autres marquent des points. Les constructeurs chinois ont ainsi profité des quatre années de fermeture du marché et de départ des Occidentaux. Ils n’ont jamais été assujetti aux sanctions, ni utilisé le système de transaction bancaire Swift. Leur présence dans le pays a progressé, même si elle reste encore marginale avec quelques milliers d’unités de petits camions sur une production globale en 2015 de 955.0000 véhicules.

Reconstruire des sites de production

"Tout est trouble", commente donc Stéphanie Vigier. Et mi-mars, la reconstruction des lignes de production et la formation des salariés avancent au ralenti. L’Iran dispose de nombreux sites d’assemblage, situés pour la plupart autour de Téhéran. Le gouvernement souhaite désormais sortir les usines de la banlieue de la capitale, ce qui oblige les constructeurs à prévoir d’importants coûts d’implantation dans leurs négociations avec leurs partenaires iraniens, Iran Khodro ou Saipa.

"De surcroît, la plupart des fournisseurs ont fait banqueroute, ils n’ont notamment pas survécu au changement de monnaie qui a fortement renchéri le coût des métaux, ajoute Stéphanie Vigier. C’était donc devenu trop cher de construire certaines voitures, comme de conserver certaines usines".

De nouveaux modèles

Construire les usines n’est pas le seul problème des constructeurs. "Les Iraniens ne veulent plus des anciens modèles, les 205, les 406. Ils veulent les mêmes nouveautés qu’en Europe", explique Stéphanie Vigier. En septembre, une grande campagne avait ainsi été lancée par des citoyens contre la Tondar, une copie locale de la Dacia Logan, car elle était jugée trop dangereuse. Et si les ventes de 205 et 406 ont bondi quelques mois plus tard, c’est uniquement grâce à une prime d’Etat pour vider les stocks des concessionnaires.

Le marché iranien ne compte selon l’OICA (Organisation Internationale des Constructeurs Automobiles) que 11,98 millions de voitures en circulation. Les constructeurs français, Volkswagen, mais aussi Mercedes sont donc sur les rangs pour produire dans le pays et conquérir de nouveaux marchés. "Le gouvernement impose 20% minimum de pièces locales, ce pourcentage grimpera en 2020 à plus de 80%", explique Stéphanie Vigier.

Un calendrier souvent amendé

Mais personne ne croit vraiment à ce calendrier, car le gouvernement repousse régulièrement les échéances. La vente des 205 et 406 devait par exemple être interdite il y a plus d’un an et demi, mais les autorités ont constamment depuis décalé la date butoir, pourtant inscrite dans la loi. Selon les calculs d’IHS, la reconstruction d’un secteur automobile pérenne coûtera des millions de milliards d’euros d'ici 2025. Et elle se fera peut-être sans les Américains. Les Etats-Unis ont en effet imposé de nouvelles sanctions à l’Iran en janvier, qui bloquent pour le moment l’implantation des sociétés américaines.

Pauline Ducamp
https://twitter.com/PaulineDucamp Pauline Ducamp Rédactrice en chef adjointe web