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Le gendarme de la concurrence s'interroge sur une régulation du câble

Pour échapper à la régulation, Numericable minimise les bénéfices de l'accès internet à très haut débit

Pour échapper à la régulation, Numericable minimise les bénéfices de l'accès internet à très haut débit - Fred Dufour AFP

Après le rachat de SFR, Numericable détiendra 60% du marché du très haut débit, et pourrait donc être être obligé d'ouvrir son réseau à ses concurrents.

Le rachat de SFR par Numericable est actuellement examiné par l'Autorité de la concurrence, qui doit rendre son feu vert début novembre.

Dans cette perspective, le gendarme de la concurrence a consulté en juin les concurrents sur ce rachat. Dans cette consultation (ou "test de marché"), une des principales interrogations du gendarme est de savoir s'il faut désormais réguler l'accès internet par câble. C'est-à-dire s'il faut forcer Numericable à ouvrir son réseau à ses concurrents à un tarif de location régulé. 

Jusqu'à présent, le câble n'a jamais été régulé par l'Arcep, en raison de sa part de marché trop modeste: à la fin de 2013, Numericable ne détenait que 4% du marché du haut débit, et montera à 25% après le rachat de SFR. 

Toutefois, la situation est très différente pour l'accès à très haut débit, c'est-à-dire à plus de 30 mégabits par seconde. Numericable fournit de tels accès avec son réseau combinant fibre optique jusqu'à l'immeuble, puis câble coaxial jusqu'au foyer (FTTB). Il concurrence ainsi les opérateurs télécoms, qui utilisent eux la fibre optique jusqu'au foyer (FTTH).

78% du marché du très haut débit

A la fin de 2013, Numericable détenait la moitié de ce marché du très haut débit. Sa part monte à 60% si l'on ajoute les abonnés FTTH de SFR, selon les propres chiffres de Numericable. Sa part atteint même à 78% du marché si l'on tient compte des abonnés FTTB de Bouygues Telecom, qui revend sous sa propre marque des accès fournis en réalité par Numericable.

Bref, Numericable est très largement dominant sur ce marché du très haut débit. Mais cela n'est pas pour autant une raison suffisante pour le réguler. Car une autre condition doit être remplie: il faut que le très haut débit apporte à l'internaute un service réellement différent du simple haut débit - on dit alors que le très haut débit constitue "un marché pertinent". Tel est le débat qui agite en ce moment le gendarme de la concurrence. 

A contre courant du discours commercial

Dans ce débat, Numericable ne veut pas être régulé, et adopte donc une position à contre-courant de son discours commercial: il dénigre le très haut débit, expliquant qu'il n'apporte vraiment pas grand chose... Numericable "considère qu’à ce jour, les consommateurs n’ont pas de préférences significativement marquées pour le très haut débit. Elle considère que le fait que seulement 2 millions de foyers soient abonnés au très haut débit, alors qu’il y a 11 millions de foyers éligibles, est une preuve du manque d’appétence pour le très haut débit", indique le test de marché. En outre, Numericable "considère que les offres très haut débit amènent peu de services supplémentaires". Enfin, "l’absence d’application spécifique au très haut débit à ce jour ne permet pas d’induire un changement dans le comportement des utilisateurs à court terme". 

Régulation uniquement en Belgique

Interrogé sur le sujet le 7 avril, le principal actionnaire de Numericable, Patrick Drahi, ajoutait un autre argument: "le réseau câblé n'est régulé dans aucun pays au monde. Prenez l'Allemagne où la pénétration du câble est pourtant importante, puisqu'elle est de l'ordre de 45%: il n'y a pas de régulation. Le seul pays qui a commencé à ouvrir un peu le câble, c'est la Belgique. Le jour où j'aurai en France la part de marché qu'a le câble en Belgique, c'est-à-dire le jour où nous aurons 65% du marché français, je serai disposé à entamer des discussions d'ouverture. D'ici là, il y a un petit peu de travail puisque notre part n'est que de 7%... Bref, je n'envisage pas que cette demande puisse aboutir. Je serais surpris que la France ne suive pas l'ensemble des pays européens".

Un avis partagé par les analystes de HSBC: "Nous n'envisageons pas que les câblo-opérateurs soient forcés à ouvrir leurs réseaux. Les tentatives récentes de réguler les câblo-opérateurs en Belgique et aux Pays-Bas sont des exceptions. Aux Pays-Bas, un amendement a été présenté au Parlement suggérant que le câble devrait ouvrir son réseau de télévision analogique. Mais le gendarme des télécoms a conclu que c'était injustifié".

Interrogé, Numericable s'est refusé à tout commentaire.

Jamal Henni