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Lagardère ajourne l'introduction en bourse de Canal Plus

Les deux actionnaires de Canal Plus, Vivendi et Lagardère, se déchirent dveant les tribunaux

Les deux actionnaires de Canal Plus, Vivendi et Lagardère, se déchirent dveant les tribunaux - -

Arnaud Lagardère avait relancé à l'automne le processus de cotation de la chaîne cryptée, mais a finalement renoncé, préférant se lancer dans une guerilla judiciaire aux objectifs peu clairs.

La stratégie de Lagardère concernant Canal Plus apparaît de moins en moins claire. Depuis plusieurs années, le groupe d'Arnaud Lagardère répète vouloir vendre ses 20% dans Canal Plus France. En pratique, il n'a que deux solutions: soit vendre à Vivendi (qui détient les 80% restants), soit mettre ses 20% en bourse.

N'ayant jamais réussi à se mettre d'accord sur un prix avec Vivendi, il a donc opté pour une cotation. Une première tentative a eu lieu en 2011, mais Lagardère a renoncé à la dernière minute.

A l'automne dernier, Arnaud Lagardère a relancé le processus. Selon des sources industrielles, il avait demandé à Canal Plus de préparer un prospectus d'introduction en bourse, basé sur les résultats à fin septembre 2012.

Mais, à nouveau, il a renoncé in extremis. Il n'a jamais déposé le prospectus, ni signé avec ses banques le mandat de cotation. Aujourd'hui, "le processus de cotation est bloqué", indique un porte-parole du groupe.

Plan B

A la place d'une introduction en bourse, Arnaud Lagardère a opté pour un plan B: attaquer en justice Vivendi.

Précisément, l'héritier conteste le fait que Canal Plus France prête sa trésorerie à Vivendi un taux d'intérêt peu élevé (0,1% au-dessus de l'Euribor). Il a donc demandé à la justice que Vivendi rende à Canal Plus France cette coquette trésorerie (1,6 milliard d'euros).

Mais, Vivendi estime que ce procès ne mènera nulle part. Le directeur financier Philippe Capron expliquait, le 26 février, lors de la présentation des résultats du groupe: "imaginons que la justice nous dise: "vous ne pouvez pas continuer à prêter cet argent à l'intérieur du groupe". Alors Canal Plus France investira en Sicav de trésorerie, ça lui rapportera un peu moins. Vivendi sera amené à tirer un peu plus sur ses lignes de crédit, ça nous coûterait à peine plus. Ca n'aurait toujours pas fait les affaires de Lagardère: Lagardère n'aurait toujours pas vu passer cet argent".

Quel rapport avec la cotation?

Mais Lagardère assure qu'il y a un bien un lien entre ce procès et la cotation. Son avocat Maurice Lantourne a expliqué à l'AFP que "l'absence de stratégie de développement et de versement de dividendes" rendent Canal Plus France si "peu attractif" que cela hypothèque toute chance de l'introduire en bourse.

En effet, Vivendi, qui décide seul de la politique de dividendes de Canal Plus France, a toujours refusé d'en distribuer. Et, lors de la cotation avortée de 2011, les analystes financiers indiquaient que cette absence de dividendes ne donnait guère envie d'acheter des actions...

Mais Vivendi répond que le procès ne changera rien à cette question des dividendes. En effet, si Lagardère gagne, alors la trésorerie retournera chez Canal Plus, mais Vivendi sera toujours le seul à décider du versement de dividendes. "On ne voit pas tellement le sujet. Tout cela fait partie plus de la gesticulation que du droit", a conclu Philippe Capron.

L'heure tourne

Bref, l'objectif du procès paraît obscur. Pour Vivendi, Lagardère veut en réalité vendre directement ses 20% de Canal au groupe de Jean-René Fourtou. Et, effectivement, Lagardère a fait des appels du pied en ce sens jeudi 7 mars, lors de la présentation de ses résultats. "Notre souci est de sortir le moment venu à un prix raisonnable. Mais pour faire un deal, il faut être deux. Il y a une volonté [de notre côté, ndlr], j'espère qu'il y en a une de l'autre", a expliqué le directeur financier Dominique D'Hinnin.

Mais Vivendi assure ne pas être intéressé. Un rachat à Lagardère des 20% "est passé un peu dans l'arrière cuisine, a expliqué Philippe Capron. En effet, s'est ouvert une période où les contraintes de notation [de la dette] sont devenues essentielles pour nous, surtout pour un actif qui ne rapporte pas de cash. Du fait qu'on ne distribue pas de dividendes, le fait d'avoir 100% de Canal Plus France ne changerait rien pour nous en termes de génération de cash".

En tous cas, Lagardère joue ses dernières cartouches dans cette affaire, car l'heure tourne: selon les accords avec Vivendi, au-delà du 15 avril 2014, il ne pourra plus exercer son droit d'introduire en bourse la chaîne cryptée.

Jamal Henni