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Lagardère annonce son retrait des médias et du sport

Arnaud Lagardère veut se débarrasser des branches les moins rentables

Arnaud Lagardère veut se débarrasser des branches les moins rentables - BFM Business

Arnaud Lagardère a annoncé vouloir se concentrer sur l'édition de livres et les boutiques dans les gares et les aéroports, deux métiers plus rentables...

Lorsqu'Arnaud Lagardère a hérité du groupe de son père en 2003, l'ensemble réalisait 13 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Depuis, de cessions en coupes claires, l'héritier a divisé par deux ce chiffre d'affaires. Mais la grande braderie va continuer.

Jeudi 3 mai, à l'occasion de l'assemblée générale des actionnaires, le co-gérant a annoncé qu'il allait se désengager de deux métiers: le sport et les médias. Soit encore un milliard de chiffre d'affaires en moins...

Réduction du domaine de la lutte

Arnaud Lagardère a longuement justifié auprès de ses actionnaires cette énième réduction du domaine de la lutte, en étant plus ou moins convaincant. Premier bouc émissaire: les géants américains de l'internet. "Une révolution technologique venue d'outre Atlantique a rendu nos métiers déclinants, comme la presse... On ne peut pas faire face à ces géants". Ou encore: "il faut nous adapter à un monde qui change. Si Yahoo, Nokia ou Sony s'étaient transformés, ils seraient encore vivants aujourd'hui".

Surtout, Arnaud Lagardère a expliqué que ces deux métiers n'étaient assez rentables: "nous allons quitter deux métiers consommateurs de cash. On ne peut pas continuer à faire du cash flow avec nos quatre branches [actuelles]. La génération de cash flow est un point faible du groupe".

Le nouveau Lagardère ne comprendra donc plus que deux branches: l'édition de livres (Hachette) et les boutiques pour voyageurs dans les gares ou les aéroports (travel retail). "Ces deux métiers moins consommateurs de cash. La génération de cash va donc augmenter, la rentabilité va s'améliorer structurellement".

"La totalité du produit de ces cessions ira à l'investissement dans ces deux métiers", a promis Arnaud Lagardère, en posant toutefois une condition: que la rentabilité de ces investissements soit supérieure à celle du groupe, et donc que ces investissements améliorent la rentabilité de l'ensemble. Globalement, il y aura "une diminution des investissements nécessaires à la croissance", indique sa présentation.

Faire cracher la bête

Mais, si Arnaud Lagardère veut faire cracher la bête encore plus, c'est surtout pour maintenir à son niveau actuel le dividende versé aux actionnaires, 1,3 euro par action, soit 170 millions d'euros par an, une somme que peine à générer le groupe dans son périmètre actuel. Le co-gérant ne s'en est pas caché: "Le dividende est important. J'ai une forme de responsabilité vis-à-vis des actionnaires, notamment pour les petits porteurs, pour qui 1,3 euro peut faire la différence pour acheter une maison, payer les études des enfants..." Il a ajouté que beaucoup de salariés étaient aussi actionnaires.

Mais le premier bénéficiaire de ce dividende élevé est Arnaud Lagardère lui-même, qui détient 7,4% du capital, et empoche ainsi 12 millions d'euros par an. Surtout, le co-gérant est soupçonné de vouloir maintenir ce dividende élevé en raison de sa lourde dette personnelle, qui s'élevait à 434 millions d'euros fin 2009 (dernier chiffre publié). "Votre stratégie de désendettement personnel via des cessions est limpide. Les salariés préfèrent garder leur emploi plutôt que de toucher des dividendes", a ainsi pointé un petit porteur mécontent.

Ce à quoi Arnaud Lagardère a répondu: "j'ai le luxe de ne pas avoir besoin de dividende, mais d'autres en ont besoin. Mon endettement personnel ne met en aucun cas le groupe en danger. Il provient d'un emprunt contracté pour investir dans le groupe, ce qui est une marque de confiance".

Déclin programmé

Face à ce déclin programmé de son groupe, Arnaud Lagardère a tenté de faire contre mauvaise fortune bon coeur. D'abord, "j'ai hérité d'un groupe diversifié. Nous avons longtemps été vus comme un conglomérat, on avait même une banque! Mais la nostalgie n'est pas ce qui gouverne une entreprise, ou les choix d'un chef d'entreprise".

Ensuite, "on ne rétrécit pas, on se concentre, on se focalise. C'est un redéploiement. Il s'agit d'augmenter la puissance du groupe dans ces deux branches".

