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La recette bien huilée de Thermomix pour battre tous les records de vente

Avec 1,4 million d'exemplaires vendus en 2016, dont 280.000 rien qu'en France, ce robot cuiseur de marque allemande mais fabriqué en France écrase la concurrence. Et ce malgré son prix de 1.140 euros et l'impossibilité de l'acheter en magasin ou en ligne.

C'est un pied de nez aux règles classiques du marketing. Pour vendre un produit il faut que son prix soit attractif et qu'on puisse l'acheter facilement en boutique ou sur internet. Tout l'inverse du Thermomix. Ce robot cuiseur de la marque allemande Vorwerk fait un carton et ce malgré son prix très élevé (plus de 1.100 euros) et son système de vente compliqué (il ne se vend qu'à l'issue de réunions de démonstration organisées chez des particuliers).

Des contraintes qui ne refroidissent pas les amateurs de cuisine. Le Thermomix de Vorwerk bat chaque année des records de vente. Après avoir écoulé un million d'exemplaires dans le monde en 2015, la marque allemande en a vendu, selon nos informations, près de 1,4 million l'année dernière. Et la France, le deuxième marché de la planète pour ce robot, n'échappe pas à la Thermomix-mania. La filiale française vient de boucler une année record avec plus de 280.000 machines vendues dans l'Hexagone. Vorwerk France a ainsi multiplié son chiffre d'affaires par plus de 5 depuis 2009. En 2016, la filiale hexagonale devrait dépasser les 300 millions d'euros de vente (90% réalisé avec le Thermomix, 10% avec les aspirateurs Kobold).

Un succès qui fait bouillir la concurrence reléguée à des années lumière. Le marché des robots cuiseurs a représenté en 2015 en France un peu plus de 70 millions d'euros dans les circuits traditionnels de la grande distribution selon le Gifam (Organisation fédératrice de l’industrie des appareils ménagers et de thermique électrique). Sur la même période, les ventes de Thermomix ont frôlé les 250 millions d'euros, soit 3,5 fois plus! 

Comment expliquer un tel engouement? Il y a d'abord l'attrait des consommateurs pour le fait-maison, une tendance qui ne se dément pas depuis quelques années. "Les Français se soucient de la qualité des produits qu’ils consomment, explique Damien Chicaud, le directeur des statistiques et études du Gifam. Et il y a l’envie d'obtenir des résultats professionnels à la maison, une tendance qui gagne beaucoup de catégories de produits, et pas uniquement la préparation culinaire (en beauté, coiffure, etc.). Les consommateurs souhaitent monter en gamme dans beaucoup de domaines (ex: succès des machines à café expresso, épilateurs à lumière pulsée, tireuses à bière)." 

Voilà pour le marché dans sa globalité. Mais pourquoi le Thermomix écrase à ce point la concurrence? Il y a d'abord l'antériorité. L'appareil de l'allemand a été lancé sur le marché en 1971 quand les concurrents comme Kitchenaid, Kenwood ou Magimix n'ont qu'une poignée d'années d'existence. "Or, comme le fait remarquer le responsable électroménager d'un grand distributeur, comme il s'agit d'appareils qui coûtent plus de 1.000 euros, les clients font confiance aux marques qu'ils connaissent, aux produits qu'ils ont vu chez leurs amis et famille." 

Une organisation quasi-militaire

La notoriété donc mais aussi le système de vente. Ce qui pourrait apparaître comme une contrainte (ne pas trouver le produit dans un magasin, ne pas pouvoir l'acheter même sur le site de Vorwerk) s'avère au final être un avantage concurrentiel. "On est à contre-courant de ce qui passe sur le marché, reconnaît Bertrand Lengaigne, le directeur de la marque Thermomix en France. On s'inscrit dans un mode relationnel unique avec nos clients, chacun a un suivi particulier. Nous voulons que chaque personne qui nous achète sache parfaitement utiliser le produit, d'où les réunions."

