BFM Business
Transports

La riposte d'Airbus face à Elon Musk

La technologie  "Adeline"

La technologie "Adeline" - Djallal Mati - AFP

Le groupe européen d'aéronautique a présenté vendredi 5 juin son concept de lanceurs spatiaux réutilisables. Un système qui s'affiche comme plus performant que la technologie de Space X.

Airbus trace sa propre voie. Le groupe européen a présenté vendredi 5 juin ses concepts de lanceurs spatiaux réutilisables, choisissant un système radicalement différent de celui de son concurrent américain Space X, et espère être prêt à l'horizon 2025-2030.

L'enjeu est considérable car il faut relever les défis technique et économique, alors que Space X, l'entreprise du milliardaire Elon Musk (également propriétaire du constructeur automobile Tesla), est déjà en train d'expérimenter son propre concept.

Adeline et Space Tugs

"Dans un lanceur, il y a un étage supérieur et un étage principal", explique François Auque, le directeur de la branche spatiale d'Airbus Defence and Space. Le principal propulse et guide la fusée dans la première partie de son voyage, le supérieur opère dans la deuxième partie.

"Si vous voulez explorer la réutilisation, vous avez deux voies: la réutilisation de l'étage supérieur et (celle) de l'étage principal". 

Partant de là, Airbus DS a développé deux concepts: Adeline pour la réutilisation de l'étage principal, et Space Tugs (remorqueur spatial, ndlr) pour celle de l'étage supérieur. Une équipe d'ingénieurs planchent sur le sujet dans le plus grand secret depuis 2010, dans un hangar du centre d'Airbus DS des Mureaux, en banlieue parisienne, façon start up.

L'équation est compliquée car la réutilisation du lanceur n'a de sens que si elle est moins coûteuse que le lancement classique, qui tire sa rentabilité des économies d'échelle qu'il induit. L'objectif est donc de récupérer les éléments les plus onéreux et les remettre en état de voler à un coût réduit.

"Pour la réutilisation de l'étage principal, on fait revenir les morceaux les plus coûteux et on essaie de faire en sorte que ce qui revient coûte beaucoup moins cher à remettre en état de vol que d'en faire de nouveaux", explique François Auque.

"Récupérer la baie propulsive et le moteur"

L'étage supérieur va lui "très, très loin (dans l'espace), et le faire revenir (sur Terre) est plus compliqué. L'idée est donc que l'étage supérieur ne revient pas, on le stocke sur un 'parking' dans l'espace" pour le réutiliser à partir de là. Aujourd'hui, l'étage supérieur d'un lanceur propulse le satellite en orbite et une fois la mission accomplie, il est placé sur une orbite cimetière ou est "désorbité".

Avec le Space Tugs, l'étage supérieur est positionné à quelques 1.000 km d'altitude, où il est ravitaillé par les lanceurs suivants en fluide propulseur et en satellites.

Adeline, pour "ADvanced Expendable Launcher with INnovative engine Economy", est plus original car il allie les technologies spatiales à celles de l'aéronautique, explique Hervé Gilibert, le directeur technique espace d'Airbus DS.

L'idée est de "récupérer la baie propulsive et le moteur", qui représentent 80% de la valeur du lanceur, en les protégeant avec un bouclier thermique lors du retour sur Terre, précise-t-il.

Adeline se présente comme un empennage situé à la base du lanceur, doté de petites ailes et de turbopropulseurs dont les hélices se déploient, son carburant dans les ailes, comme un avion.

Un système "peu contraignant"

Une fois sa mission accomplie, il se désolidarise du réservoir avant d'être piloté comme un drone pour se poser sur une piste d'atterrissage. Le principe est celui du "décollage vertical, atterrissage horizontal".

Une fois posé, on récupère la baie propulsive, l'assemble à un nouveau réservoir et l'ensemble peut repartir. Airbus vise une réutilisation de 10 ou 20 fois, voire plus, du moteur.

Selon Hervé Gilibert, le système est "peu contraignant", très flexible et a peu d'impact sur la performance opérationnelle, contrairement à SpaceX qui perd plus du tiers de la capacité de performance de son lanceur. Airbus estime à 2 tonnes la quantité d'ergol (carburant) nécessaire pour faire revenir son module, là où Space X a besoin de 40 tonnes avec un lanceur récupéré verticalement sur une barge en mer.

Au plan économique, Airbus vise des gains d'environ 30% sur le coût d'exploitation du lanceur, estimé à 70 millions de dollars pour Ariane 6.2, la version à deux boosters du futur lanceur.

Ces deux pistes sont indépendantes et adaptables à Ariane 6, souligne François Auque, mais ne seront opérationnelles qu'"après 2020, une fois qu'Ariane 6 volera". "2025 me paraît ambitieux", dit-il.

SpaceX n'attendra pas si longtemps pour mettre au point son système. D'où l'urgence d'avancer vite sur Ariane 6, prévient François Auque: "Aujourd'hui, notre feuille de route et notre priorité absolue, avec un objectif de voler en 2020, c'est Ariane 6".

J.M. avec AFP