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La voiture neuve, produit de luxe réservé aux personnes âgées?

En France, 26% des acheteurs de voitures neuves ont plus de 66 ans en 2015

En France, 26% des acheteurs de voitures neuves ont plus de 66 ans en 2015 - Mychele Daniau - AFP

L'âge moyen d'un acheteur de voiture neuve atteint désormais 55,3 ans en France alors qu'il n'était que de 43,7 ans en 1991. Plus du quart des acquéreurs a aujourd'hui plus de 66 ans.

C'est l'étude qui inquiète le plus les constructeurs automobiles. À tel point d'ailleurs qu'ils avaient préféré ne pas la rendre publique. Baptisée New Car Buyer Survey, elle a été réalisée par un cabinet indépendant, explique le quotidien Les Echos qui se l'est procurée. Et que dit-elle de si inquiétant pour l'industrie? Tout simplement que la voiture est en train de devenir un produit de vieux. Ce qui n'est jamais bon signe pour une industrie. Selon cette étude en effet, l'âge moyen de l'acheteur d'un véhicule neuf est désormais de 55,3 ans. Ce chiffre ne cesse d'augmenter depuis 25 ans. L'âge moyen était ainsi de 54,6 ans en 2014, de 49,7 ans en 2005 et d'à peine 43,7 ans en 1991.

En 24 ans, l'âge moyen a donc augmenté de près de 12 ans. Cela s'explique d'abord par le vieillissement de la population. L'âge moyen en France était de 36,9 ans en France en 1991 selon l'Insee, il est désormais de 40,8 ans. Ce qui explique en partie que 26% des acquéreurs de voitures neuves aient plus de 66 ans dans la France de 2015. Mais ce n'est pas la seule explication. Car si en 1991, l'acheteur de neuf avait 7 ans de plus que l'âge moyen, il en a désormais près de 15 de plus.

La Logan bien moins chère que la Clio de 1990

Est-ce parce que les voitures sont plus chères aujourd'hui qu'il y a 25 ans? C'est sans doute une des causes, même si elle n'explique que partiellement le phénomène. Car dans le fond, le prix des voitures n'a pas beaucoup plus progressé que l'inflation. Un exemple avec la Clio: le modèle d'entrée de gamme coûtait 53.000 francs en 1990, soit 8.079 euros. Mais en tenant compte de l'inflation, ce tarif représente 12.500 euros actuels. Or la Clio IV débute aujourd'hui à 13.500 euros. Un écart pas si colossal. D'autant qu'aujourd'hui, la Clio n'est plus la petite voiture d'entrée de gamme. Ce rôle est dévolu au sein du groupe Renault à la Logan de Dacia, et cette dernière démarre à 7.790 euros. Elle est donc bien plus abordable que la Clio de 1990.

Mais l'évolution de l'indice des prix n'est pas le seul critère du pouvoir d'achat. Il y aussi le poids des dépenses en matière de logement qui vient grever le budget des ménages. Or, ce dernier ne cesse d'enfler depuis 30 ans. La part des dépenses consacrées au logement était de 14% en France au début des années 1980 selon l'Insee. Il a atteint 22,2% en 2014. Et ce taux est encore plus élevé dans les grandes villes comme Paris. Dans la capitale, il était déjà 3 points au-dessus de la moyenne nationale en 2006, date de la dernière étude de l'Insee. 

Les constructeurs français plus touchés que les allemands

Des raisons d'ordre économique qui tiennent la route car dans le même temps, l'occasion se porte bien en France. Il s'est vendu en France 5,4 millions de voitures d'occasion en 2014, soit plus de 3 fois plus que de neuf. La preuve que le prix joue sans doute une part importante dans la désaffection des plus jeunes pour l'automobile.

Et le rebond des immatriculations observé en France depuis le début de l'année pourrait n'être que passager. "Pour les citadins, la tendance du "sans-voiture" va se poursuivre, il n’y a pas de raison, explique Pierre Bergeron, spécialiste automobile à la Société Générale. Moins d’un Parisien sur deux est propriétaire d’un véhicule."

Et si tous les constructeurs automobiles sont concernés, les Français sont particulièrement touchés. L'âge moyen d'un acquéreur de Renault est de 56 ans, contre 58 ans pour Peugeot et même 60 ans pour Citroën. Les Allemands Audi et BMW s'en sortent un peu mieux avec une moyenne d'âge respective de 51 et 52 ans.

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Et ce phénomène de vieillissement ne touche pas que la France. Les Américains aussi s'inquiètent de cette tendance qui tend à faire de l'automobile un produit de niche. Outre-Atlantique, l'acquéreur d'un véhicule neuf a en moyenne 51,7 ans et des revenus annuels de 80.000 dollars (74.600 euros). "La génération actuelle est plus pauvre que celle des baby-boomers, estime Steven Szakaly, le chef économiste de la fédération américaine des vendeurs d'automobiles sur le site Autonews. Il faut 4 personnes issus de la génération Y pour remplacer un baby-boomer en terme de poids économique. Mais nous pensons qu'ils finiront aussi par acheter des véhicules, mais plus tard." Quand ils seront vieux...

Frédéric Bianchi