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Lagardère condamné pour des publicités pour le vin sur ados.fr

Lagardère prétendait que le public du site était à 70% majeur

Lagardère prétendait que le public du site était à 70% majeur - -

Pour la justice, l'éditeur a violé la loi qui interdit la publicité pour l'alcool sur les sites "principalement destinés à la jeunesse".

Le site ados.fr est-il ou non destiné aux mineurs? Telle est la question ubuesque sur laquelle la justice s'est récemment penchée.

Ce site, créé en 1999, a été racheté en 2004 par Doctissimo, lui-même racheté en 2008 par Lagardère. Il revendique 3 millions de visiteurs uniques. En 2015, il a diffusé des publicités pour les vignerons indépendants, et le site de vente en ligne Wine in black.

Problème: le code de santé publique interdit la publicité pour l'alcool sur les sites web "principalement destinés à la jeunesse". L'ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie), estimant que la loi était violée, a donc porté plainte contre Lagardère.

Alcool trop cher pour les jeunes

Le groupe dirigé par Arnaud Lagardère a alors utilisé moult arguments pour se défendre. Le plus original est qu'ados.fr "s'adresse aux 15-25 ans, et donc que les mineurs ne constituent que 3/10èmes du public [cible], et donc que le site s'adresse à un public à 70% constitué de majeurs". D'autant que "la population de 18 à 25 ans est numériquement plus nombreuse que la population de 15 à 18 ans". Mais cela n'a pas convaincu. Pour les juges, si ados.fr visait majoritairement les plus de 18 ans, alors "on peut s'étonner du choix de l'appellation du site, qui, à elle seule, démontre que ce site s'adresse à des adolescents, c'est-à-dire des jeunes de moins de 18 ans, et est totalement dépourvu d'attractivité pour des jeunes de 18 à 25 ans".

Autre argument de Lagardère: les jeunes n'avaient de toute façon pas les moyens de s'offrir les alcools proposés par ces publicités. En effet, "ces annonces portaient sur des vins et spiritueux de luxe, qui correspondent plus aux goûts d'adultes installés dans la vie qu'aux goûts des jeunes, et donc le dommage pour les jeunes est nul". Mais, là encore, le tribunal a rejeté l'argument...

"Notion sociologique floue et incertaine"

Lagardère a alors argué que la jeunesse était une notion "purement sociologique aux contours totalement flous et incertains". Dès lors, lorsque la loi emploie ce mot de jeunesse, cette notion "n'est pas suffisamment précise et claire". Et cette imprécision constitue une violation de la liberté d'expression garantie par la Constitution française et la Convention européenne des droits de l'homme. Le groupe de médias a donc estimé que cette disposition était anti-constitutionnelle, et a posé une question prioritaire de constitutionnalité pour le démontrer. Mais il s'est fait renvoyer dans ses buts par la Cour de cassation, pour qui cette disposition est "rédigée en des termes suffisamment clairs et précis".

Enfin, et non des moindres, Lagardère a tenté de se défausser sur son prestataire Ligatus, à qui est sous-traitée la partie du site où sont apparues les publicités contestées: "Ligatus fait seul le choix des annonceurs dont elle diffuse les annonces, et c'est donc vainement qu'on cherche à établir la volonté de Lagardère de commettre le délit". Mais, pour les juges, Lagardère, en tant qu'éditeur du site, "ne peut s'exonérer de toute responsabilité, et se devait de contrôler la nature des annonces diffusées sur son site".

Au final, le tribunal a condamné Lagardère à payer 10.000 euros à l'ANPAA, qui réclamait 60.000 euros.

Jamal Henni et Simon Tenenbaum