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Le Nutella à -70% et autres folles promos seront bientôt interdits

Le ministre de l'Agriculture souhaite qu'une loi limite la promotion sur les produits alimentaires à 34% de leurs valeur totale afin de mieux rémunérer les agriculteurs. Une annonce qui intervient en pleine émeute en magasin suite à une promotion monstre sur le Nutella...

La juxtaposition a de quoi faire sourire. Dans une interview au Parisien, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, explique que l'exécutif compte légiférer pour limiter les promos monstres sur l'alimentaire à hauteur de 34% de la valeur totale du produit. Or juste à côté de cet article, une publicité Intermarché attire immédiatement l'oeil. L'enseigne y met en avant une remise immédiate de 70% en caisse (soit 3,29 euros) sur les pots de Nutella de 950 grammes. Une promo qui a d'ailleurs entraîné des émeutes dans plusieurs magasins ce jeudi 25 janvier...

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Mais pour le ministre de l'Agriculture, ces offres commerciales très agressives sur les produits alimentaires doivent disparaître. C'est le bilan qu'il tire des Etats généraux de l'alimentation qui se sont tenus en 2017 et qui devraient dans les prochains mois accoucher d'une loi encadrant les pratiques commerciales de la distribution. "il sera toujours possible d'acheter trois produits alimentaires pour le prix de deux mais fini l'offre "un produit acheté, un produit offert"! Il s'agit de lutter contre les promotions excessives qui pervertissent aux yeux du consommateur la notion de juste prix."

Très concrètement, une fois que cette loi sera en application, proposer ce genre d'offres ci-dessous ne sera plus possible. Vous n'aurez plus droit aux "9 jours Happy" de Monoprix, aux -70% sur le Nutella chez Intermarché, aux 50% de remise immédiate sur le croque-monsieur Herta chez Carrefour ou aux produits 100% remboursés en tickets Leclerc....

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L'objectif du ministre de l'Agriculture n'est pas tant de limiter le pouvoir d'achat des consommateurs que de protéger la filière agricoles qui se plaint de prix de vente trop bas imposés par les industriels et la grande distribution. L'État souhaite ainsi mettre un frein à la guerre des prix qui fait rage dans le secteur depuis quelques années afin que les agriculteurs ne fassent pas les frais de cette bataille commerciale qui se joue à leurs dépends.

Et il est vrai que depuis quelques années, le phénomène des promotions a pris une ampleur inédite en France. Dans une étude de 2014 (la seule réalisée sur le sujet en France), le cabinet Nielsen estimait que les produits gratuits représentaient la bagatelle de 3,7 milliards d'euros, soit une progression de 291 millions par rapport à l'année précédente. En moyenne, estime Nielsen, cela représente 141 euros par an pour chaque foyer français. Et pour les familles "chasseuses de promotions", ce gain monte à 253 euros selon le cabinet.

La tentation trop forte de la promotion

Si le consommateur y gagne, les enseignes elles y sacrifient des marges importantes. "[Les grands groupes de distribution] se posent évidemment la question de la rentabilité promotionnelle, estime Laurent Zeller, le patron de Nielsen France dans LSA. Mais la promotion a un tel effet de levier sur les ventes et la part de marché, qu’il n’est pas facile de "débrancher" la promotion subitement, compte tenu des "effets de cliquet". Je crois que très peu de groupes peuvent aujourd’hui baisser l’investissement promotionnel et prendre le risque de perdre 10% de volume de ventes face à la concurrence."

Et si les enseignes sont incapables de mettre fin à cette guerre des prix, c'est l'État qui se propose de siffler la fin de la partie. Mais reste alors à savoir si une telle loi bénéficiera de fait à la filière agricole? Pour le premier distributeur de France, la réponse est évidemment non. "Comment la hausse (jusqu’à 10%!) du Coca-Cola, du Nutella, du Carte Noire ou de l’Evian va-t-elle rentrer dans la poche des producteurs de viande ou de lait?", feint de s'interroger Michel-Edouard Leclerc sur son blog. Pour le patron du groupement, cette loi n'aura pour effet que de nuire au pouvoir d'achat des consommateurs et de permettre aux grands groupes industriels d'améliorer leurs marges.

"Trop de pauvres malgré 100 milliards de subventions"

"Vraiment je suis convaincu qu’il y a urgence à traiter la question agricole, reconnaît pourtant Michel-Edouard Leclerc. Trop de pauvres, malgré 100 milliards de subventions ces dix dernières années. Il y a aussi urgence à mobiliser des moyens pour faire monter en gamme la consommation et mieux rémunérer les producteurs."

Inciter à la montée en gamme des produits (notamment dans le bio), à la constitution de grands groupes de productions agricoles pour rééquilibrer le rapport de force avec l'industrie, mieux répartir les subventions européennes... Voilà les pistes envisagées par le distributeur pour redresser le secteur. Mais qu'on ne touche pas aux promos sur le Nutella.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco