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Le gaz de schiste américain inonde l’Europe

Un méthanier livrant du gaz naturel liquéfié (GNL) dans un port espagnol.

Un méthanier livrant du gaz naturel liquéfié (GNL) dans un port espagnol. - RAFA RIVAS / AFP

Depuis un an, les Etats-Unis ont triplé leurs livraisons en Europe et en France. Une stratégie agressive qui vise à concurrencer son grand rival russe, fournisseur historique de l’Europe. La guerre redouble sur le Vieux Continent.

Dans le port de Saint-Nazaire, les méthaniers se multiplient depuis le début de l’année. Ces bateaux gigantesques, déchargent des tonnes de gaz liquide, appelé gaz naturel liquéfié (GNL). "Ça fait longtemps qu’on n’avait pas vu autant de GNL arriver en France", s’étonne un employé du terminal de Montoir-de-Bretagne. En 2019, le GNL inonde l’Europe. Selon les chiffres officiels de groupement international des importateurs de GNL (GIIGNL), les importations en Europe ont doublé depuis le début de l’année par rapport au neuf premiers mois de 2018. Les pays européens ont importé 63 millions de tonnes de GNL contre 31 millions de tonnes un an plus tôt. Une tendance générale tirée par deux pays : l’Espagne et la France.

Mais ce sont surtout les importations en provenance des Etats-Unis qui ont explosé. Elles ont presque triplé, passant de 2,7 millions de tonnes sur l’année 2018 à 7,6 millions sur les neuf premiers mois de 2019. Une poussée due au gigantesque essor du gaz de schiste américain depuis sept ans. "L’essentiel du gaz que les américains exportent est du gaz de schiste", explique un spécialiste du secteur. En France aussi, cette tendance est la même : les importations de gaz américains ont presque quadruplé depuis le début de l’année! Même si elles partaient de très bas…

Importations quadruplées en France

C’est d’ailleurs la clé de compréhension de cette situation: les Etats-Unis inondent l’Europe pour concurrencer le gaz russe. Mais la Russie ne reste pas les bras croisés. Les quantités de GNL russe vendues en Europe ont triplé, passant de 4,5 à 11,5 millions de tonnes. Et en France, les importations russes ont déjà quadruplé depuis le début de l’année. Grâce notamment à la mise en service de l’usine de liquéfaction du gaz de Yamal, en Sibérie, construite par deux géants français, Total et Technip.

L’Europe est plus que jamais le terrain de jeu de la guerre énergétique entre les Etats-Unis et la Russie. L’intrusion des américains sur le marché européen du gaz est récente, grâce à leur révolution du gaz de schiste. Les russes, eux, ont toujours été l’un des premiers fournisseurs de gaz des pays européens avec le Qatar ou l’Algérie, notamment pour la France.

Les prix au plus bas

Le gaz naturel liquéfié permet aux Etats-Unis d’exporter partout dans le monde. "Les russes se sont longtemps désintéressés du GNL mais ils voient désormais d’un mauvais œil la diminution possible de leur marché captif que constitue l’Europe", explique Vincent Demoury, délégué général du GIIGNL. Moscou privilégiait jusque-là les gazoducs qui traversaient l’Europe et l’Ukraine. Le GNL permet aux Etats-Unis d’exporter partout dans le monde et de rivaliser avec les grandes puissances énergétiques mondiales que sont la Russie ou les pays du Golfe Persique.

L’Europe bénéficie de cette rivalité à double titre. D’abord, elle diversifie ses approvisionnements et diminue un peu sa dépendance à la Russie. Mais cette guerre commerciale a aussi pour conséquence de faire baisser les prix du gaz en Europe, qui sont à leur plus bas niveau depuis 2016.