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Le Canada enterre un projet de méga-oléoduc contesté

L'oléoduc Énergie-Est devait relier, sur 4.500 kilomètres, l'Ouest canadien et la côte Atlantique du pays. (image d'illustration)

L'oléoduc Énergie-Est devait relier, sur 4.500 kilomètres, l'Ouest canadien et la côte Atlantique du pays. (image d'illustration) - btr - Wikimedia - CC

L'opérateur TransCanada a décidé d'abandonner la construction d'un oléoduc géant qui prévoyait d'acheminer le pétrole de l'Ouest canadien vers la côte Atlantique.

L’oléoduc Énergie-Est ne verra finalement pas le jour. Ce projet, long de quelque 4500 kilomètres et disposant d'un débit d’environ 1,1 million de barils de pétrole par jour, était combattu à la fois par les écologistes et plusieurs collectivités territoriales en raison des risques de pollution pour les nappes phréatiques et les rivières en cas de fuite.

"À la suite d’une analyse approfondie des nouvelles exigences (…) nous ne poursuivrons pas les démarches" de la construction de l’oléoduc Énergie-Est, a indiqué Russ Girling, le PDG de la société TransCanada. Le projet, lancé en 2013 avec un prix du baril de pétrole dépassant les 100 dollars, était devenu moins attractif depuis la chute du brut. Le prix du baril est tombé de moitié depuis.

Un projet modifié plusieurs fois 

S'il avait vu le jour, cet oléoduc aurait été alimenté par le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta depuis Hardisty, à 200 kilomètres au sud-est d'Edmonton, pour déboucher sur un terminal pétrolier à Saint-John au Nouveau-Brunswick, avec accès à l'océan Atlantique.

Le groupe canadien avait déjà été contraint de modifier son projet qui devait initialement acheminer le pétrole sur un terminal situé sur le golfe Saint-Laurent, mais qui mettait en péril l'habitat des cétacés.

Si sur les deux tiers du tracé, l'oléoduc devait suivre un réseau existant, la pose de nouvelles conduites sur 1500 kilomètres au Québec puis au Nouveau-Brunswick a été vivement combattue par les organisations de protection de l'environnement, les autochtones et des collectifs de citoyens.

"C'est un projet qui traversait plus de 700 cours d'eau, dont le fleuve Saint-Laurent et l'Outaouais", a rappelé David Heurtel, le ministre québécois de l'Environnement. La décision de renoncer à cet oléoduc témoigne aussi, selon lui, d'un mouvement au niveau mondial en faveur de "la lutte contre les changements climatiques et la nécessité de passer à d'autres types de combustibles". 

D'autres oléoducs vont être construits au Canada 

Pour le gouvernement fédéral, l'abandon du projet est une décision de stratégie industrielle, qui ne devrait pas affecter l'économie en raison des possibilités offertes pour exporter le pétrole vers d'autres marchés comme l'Asie ou les États-Unis.

"Notre gouvernement a approuvé deux grands projets d'oléoducs d'exportation, actuellement en chantier, et un troisième qui devrait commencer sous peu", a rappelé le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jim Carr.

Grâce au feu vert du président Donald Trump au projet de l'oléoduc controversé Keystone XL, frappé du veto de son prédécesseur Barack Obama, TransCanada a une porte de sortie pour son pétrole vers les raffineries du Golfe du Mexique, dans le sud des États-Unis.

Le Canada vise aussi les marchés asiatiques avec des oléoducs allant de l'Alberta vers la côte Pacifique, mais l'un des projets d'oléoducs, le Trans Mountain de la société américaine Kinder Morgan, est contesté en justice depuis lundi par les Amérindiens, les écologistes et le gouvernement provincial de Colombie-Britannique.

Une victoire pour les écologistes 

L'abandon d'Énergie-Est a été célébré comme une victoire par les écologistes. "C'est une excellente journée pour l'eau, le climat, l'économie et les droits autochtones", a estimé Greenpeace Canada. "Le monde change et la fin de l'ère du pétrole est en vue", selon l'organisation de défense de l'environnement.

L'oléoduc était "contraire à l'engagement du Canada de lutter contre le changement climatique" dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat et sa construction aurait "condamné le Canada à un avenir à forte teneur en carbone", a estimé l'organisation Environmental Defence dans un communiqué.

"La décision est une déception", et reflète l'échec de la politique énergétique du gouvernement libéral, a estimé pour sa part la député conservatrice Lisa Raitt. L'impact financier pour TransCanada est de 2,3 milliards de dollars CAD (1,6 milliard d'euros), dont plus de la moitié en dépréciation d'actifs, a indiqué la société.

Antonin Moriscot avec AFP