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Le plan de la France pour créer un "Airbus de l'industrie navale"

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- - HO / DCNS / AFP

INFO BFM BUSINESS - Le sommet franco-italien de mercredi prochain doit lancer le rapprochement entre Naval Group et Fincantieri. Chaque groupe prendrait 10% du capital de l’autre. L’accord sur les chantiers STX de Saint-Nazaire est sur la bonne voie.

L’Europe de la défense est en marche! Mercredi prochain, le sommet franco-italien de Lyon devrait acter une avancée majeure dans la coopération des deux pays. Il sera évidemment question des chantiers navals de Saint-Nazaire (STX) dont l’italien Fincantieri souhaite prendre le contrôle. La France privilégie un accord à 50/50 tout en laissant la gouvernance aux italiens. Les avancées sont "très positives" promet Bercy. Un acteur de la négociation assure qu’il s’agit d’un sujet "strictement politique" et que le vrai sujet est ailleurs.

Depuis plusieurs semaines, français et italiens discutent d’un large rapprochement dans le naval militaire. Cette union consiste à unir les constructeurs français Naval Group (ex-DCNS) et italien Fincantieri. Les deux se partageront le tour de table de STX mais souhaitent approfondir leur coopération. Voulu par le ministre Bruno Le Maire, cet "Airbus de l’industrie navale" est poussé depuis deux ans par les patrons des deux groupes, Hervé Guillou et Giuseppe Bono. Ils jugent qu’un mariage est indispensable face à la montée en puissance des russes et des chinois.

Alliance sur le modèle Renault-Nissan

Selon nos informations, le projet "Magellan" est désormais assez abouti pour être dévoilé. A ce jour, il doit être officialisé par Emmanuel Macron et le Premier ministre italien, Paolo Gentiloni, lors du sommet du 27 septembre. L’objectif est de lancer les négociations entre Naval Group et Fincantieri, les deux groupes ayant reçu l’aval des états français et italiens, leurs actionnaires majoritaires. Contactés, l’Elysée et Bercy n’ont pas souhaité commenter nos informations.

Concrètement, le schéma discuté ces dernières semaines viserait à créer une alliance sur le modèle de celle qui unit Renault et Nissan. Un échange de participations croisées permettrait à Naval Group et Fincantieri de prendre environ 10% du capital de l’autre. Chacun bénéficierait aussi d’une représentation au conseil d’administration de son partenaire. Mais surtout, une coentreprise détenue à parité (50/50) serait créée pour mettre en commun toute une série d’investissements pendant dix ans. Dans un premier temps, ne seraient concernées que les dépenses de recherche et développement (R&D) qui pèsent environ 100 millions d’euros par an pour Naval Group. Puis, progressivement, les autres postes tels que les achats, les équipements et le numérique. En revanche, l’activité de sous-marin nucléaire de Naval Group ne serait pas apportée à la coentreprise.

Jusqu’à 150 millions d'euros de synergies

A terme, l’objectif est de proposer des offres commerciales communes grâce à des modèles uniques de frégates. Les deux groupes prévoient d’atteindre d’ici quelques années des synergies comprises entre 100 et 150 millions par an. En cas de succès, les deux groupes pourraient dans un second temps augmenter leurs participations croisées à 20% pour renforcer l’alliance. Un mouvement qui conduirait, in fine, à ce que la coentreprise devienne un nouveau groupe fusionné sur le même modèle que Renault-Nissan.

Quelques points restent toutefois à régler, susceptibles de faire capoter l’opération. Notamment la place de Thales dans le dispositif. Actionnaire à 35% de Naval Group, le groupe d’électronique de défense devrait notamment réduire sa participation à environ 25% pour faire de la place à Fincantieri. Selon Reuters, Thales souhaite participer à la coentreprise avec son homologue italien Leonardo. Mais cette option ne semble pas être étudiée par Naval Group qui ne veut pas être dépendant d’un seul fournisseur d’équipements électroniques.

Un partenariat privilégié pourrait suffire. De son côté, le fabricant européen de missiles MBDA a soutenu publiquement ce projet d’alliance franco-italien. Après plusieurs mois de tensions politiques liées au dossier STX mais aussi aux investissements français en Italie (Vivendi, Crédit Agricole, Essilor…), le mariage entre Naval Group et Fincantieri permettrait de resserrer les liens entre les deux pays.

Matthieu Pechberty