En outre, il a promis d'"amener à la France un leader mondial dans le livre et le travel retail. Je verrai bien ce groupe être leader de l'édition, du travel retail d'ici 5 ou 10 ans. Je le verrai bien dominer ces deux secteurs. On a un coup historique à jouer. Mais si l'on veut jouer un rôle mondial dans certains domaines, il faut se concentrer". Pour mémoire, Lagardère est aujourd'hui n°3 mondial dans l'édition et n°4 mondial dans le travel retail. Reste qu'être leader mondial n'a jamais empêché Arnaud Lagardère de vendre, comme il l'a montré avec la presse magazine ou EADS...

Assurance vie

Au passage, il a promis que ce recentrage se ferait "de manière propre et en respect total des salariés. Il y a dans ce groupe 27.000 familles auxquelles je dois penser. Je pense aux salariés du groupe matin, midi et soir. Un chef d'entreprise est comme un médecin de garde, il n'y a pas de vacances, pas de nuit, comme un médecin de garde la nuit" (sic).

Il a brièvement évoqué la cession en cours de sept magazines (Elle, Version Femina, Art & Décoration, Télé 7 Jours, France Dimanche, Ici Paris et Public) au groupe Czech Media Invest de l'oligarque tchèque Daniel Kretinsky. "Cet acquéreur nous a semblé sérieux et financièrement solide. Il n'est pas déjà présent en France, donc il aura besoin de tous les hommes et femmes, de tous les effectifs. Nous allons être très vigilants sur la manière dont les salariés seront traités".

Sans convaincre, Arnaud Lagardère a au passage expliqué "ne pas vendre Elle: nous gardons la marque et la fondation, nous vendons seulement une licence sur le magazine en France. Elle reste en France".

Enfin, et non des moindres, il a "confirmé garder" seulement trois actifs dans sa branche média: Europe 1, Paris Match et le Journal du dimanche. "Arnaud Lagardère ne cèdera jamais ces trois titres, car c'est son assurance vie. Tant qu'il les détient, il peut continuer à faire ce qu'il veut et personne ne vient l'ennuyer", décrypte un ancien dirigeant.

Mise à jour: nous avons reçu le droit de réponse suivant: 

Dans votre article en date du 3 mai 2018, publié sur votre site Internet sous le titre "Lagardère annonce son retrait des médias et du sport" vous faites état de prétendus dysfonctionnements au sein du groupe Lagardère.
Il est inexact d’indiquer "le co-gérant a annoncé qu’il allait se désengager de deux métiers: le sport et les médias". En aucune manière, M. Arnaud Lagardère ou le groupe Lagardère n’ont annoncé un désengagement des activités de la branche Lagardère Sports and Entertainment.
Il est inexact d’indiquer "le premier bénéficiaire de ce dividende élevé est Arnaud Lagardère lui-même qui détient 7,4% du capital". M. Arnaud Lagardère, avec 7,39% du capital social n’est pas le premier bénéficiaire du dividende annuel versé aux actionnaires.
Sur ces dernières années, le Groupe a investi fortement dans ses métiers, et particulièrement dans le développement du Travel Retail et du Publishing, notamment par des acquisitions majeures aux Etats-Unis (Paradies et Perseus), tout en versant un dividende ordinaire stable et en améliorant depuis deux ans son ratio d’endettement [- celui-ci se situe fin 2017 à un niveau très prudent de 2,2x, contre 2,4x à la fin 2015]. M. Arnaud Lagardère ne souhaite donc en aucun cas faire "cracher la bête".
Il est inexact d’indiquer "le co-gérant est soupçonné de vouloir maintenir ce dividende élevé en raison de sa lourde dette personnelle, qui s’élevait à 434 millions d’euros fin 2009 (dernier chiffre publié)".
Il est inexact de laisser entendre que M. Arnaud Lagardère gère le Groupe dans un intérêt personnel. Il suffit pour s’en convaincre de vérifier les majorités avec lesquelles sont adoptées les résolutions présentées à l’assemblée générale des actionnaires de Lagardère. Pour exemple, les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2017 ont été approuvés à plus de 99%, la rémunération attribuée au titre de l’exercice 2017 à M. Arnaud Lagardère l’a été à 93,75%. Quant à la distribution d’un dividende ordinaire de 1,30€, elle a, cette année, de nouveau été approuvée à un taux de 99,60%, incluant le vote favorable d’Amber Capital. Vous conviendrez que ces chiffres ne reflètent pas les prétendues dissensions dont vous faites état.

Jamal Henni