Baptisé TM5, le dernier modèle de Thermomix sorti en 2014 peut se connecter au web pour recevoir des recettes grâce à une clé USB.
Baptisé TM5, le dernier modèle de Thermomix sorti en 2014 peut se connecter au web pour recevoir des recettes grâce à une clé USB. © Thermomix

Car attention, si Thermomix casse les codes de la vente classique, c'est une redoutable machine commerciale. La société compte en France 60 agences réparties sur le territoire. Les directeurs d'agence chapeautent eux mêmes 430 responsables de secteurs qui eux-mêmes coordonnent les 8.000 conseillers de terrains (90% de femmes). Une organisation quasi-militaire. Et ce sont ces 8.000 conseillers qui constituent la force de vente du groupe. Il s'agit pour la plupart d'indépendants (seuls 10% sont des salariés de Vorwerk) constitués de clients qui ont déjà acheté un robot et qui veulent arrondir leurs fins de mois en touchant une prime sur chaque vente effectuée (aux alentours de 10% du prix de vente). Selon Vorwerk il y a 3 typologies de conseillers:

-ceux qui font quelques journées dans le mois et qui gagnent entre 300 et 600 euros.

-ceux qui font ça à mi-temps (10-15 heures par semaine) et qui touchent en moyenne de 500 à 1.000 euros.

-et ceux qui l'exercent à plein temps et qui touchent de 1.500 à 3.000 euros.

"Un petit côté secte"

Des conseillers très encadrés par la firme (ils sont réunis tous les mois dans les directions régionales) et qui ont droit à 390 heures de formation par an. "Ce sont des experts du Thermomix, explique Bertrand Lengaigne. Ils doivent savoir tout faire avec l'appareil pour convaincre le client." C'est cet accent mis sur la formation depuis quelques années qui explique les résultats faramineux de la firme en France. "Il fallait en moyenne 3 démonstrations en 2006 pour réaliser une vente à un conseiller, il en faut aujourd'hui 1,5", confie la direction de Vorwerk France.

Ces réunions de démonstration sont le nerf de la guerre de Thermomix. En 2016, ce sont 420.000 réunions qui ont été organisées en France, soit 1.150 par jour en moyenne! Ce sont la plupart du temps des nouveaux clients qui invitent des amis sur sollicitation d'un conseiller. Ce dernier arrive alors avec son Thermomix et se lance dans des recettes décidées 15 jours à l'avance avec l'organisateur. Soupe, sauce, risotto, dessert, le conseiller essaie de montrer l'étendue des capacités de l'appareil. Une démo efficace qui peut en rebuter certains. "Il y a un petit côté secte, explique Véronique, peu adepte de ce type de réunions mais qui a néanmoins craqué pour le dernier modèle TM-5 en 2016. Il y a une espèce d'enthousiasme surjoué avec une conseillère qui paraissait illuminée qui nous parlait aussi beaucoup de l'argent qu'on pourrait se faire en devenant conseillère à notre tour."

Car le turn-over est important chez les conseillers Thermomix. "Quand ils ont vendu assez de robots pour rembourser le leur, ils arrêtent souvent", explique Caroline qui a un temps fait partie du circuit. En 2016, ce sont aux alentours de 4.000 personnes qui ont cessé l'activité. "Mais nous en avons recruté 5.000, plus de 400 chaque mois, confie Bertrand Lengaigne. Notre ratio est toujours largement positif." Les amateurs de cuisine disent rarement non lorsqu'il s'agit de mettre un peu de beurre dans les épinards. 

Thermomix, une marque allemande mais une invention française

Bien que la société Vorwerk soit implantée à Düsseldorf, c'est bien en France qu'est né le Thermomix. Dans les années 60, un ingénieur français dépose un brevet pour un robot mixeur capable de cuire. Le premier dans son genre. La société allemande -déjà implantée en France avec sa marque d'aspirateurs Kobold- est emballée par l'idée et rachète le brevet. Dans la foulée, elle met la main sur une usine Thomson qui fabriquait du petit ­électroménager à Cloyes-sur-le-Loir (entre Chartres et Le Mans) et commence la production. Le premier modèle -le VKM5- sort en 1971 et depuis 8 modèles ont été lancés dont le tout dernier connectable le TM5 en 2014. Un vrai produit "made in France" puisque jusqu'à il y a quelques mois, la totalité des modèles étaient fabriqués dans l'usine historique de Cloyes-sur-le-Loir. Depuis la firme allemande a ouvert une ligne de production outre-Rhin à Wuppertal pour faire face à la demande croissante.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco