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Le piège se referme sur les mutuelles

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Le gouvernement les accuse de « sabotage » pour les obliger à la transparence.

« Les mutuelles » vont bien devoir ouvrir grand leurs livres, rattrapées par une exigence de transparence qu’elles ont longtemps cru pouvoir éviter. Leur statut les a longtemps protégées, « nous sommes des organismes à but non lucratif » rappelait ce mardi matin le patron de Klesia, Christian Schmidt de la Brélie, « nous reversons l’intégralité de l’argent que nous collectons ».

C’est juste, à une nuance près, l’argent n’est pas toujours reversé, il est parfois dépensé par la structure, dans des « frais de gestion » et « frais marketing » qui sont régulièrement dénoncés. Cette opacité relative va-t-elle disparaître, victime du « reste à charge zéro » ? Tout semble l’indiquer.

Sabotage ? Vraiment ? 

La séquence s’est jouée en quelques actes : d’abord une négociation pénible pour aboutir à un engagement de l’ensemble du secteur et à la mise en place en trois ans d’un panier de soins gratuits pour l’assuré sur une certaine gamme d’optique, de prothèses dentaires et d’audioprothèses. Ensuite un partage des coûts, et l’engagement des mutuelles de ne pas les répercuter sur les assurés.

Enfin, dans un ciel qui semblait dégagé, l’attaque en piqué de la ministre de la santé Agnès Buzyn : « sabotage politique » ! La ministre affirme avoir entre les mains des courriers émanant de mutuelles informant les assurés d’une hausse de cotisations « liée à la mise en place du reste à charge zéro ». Qui sont les auteurs du ou des courriers ? La ministre ne le dit pas. La profession s’étonne, et juge « fortement improbable » que l’on puisse écrire noir sur blanc une phrase qui n’a pas grand sens : « s’il faut augmenter les cotisations c’est parce que les coûts de santé augmentent » dit encore Christian Schmidt de la Brélie, « mais pas pour absorber les coûts de la réforme ».

Ils représentent 250 millions d’Euros sur trois ans, «une goutte d’eau » dit la ministre, rappelant que la réforme « représente au total 0,14% de leur chiffre d'affaires », contre 20% pour leurs frais de gestion, « sur lesquels ils peuvent faire un effort d'efficience », le piège peut se refermer.

Prélèvements obligatoires

Car personne n’a besoin de voir le ou les courriers, la messe est dite, les « mutuelles » sont coupables, forcément coupables. Depuis des années déjà, elles portent sans doute une lourde responsabilité dans l’inflation des frais d’optique. La concurrence les poussant à offrir des garanties toujours plus élevées, elles ont amené les réseaux d’opticiens à baser les prix non plus sur leurs coûts réels mais bien sur les remboursements offerts. Je sais que le chiffre est contesté, mais l’économiste de la santé Frédéric Bizard affirmait il y a quelques années qu’elles portaient la responsabilité de l’équivalent de deux milliards d’euros de « surfacturation » par an, des coûts qui se retrouvaient évidemment dans les cotisations.

Tout cela est en train de changer radicalement, les soins d’optique, dentaires, sont maintenant plafonnés, sous surveillance (ce qui est sans doute, soit dit en passant, la pire des solutions) et le ministère de la Santé met en place un observatoire des prix et un comité de suivi sur les hausses de tarifs « dont les conclusions seront rendues publiques ».

Tout est évidemment dans cette dernière phrase : à l’heure du « name and shame » (dénonciation publique) généralisé (fiscalité, délais de paiement etc…) les mutuelles vont sans doute voir leur environnement radicalement changer. Il était temps. Eurostat considère maintenant les cotisations versées aux mutuelles en France comme un « prélèvement obligatoire ». On est bien loin du mythe de l’économie sociale et solidaire. Mais la transparence marchera pour tout le monde. Dans un récent coup de sang, le patron d'une mutuelle régionale des Alpes du sud renvoyait le gouvernement devant ses responsabilités: «nous sommes aujourd'hui taxés à 21%, davantage qu'une nuit d'hôtel dans un palace». La transparence n'ira pas sans risques