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Le modèle Airbnb à l'épreuve du coronavirus

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- - Lionel BONAVENTURE - AFP

L'arrêt des liaisons aériennes et la crise sanitaire planétaire ont mis un coup d'arrêt aux séjours touristiques, et vidés les logements Airbnb de leur clientèle.

De Barcelone à Athènes en passant par Paris, la plateforme américaine de locations de logements est lourdement touchée par la pandémie. Le groupe a annoncé mardi le licenciement du quart de ses 7500 salariés. "Nous traversons collectivement la crise la plus douloureuse de notre vie", a admis le patron d'Airbnb, Brian Chesky.

Airbnb, qui a son siège à San Francisco, affichera en 2020 un chiffre d'affaires "de moins de la moitié" de celui de 2019, et reconnaît ne pas savoir "quand les voyages reprendront". "Quand ils l'auront fait, ce sera différent", estime Brian Chesky, qui promet de revenir aux "racines et aux bases" de l'entreprise.

Les propriétaires ont vu les réservations s'annuler au fil des semaines, en raison des mesures de confinement mises en place à travers le monde. "Il y a eu un arrêt brutal des réservations", se lamente Romina Tsitou, propriétaire de deux logements à Koukaki en Grèce. Des logements qu'elle loue sur Airbnb depuis 2014. "J'espère ne pas avoir à mettre mes logements sur le marché locatif classique, mais je vais peut-être y être contrainte si la situation s'éternise", redoute la propriétaire, qui a mis ses appartements à disposition du personnel hospitalier. 

Stefania Dimitroula, elle, a tranché. Son petit appartement de Koukaki est désormais disponible à la location longue durée. "Depuis le début de l'été 2018, il était sans arrêt occupé grâce à Airbnb", explique cette Grecque de 32 ans. Or "100% de mes réservations ont été annulées pour avril, mai et juin".

Au chômage, Stefania n'avait pas le choix. "Je misais sur cette somme, environ 1.000 euros par mois, pour compenser ma perte d'activité", souligne-t-elle, "pessimiste pour la saison estivale", dont le gouvernement grec espère le démarrage au 1er juillet.

Le retour au bail longue durée

Le bail de longue durée est une "véritable tendance de fond", assure Patrick Tkatschenko, agent immobilier à Athènes, membre de la Fédération de l'immobilier de Grèce (OMASE). "Airbnb est en train de se prendre une grosse claque. Les conséquences liées au Covid-19 accélèrent la régulation du marché. C'est extrêmement brutal".

Une étude réalisée par Spitogatos, première plateforme d'annonces immobilières en Grèce, révèle une nette augmentation des biens locatifs sur le marché classique au cours du mois d'avril. À Athènes, elle dépasse 30% dans plusieurs quartiers du centre.

Une tendance qui permettra en outre d'assainir un marché immobilier, en déficit de locations à long terme en raison de l'explosion des appartements touristiques proposés sur Airbnb ces dernières années. Pour Stratos Paradias, président de la Fédération Hellénique de la Propriété (POMIDA) et de l'Union Internationale de la Propriété Immobilière (UIPI), "le nettoyage qui va s'opérer avec la crise du Covid-19 est nécessaire".

Toutefois, pour beaucoup, l'appartement touristique a encore des belles années devant lui en permettant au client de s'isoler en toute sécurité, contrairement aux hôtels. En Espagne, Enrique Alcantara, président d'Apartur, la fédération des associations d'appartements touristiques de Barcelone, n'est pas inquiet pour l'avenir d'Airbnb. Il veut croire au "triomphe" de l'appartement touristique.

Si il prévoit une chute de 85% du chiffre d'affaires pour 2020, il estime que l'appartement touristique "va s'adapter plus facilement aux nouveaux temps qui arrivent, aux nouveaux besoins des touristes, surtout en matière de sécurité". Pour l'heure, les nuitées en appartements touristiques ont chuté de 65,5% en mars en Espagne, selon l'Institut national de la statistique.

Airbnb table sur des réservations de dernière minute pour l'été

En France également, Airbnb s'attend à voir les réservations repartir cet été grâce à la clientèle domestique, car les Français passeront leurs vacances dans leur pays.

Il n'empêche, l'an dernier les Français représentaient 66 % de la clientèle d'Airbnb qui compte 650.000 offres à travers l'hexagone, dont 10% à Paris. Sans les voyageurs étrangers, Airbnb pourrait donc perdre le tiers de sa fréquentation.

Si "l'activité est minimale actuellement en raison des mesures de confinement", Aurélien Pérol, directeur de la communication d'Airbnb France, estime que "le climat d'incertitude sur les modalités exactes du déconfinement va favoriser les réservations de dernière minute".

Sandrine Serais avec AFP