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Le nouveau site Mediacités mise sur l'investigation locale

Le site vient de remporter le prix du concours lyonnais des Têtes chercheuses

Le site vient de remporter le prix du concours lyonnais des Têtes chercheuses - Mediacités

Ce nouveau site d'information veut lever 800.000 euros pour couvrir dix métropoles de province. Il vient de lancer une campagne de crowdfunding sur Ulule.

On l'appelle déjà le Mediapart local. Il s'agit d'un nouveau site d'information lancé le 1er décembre et baptisé Mediacités. Il a en effet quelques points communs avec le site d'Edwy Plenel. D'abord, il se positionne sur l'investigation. Ensuite, il a adopté un modèle payant. L'abonnement coûte 6,90 euros par mois, ou 59 euros par an. Pour les professionnels, une formule à 289 euros permet d'abonner tous ses salariés.

Connivence avec les élites

La cible: les cadres, les enseignants, les militants associatifs... des grandes métropoles régionales. Comme l'explique le directeur de la publication Jacques Trentesaux, "l'effectif des fonctions métropolitaines supérieures a doublé en 25 ans, à en croire l'Insee. Cette population lit peu la presse quotidienne régionale, dont le lectorat est très âgé -par exemple, un tiers des lecteurs de La Voix du Nord a plus de 75 ans. Surtout, elle est mécontente de son quotidien régional, jugé trop grand public, et qui a abandonné tout approfondissement, toute investigation. D'où le sentiment que les journalistes ne font pas leur travail et sont de connivence avec les élites locales. Et ces liens entre quotidiens régionaux et élus locaux sont même parfois structurels. Par exemple, La Voix du Nord et la région sont associés dans la télévision locale Weo".

Le nouveau venu veut donc remplir ce vide: "Mediacités se veut complémentaire de la presse quotidienne régionale, en s'extrayant du flux quotidien d'information, et en approfondissant ses sujets. Notre objectif est de devenir numéro 1 de l'investigation locale".

Une grosse enquête par semaine

Le site veut publier "au moins une grosse enquête par semaine". L'édition lilloise a d'ores et déjà sorti plusieurs scoops, sur la centrale nucléaire de Gravelines ou Gérard Lopez, le nouveau propriétaire du LOSC. Pour faire mieux connaître ce dernier scoop, Mediacités s'est associé à Mediapart et à l'édition régionale de France 3.

Le site, créé par 7 associés, essentiellement des anciens de l'Express et de l'Expansion, a ouvert le 1er décembre à Lille. Lyon doit suivre le 10 mai, puis Toulouse le 23 mai et Nantes le 7 juin. Trois autres villes doivent suivre en 2018, et encore trois autres en 2019. Toutefois, le site exclut de se lancer à Marseille, Strasbourg et Bordeaux, où existent déjà des sites au positionnement similaire: Marsactu et des éditions locales de Rue 89.

Objectif: conquérir 3.000 abonnés dans chaque métropole, seuil qui permet d'atteindre l'équilibre. Un objectif modeste jugé à portée de main par Mediacités, qui se définit comme un "média de niche".

Appropriation par les lecteurs

Pour Jacques Trentesaux, le modèle payant semble une évidence: "Tous les sites qui se créent aujourd'hui sont payants. Les lecteurs sont matures et ont compris qu'il fallait payer pour avoir une information de qualité. Seuls les sites avec une grosse audience arrivent à attirer suffisamment de publicité".

Le site compte recruter des abonnés en étant à leur écoute: "Nous allons traiter les sujets qui intéressent nos lecteurs. Nous espérons même qu'ils nous proposent des sujets d'enquête. Nous allons aussi ouvrir nos colonnes aux associations locales, et organiser des débats dans chaque ville autour de nos enquêtes. Un premier débat a d'ores et déjà été organisé à Lille sur la centrale de Gravelines. Bref, nous voulons que nos lecteurs s'approprient le site, que l'abonnement à Mediacités devienne un engagement permettant de faire partie d'une communauté. Nous comptons aussi commercialiser nos abonnements via les associations locales".

Financement de 800.000 euros

La structure s'appuie sur des pigistes locaux rémunérés entre 250 et 1.000 euros par article. "Ces pigistes connaissent parfaitement leur ville, mais sont de moins en moins utilisés par la presse nationale", explique Jacques Trentesaux.

Une campagne de crowdfunding sur Ulule vient d'être lancée. Objectif: récolter au moins 25.000 euros auprès de souscripteurs qui auront droit en échange à un abonnement. Cela s'ajoute aux 35.000 euros déjà apportés par les fondateurs, et aux 50.000 euros d'une bourse à l'émergence accordée par le ministère de la Culture. Des discussions sont en cours avec l'Ifcic (l'institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) pour un prêt de 200.000 euros. Surtout, le site veut lancer une augmentation de capital auprès de business angels, de mécènes... voulant développer l'information dans leur ville. Les investisseurs pourront déduire de leur impôt 50% à 60% de leur mise, car Mediacités a adopté le récent statut d'entreprise solidaire de presse. Tout confondu, l'ambition est de lever 800.000 euros, soit de quoi financer le lancement dans 10 villes.

Jamal Henni