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Le cloud computing dans la santé : un outil à la fois utile et controversé

Comme dans les autres domaines innovants, l’élasticité et l’adaptabilité du cloud computing permet aux industriels de santé de tester de nouveaux services, à travers le monde.

Comme dans les autres domaines innovants, l’élasticité et l’adaptabilité du cloud computing permet aux industriels de santé de tester de nouveaux services, à travers le monde. - Pixabay

Le cloud constitue le socle technologique du Big Data, dont l’exploitation n’en est qu’à ses débuts dans le secteur de la santé. Il ouvre aussi la voie à des services permettant aux établissements de santé de réduire leurs dépenses. Néanmoins la nature des données concernées impose une vigilance spécifique.

En pleine transformation numérique, le secteur de la santé foisonne de projets ayant trait à la santé connectée et au "quantified self", sous ses différentes formes : applications, objets connectés… Cette révolution nécessite un socle technologique : le cloud computing.

Comme dans les autres domaines innovants, l’élasticité et l’adaptabilité de l’hébergement à distance permet aux industriels de santé de tester de nouveaux services, à travers le monde. "Nos clients sont des industriels du médicament, des assureurs, des laboratoires pharmaceutiques, des éditeurs de logiciels et d’applications de santé connectée, de services de télémédecine ou d’observance", énumère Pedro Lucas, directeur général de Cloud Santé Netplus, un hébergeur français spécialisé dans l’IT santé. Ses clients disposent alors de services d’hébergement multi-territoires. C’est à l’hébergeur de s’assurer de la sécurité des données et du respect de la règlementation pour chaque pays. De quoi laisser les entreprises se concentrer sur leur cœur de métier. "Le médicament de demain sera probablement un service de santé composé d’une molécule, d’une application et d’un objet connecté de santé. Pour les mettre au point, les industriels procèdent actuellement à de nombreux tests", raconte Pedro Lucas.

Etudier les effets indésirables des traitements

En fonction de leurs besoins, elles souscrivent à des services d’hébergement à distance spécifiquement conçus pour leur domaine, un domaine dans lequel les contraintes règlementaires sont précises et contraignantes afin d’assurer une confidentialité des données de santé des patients. En France il existe une dizaine d’hébergeurs agréés qui commercialisent des services de télémédecine (partage de dossiers médicaux entre professionnels de santé, téléconsultation…) et de santé connectée. Les médecins peuvent notamment mieux étudier les effets indésirables des médicaments. "Le cloud computing ouvre la voie à l’exploitation de masses de données colossales afin d’évaluer les conséquences des principes actifs après la délivrance de l’Autorisation de Mise sur le Marché", explique Thierry Vonfelt, consultant indépendant et architecte en solutions numériques.

De son côté, le Conseil national de l’Ordre des Médecins confirme l’utilité du cloud computing et assurait dans une synthèse publiée dès 2012: "La télémédecine (…), ne pourra se développer qu’au prix d’un accès excessivement rapide et facile à un maximum de données (…) Les contraintes économiques croissantes rendent plus pertinents et attractifs l’externalisation des données et le recours à la mutualisation assurée par un opérateur extérieur".

Des coffres-forts numériques pour les hôpitaux

Les hôpitaux et cliniques peuvent eux aussi utiliser le cloud computing, notamment via des coffres-forts numériques, où ils pourront archiver des examens de santé – radios, IRM – que les soignants n’ont pas besoin de consulter quotidiennement. Attention: les établissements devront obligatoirement faire appel à un fournisseur de services cloud de santé agréé, respectant des engagements en termes de cryptage, de confidentialité, de traçabilité des interventions et de continuité du service étant donné la nature des données concernées.

Les collectivités publiques pourraient trouver une toute autre application au Big data, que le cloud computing permet. "L’idée est d’étudier la propagation des maladies en analysant les conversations publiques sur les réseaux sociaux et les mots-clés tapés dans les moteurs de recherche, afin d’anticiper le déploiement des moyens de prise en charge", décrit Thierry Vonfelt.

L’hôpital a du mal à passer au cloud 

Reste que l’adoption du cloud computing par les établissements de santé se fait à pas de fourmis. Les DSI du secteur freinent encore souvent les décisions en la matière, soucieux de ne pas se laisser emporter à tort par cette déferlante technologique. "L’hôpital est vraiment un domaine qui a du mal à passer au cloud, car les DSI essaient de protéger leur budget en interne", assène Pedro Lucas. Le cloud risque effectivement de s’accompagner d’économies d’échelles pouvant mener à une réduction des équipes techniques. Mais cela est une crainte valable dans les autres domaines.

Pour cet hébergeur, il y a une autre raison à cette frilosité. Elle relève de l’organisationnel. "Qui dit faire appel à des fournisseurs de cloud et mettre en place des infrastructures externalisées dit créer des manuels d’exploitation, construire des architectures exploitables pour améliorer massivement les coûts. Il s’agit de passer de la phase artisanale à la phase industrielle Or, il y a de grande marge de progression dans la rationalisation industrielle des applications de santé", lâche-t-il. L’argument des économies d’échelles potentiellement "passe mieux chez les industriels qu’à l’hôpital", commente le dirigeant de Cloud Santé Netplus.

Assurer la confidentialité des données

Les professionnels des établissements de soins ont des préoccupations allant au-delà de la technique, comme le laisse penser la synthèse publiée par le Conseil national de l’Ordre des médecins. Ses auteurs relèvent, entre autres, des "interrogations" sur "la potentielle utilisation des données dans un but marchand ou d’espionnage industriel" et "le traçage des personnes par géolocalisation". Ils regrettent "la perte de maîtrise de l’implémentation des données" et une "absence de lisibilité quant aux sous-traitants utilisés".

Ils soulignent enfin la "dépendance de la qualité du réseau pour accéder aux données". L’hébergement à distance demeure en effet dépendant d’une parfaite connexion à Internet… On voit ici poindre la crainte d’une incapacité d’accéder à des données de santé en cas d’intempérie par exemple.

Adeline Raynal