BFM Business
Transports

La transition électrique, une période à haut risque pour l'industrie automobile

Les constructeurs automobiles sont contraints de se transformer rapidement pour s'adapter à la transition vers l'électrique. Des alliances et des défaillances ne sont pas à exclure dans les dix prochaines années.

Une "période darwinienne" s'ouvre pour les constructeurs automobiles. Ce sont les mots du patron du PSA, Carlos Tavares, qui ne cache pas ses inquiétudes face à la transition, à marche forcée, vers le véhicule électrique. Pour lutter contre la pollution, alors que l'automobile est régulièrement pointée du doigt, l'Europe comme la Chine poussent les constructeurs à transformer rapidement leur modèle en s'appuyant sur l'électrification de leurs véhicules. De quoi s'attendre à une forte instabilité dans l'industrie automobile pour la décennie à venir.

La transition énergétique automobile est en effet le défi des dix prochaines années. Electrification des gammes, investissement dans les infrastructures, adaptation des usages chez les consommateurs, tout est à construire et reconstruire pour les constructeurs. Le paysage du secteur automobile, à un moment charnière de son histoire, pourrait être bouleversé dans les années à venir. D'où les craintes "darwiniennes" de Carlos Tavares: pour le dirigeant du groupe français, l'amplitude des changements à mettre en œuvre est telle qu'il faut s'attendre à quelques défaillances dans l'automobile.

"Je ne doute qu'il va y avoir un certain nombre de tensions", a-t-il prévenu au micro de BFM Business. "Il faut que chacun s'adapte. Pas uniquement les entreprises […] mais également les citoyens. Ils ont voté une certaine direction. Cette direction, elle est tout à fait louable, elle est respectable. Nous sommes là pour servir cette intention. Maintenant, peut-être que les citoyens n'ont pas totalement compris l'ensemble des changements que leur vote porte implicitement. Et ils vont le découvrir au fur et à mesure que les choses vont se dérouler devant leurs yeux", assurait-il depuis le salon de Francfort.

Investissements colossaux

En Europe, les constructeurs devront en effet abaisser à 95 grammes de CO2 au kilomètre les émissions moyennes de la plupart de leurs voitures neuves dès l'année prochaine, contre environ 120 grammes aujourd'hui. Déjà chamboulés par les revers infligés au diesel, plus vertueux que l'essence sur le CO2 mais menacé par des interdictions de circulation dans un nombre croissant de villes du continent et progressivement délaissé par les acheteurs, ils devront maintenant s'atteler à produire massivement des véhicules électriques, plus onéreux.

Or, face aux nouvelles réglementations, les sommes à investir sont colossales. D'autant plus que les marges s'annoncent faibles, voire inexistantes, sur les véhicules électriques dont le cœur, la batterie, est acheté à des fournisseurs asiatiques. L'Union européenne vise une réduction, par rapport à 2021, de 15% des émissions de CO2 en 2025 pour les véhicules personnels et de 35% en 2030. Mais attendre cet objectif avec les nouvelles normes plus contraignantes demande une hausse massive du nombre de véhicules électriques, alors les acheteurs de véhicules neufs en sont encore peu demandeurs.

De quoi anticiper du mouvement dans le secteur automobile? Des regroupements ou des alliances de plus ou moins grande ampleur autour de projets ou de technologies ne sont pas à exclure, et semblent même certains, dans les prochaines années. Un rapprochement de PSA avec le groupe italo-américain Fiat-Chrysler avait été évoqué ces derniers mois – même si Renault a finalement pris la main. Carlos Tavares, lui, assure que le constructeur français est prêt pour 2020, aussi bien sur le plan de la technologie que sur celui de la rentabilité.

J. B. avec Antoine Larigaudrie et AFP